La ballade de Baby · Heather O'Neill
vendredi, août 08, 2014Avec le roman choral, les bouquins qui donnent la parole aux enfants et aux ados sont mes préférés. Je passe rarement à côté. Dommage, c'est rarement réussi. Là, c'est très très réussi, avec une magnifique couverture de Carmen Segovia*, et en poche, en plus! Que demander de plus? Mais là, attention, c'est dur et ça prend au tripes.
Baby à 12 ans. Oui, c'est son vrai prénom. Elle ne connaît pas sa mère, morte trop tôt. Son père Jules est un indécrottable immature. Il la fait vivre dans son monde de junkie, l'amène à côtoyer une faune peu recommandable (drogués, prostituées). Ensemble, ils passent leur temps à déménager d'un quartier malfamé de Montréal à un autre. Baby est trop souvent livrée à elle-même, un pied dans le monde de l'enfance, l'autre dans celui des adultes. Elle sera poussée à vivre des expériences de plus en plus extrêmes. On se doute de la
suite...
O'Neill offre un récit
d'une lucidité glaçante, évoque le regard de l'enfant avec une justesse
saisissante. La traduction laisse à désirer, mais c'est un moindre mal. J'ai été bouleversée par la solitude de Baby et l'attachement qu'elle porte à son père. Une vie cabossée où l'espoir apparaît (un peu) au bout du tunnel...
Nos orteils étaient noirs à force de porter des godasses qui prenaient
l'eau. Nos oreilles percées étaient infectées et nos doigts cerclés de vert
parce que nous portions des bijoux de pacotille. Personne n'avait jamais mangé
une barre chocolatée. Nous volions des barquettes de cottage cheese que
nous mangions tous ensemble dans le parc.
La maison, c'était quelque chose qu'on pouvait faire tenir dans une
valise et rejoindre en taxi pour dix dollars. La maison, c'était l'endroit où
Jules et moi étions ensemble.
Je ressemblais aux gosses qu'on voit dans les rediffusions d'anciennes
séries télévisées. Jules soutenaient que ces vêtements étaient en tissu de
qualité, et que, si je ne voulais pas les porter, ça voulait dire que je
voulais jouer à la putain.
Soudain, je me suis rendu compte que je voulais que tout redevienne
comme quand j'étais petite. Une môme ne sait pas qu'elle habite un appartement
merdique. Pour elle, une chaise est une chaise, même si elle est branlante. Une
fleur sauvage qui pousse entre deux pavés du trottoir, devant son immeuble, est
un jardin. Elle croit que la chanson que fredonne son père ou sa mère le soir
est un grand air d'opéra, le plus tragique qui soit. Lorsque vous êtes très
jeune, il ne vous vient jamais à l'esprit que ce que vos parents ont à vous
offrir n'est pas suffisant.
★★★★★
2 commentaires
'' J'ai été bouleversée par la solitude de Baby et l'attachement qu'elle porte à son père. Une vie cabossée où l'espoir apparaît (un peu) au bout du tunnel... ''
RépondreSupprimerUne lecture marquante .
Vivement un nouveau roman d'Heather O'Neill!
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