Panik · Geneviève Drolet
mercredi, mai 27, 2015
Parce qu'elle
a commis une grosse gaffe, qu'elle n'est plus du monde et n'a pas d'allure, Dorothée, seize ans, est parachutée à Igloolik, au Nunavut, chez un ami d'école
de son père.
Mes parents s'étaient débarrassés de moi comme si j'étais un machin
radioactif à enfouir le plus loin possible dans la terre pour ne pas être
contaminés et tout le monde savait que ça ne faisait que remettre le problème à
plus tard, moi aussi, parce que j'étais le problème en question et que je
n'avais aucune envie de plonger à l'intérieur de moi pour régler les choses, il
y en avait trop.
À sa
descente d'avion, Mike l'attend – Mike le Yéti, comme elle l'appelle. Ce solitaire à la carrure de paquebot est un rustre de peu de mots. À
peine arrivée, Dorothée songe à fuir. Elle déchante vite!
J'ai commencé à marché en tirant mon traîneau jusqu'au sommet de la
colline, j'ai regardé derrière moi et en un seul coup d'œil, je pouvais voir
tout le village qui était niché dans une vallée en forme de cuvette de toilette
et c'est là que je me suis rendu compte que les deux seules portes de sortie
étaient l'aéroport et le cimetière, parce qu'autour, il n'y avait rien et je ne
pouvais pas m'échapper.
Sans trop avoir le choix, Dorothée s'habitue à sa nouvelle vie dans
une vieille bicoque aux côtés du Yéti. Elle essaie de chasser, tente d'apprendre l'inuktitut, conduit une motoneige, hérite de quelques engelures, se
frotte le nez sur la fourrure d'un renard (d'où le choix de l'hideuse
couverture?) lors de ses passages au magasin local, va porter le sac à merde
au dépotoir!
Dorothée et le Yeti s'apprivoisent tranquillement pas
vite. Peu à peu, les tiroirs s'ouvrent, les langues se délient. On apprend les
raisons de ce parachutage dans le Grand Nord, on apprend aussi ce que Mike y
fait, seul. Autour
de ce duo improbable gravitent une galerie de personnages colorés: Barbie Nunn, sa
surveillante de classe anglophone aux beaux ongles; Lakeesha-Jewel, une Inuite de dix ans qui ira accoucher à Iqaluit; le by-law,
le seul flic du coin qui passe son temps à voler des matériaux sur les
chantiers de construction. Des Inuits, beaucoup, et des Blancs – francophones
et anglophones -, ceux qui ont l'argent.
Pour
la première fois de sa vie, Dorothée rencontre des gens vrais, authentiques,
sans masques. Ce qui l'amène à se départir de son armure. Derrière la p'tite
conne égocentrique et superficielle se cache une fille dégourdie, débordante de
générosité. Et derrière le Yéti se trouve un gentil petit ours polaire!
Dans cette contrée, le froid est mordant, la vie rude. Les carcasses de phoques dégèlent sur le comptoir. Le dépotoir déborde de cuivre, de peaux d'animaux et de carcasses de motoneiges. Le Norther(n) - Walmart du Nord – vend sa slush 8,00$ l'unité.
Panik lève le voile sur une culture fascinante
vue par une fille du Sud. Les descriptions du Grand Nord et les drames humains qui s'y jouent sonnent terriblement justes.
Geneviève Drolet fait preuve d'une imagination débridée servie par une écriture lumineuse et rocailleuse, parsemée de jurons, d'expression colorées et d'une bonne épaisseur d'humour.
Une écriture parfois brutale, avec des éclairs de poésie et de tendresse. Aux longues tirades de Dorothée se
superposent des passages à bâtons rompus, de petites scènes qui éclairent
l'ensemble du récit.
Geneviève
Drolet orchestre son roman comme une virée de la dernière chance pleine de
surprises. Panik est tour à tour
contemplatif, déchirant et hilarant. À la fois captivant roman d'aventures, grand
huit des émotions humaines et hymne à la beauté de ce territoire indompté. Aucun misérabilisme, ici. Juste la vie telle qu'elle est,
avec ses petits instants de bonheur et sa grosse misère.
Un seul chapitre a suffi pour me prendre dans les filets de l'intrigue. Dommage que les dernières pages soient un peu garochées. Ça se met à débouler comme un tas de roches. J'en suis restée estomaquée. Me suis dit qu'elle y allait un peu fort, la Geneviève. Mais c'est tout pardonné.
Un seul chapitre a suffi pour me prendre dans les filets de l'intrigue. Dommage que les dernières pages soient un peu garochées. Ça se met à débouler comme un tas de roches. J'en suis restée estomaquée. Me suis dit qu'elle y allait un peu fort, la Geneviève. Mais c'est tout pardonné.
Panik, Geneviève Drolet, Tête première, 316
pages, 2015.
★★★★★
14 commentaires
Lui je l'avais déjà noté, ça m'attire les grands espaces. Ton avis est superbe et ça donne envie de le lire! Je me garde ça pour dans quelques mois, parce que là j'ai envie de chaleur, de mer, de sable...
RépondreSupprimerÇa devrait beaucoup de plaire, Gab. À lire au mois de janvier!
SupprimerJe me trompe là : lecture de grands donc pas lecture jeunesse ? Le commentaire de Gabriel me fait rire avec le soleil et la plage (j'y étais y a pas dix jours et aujourd'hui grand soleil et 23 degrés à l'ombre ...) Moi bizarrement, je rêve toujours d'aller dans le Grand Nord ou en Sibérie donc ce livre me donne envie.
RépondreSupprimerMaintenant j'ai besoin d'une traduction québécoise - français : "dommage que les dernières pages soient garochées" .. euh ? garochées ??
Pour la couverture, elle est vraiment atypique effectivement elle peut attirer le lecteur qui essaie de deviner puis après le rebuter, un pari de l'éditeur ...
Lecture de grands. Étrangement, il fait un temps glacial dans mes lectures actuelles! Mais je me régale (et frissonne)!
SupprimerMoi aussi, le Grand Nord et la Sibérie m'attirent énormément. Qui sait, on se rencontrera peut-être dans un désert blanc?!
Garocher: ici, on garoche des roches dans l'eau, on ne lance pas des cailloux ou des galets. Dans le sens où je l'utilise: lancer n'importe comment, à la va-vite.
Le choix de la couverture se justifie, certes. N'empêche... Dans le genre «animal mort», je préfère la couverture de "Balistique" de D.W. Wilson! À bien y regarder, elle est très étrange, avec ses yeux de lapin?
On garoche des roches ? ah c'est trop drôle ! Donc ici ça veut dire qu'il propose une fin un peu bâclée ?
SupprimerAh contente de trouver qqn d'attirer par le grand froid car personne ne rêve de ça sauf moi ici ! Oui, Aucun homme ni dieu était donc parfait pour nous ;-)
Oui, cette couverture est unique ! Moi c'est pas trop mon truc ...
Ah demain un billet spécial ...Marie-Claude !!
Je ne dirais pas que la fin est bâclée... Plutôt qu'il y a trop d'informations capitales en peu de page. Une petite cinquante de pages de plus auraient été souhaité.
SupprimerOh non! Pas un billet spécial?! Ma PAL est vertigineuse et j'ai une douzaine de romans en commande... Tu me fais très peur (mais j'ai hâte, maso que je suis!).
Petit rire de ma part en lisant ce commentaire ;-)
SupprimerA demain (je me couche tôt pour lire ...)
J'avais la même question concernant "Garochée"
RépondreSupprimeret une autre puisque j'y suis: comment fait-on lorsque l'on atteint ce moment où l'on a envie de beaucoup plus de livres que l'on a de temps disponible ? Comment gérer cette frustration terrible ?
Pour «garocher», voir mon commentaire à Electra ci-dessus.
SupprimerPour ton autre question... On se met au chômage?! Par contre, quand on aime son travail comme j'aime le mieux, le problème demeure entier.
On se prive de sommeil? Mmm non! On risque d'en payer des conséquences.
Si tu trouves une réponse, fais-moi savoir. Je suis preneuse!
Oh même dilemme par ici....
SupprimerIl me tente beaucoup celui-ci, le lieu, l'ambiance et puis j'ai appris un mot, "garocher" ! :)
RépondreSupprimerPrécipite-toi, Manu! Des mots, tu en apprendra plein d'autres dans ce roman. Il vaut vraiment le détour.
SupprimerChronique géniale qui me donne envie de découvrir ce roman! ne suis pas déçue pour une première visite sur ton blog!!
RépondreSupprimerTant mieux! J'espère que tu y reviendras souvent!
SupprimerEt "Panik" vaut vraiment le détour... C'est à lire!