LaRose · Louise Erdrich
jeudi, mars 29, 2018
Ma première rencontre livresque avec Louise
Erdrich a eu lieu avec le troublant Dans
le silence du vent. Il y a eu par la suite Le pique-nique des orphelins,
qui m’avait bien plu, mais sans plus. J’attendais ce LaRose avec une trépidante impatience .
Dans le Dakota
du Nord, en 1999, l’impensable se produit: alors qu’il chasse le cerf, Landeaux Iron tue accidentellement
le jeune Dusty Ravich, le fils de son voisin
et ami. La cour de l’État rend son verdict:
c’est un accident; Landeaux n’est pas coupable. Ce jugement ne saurait calmer la détresse de Peter et
Nola, les parents de Dusty, ni apaiser la culpabilité de Landeaux. Après
une cérémonie dans la tente de sudation, Landreaux et sa femme Emmaline
décident de donner LaRose, leur plus jeune fils, au Ravich. «Notre fils sera votre fils maintenant.»
Ce geste d’une incroyable abnégation ne règlera pas tout, loin de là. Reste à voir comment chacune des familles
réagira à la perte, au deuil et à la réparation.
Landreaux fait son possible pour résister à l’alcool, la honte et la culpabilité le tordent, l’envie de mourir rôde. Sa femme Emmaline remet en question le geste qu’ils ont posé. Peter
sublime son besoin de vengeance en s’imaginant abattre une hache sur la tête de Landreaux. Nola, ravagée par le chagrin, navigue entre l’envie de vivre et celle de mourir, attirée
par la corde qui traîne dans la grange.
Elle parvient de peine et de misère à
dissiper sa «ration de chagrin quotidienne» en faisant des gâteaux et en
dénigrant sa fille Maggie. Si la mort de Dusty éloigne les parents,
elle fortifie les liens entre les enfants des deux familles. À ces personnages s’en
ajoutent quelques autres, étrangers au drame des deux familles. Chacun porte son fardeau à la mesure de sa force et de ses moyens.
Louise Erdrich retrace par
intermittence, tout au long du roman, l’histoire
de la première LaRose, une jeune Ojibwée vendue par sa mère à un négociant.
Cette LaRose, fascinant personnage, était une guérisseuse qui a adroitement résisté à l’assimilation à la culture, aux valeurs et à la religion des Blancs.
LaRose n’est pas le genre d’histoire qui donne envie de danser la rumba. Pourtant,
malgré sa noirceur ambiante,
l’intrigue n’est jamais étouffante. Louise
Erdrich amène de l’humour et de l’ironie au milieu du désespoir.
(Je songe aux résidents du centre pour personnes âgées, avec leur humour
piquant.) Si tous les
personnages sont bien incarnés, certains m’ont plus touchée que d’autres. Difficile de ne pas s’attacher à LaRose, ce sauveur débordant de sagesse et d’innocence, écartelé entre ses deux familles.
Une fois de plus, Louise Erdrich se révèle une conteuse ensorcelante. Elle entremêle habilement le passé et le présent pour créer une histoire fascinante de réparation, entre tradition et modernité. Les aller-retour sans préavis dans le temps et les
dialogues imbriqués dans le texte pourraient en décourager certains. Mais l’effort en vaut la peine.
LaRose, Louise Erdrich, trad. Isabelle Reinharez, Albin Michel,
«Terres d’Amérique», 528 pages, 2018.
★★★★★
J’ai lu ce roman dans le cadre de deux challenges: 50 États 50 romans (État du Dakota du Nord) et Nation indienne.
24 commentaires
Je n'ai jamais osé la lire. Tous ses livres me font le même effet. Ils me tentent... un peu. Mais j'ai une réserve et peur d'être déçue. Je ne sais bien pas pourquoi.
RépondreSupprimerÀ bien y penser, il y a quelque chose chez Louise Erdrich qui me fait hésiter à te la conseiller. Je n'arrive pas à mettre le doigt dessus, mais j'ai une petite réserve. Bref, je crois fort que ton intuition est bonne!
SupprimerVoilà un billet bien intrigant. Si je la trouve en bouquinerie, je me laisserai tenter.
RépondreSupprimerTu as déjà lu un roman de Louise Erdrich?
SupprimerHeureuse que tu aimes ce beau roman. J'aime sa façon de mêler les voix.
RépondreSupprimerHabituée avec le mélange des voix romanesques, j'aime cette façon de faire. Des trois Louise Erdrich que j'ai lu jusqu'à maintenant, c'est celui que j'ai préféré. Mais il m'en reste encore quelques-uns à lire!
SupprimerC'est vrai que le petit LaRose est très touchant !
RépondreSupprimerTrès spécial, en même temps. Un petit côté surnaturel très zen, étonnant pour son âge!
SupprimerDans le silence du vent, c'est déjà un si beau titre... que j'ai envie de commencer par le découvrir. Je n'ai pas encore osé m'attaquer (m'attacher) à Louise Erdrich, parce qu'il y a des lectures qui n'échapperont pas à notre destin de lecteur...
RépondreSupprimer"Dans le silence du vent" serait une excellente entrée en matière.
SupprimerRien d'étouffant ni de larmoyant dans ce roman, non, il y a au contraire pas mal de lumière dans la noirceur ambiante.
RépondreSupprimerComme souvent chez Erdrich, malgré la dureté, il y a toujours du lumineux autour.
SupprimerIl est dans ma pile ..je vais el remonter après avoir lu ton avis !J'ai déjà beaucoup aimé Dans le silence du vent .Mylène
RépondreSupprimerSi tu as aimé "Dans le silence du vent", tu trouveras ton bonheur avec ce "LaRose", j'en suis persuadée!
SupprimerJe l'ai beaucoup beaucoup aimé ! Ça n'était que le second que je lisais d'elle, mais ça m'a donné très envie de mieux connaître ses autres romans !
RépondreSupprimerEt quel est le premier que tu as lu? "Le pique-nique des orphelins"?
Supprimeroui ! et, au début, je n'accrochais pas trop, mais plus les pages passaient, plus c'était bon !
SupprimerOuais... c'est sensiblement la même chose qui m'est arrivée.
SupprimerJe n'ai encore jamais lu Louise Erdrich, sans doute par peur d'être déçue, mais LaRose m'attire énormément.
RépondreSupprimerÇa m'est arrivée dernièrement avec Toni Morrison. Repousser la découverte d'un(e) auteur(e) par peur d'être déçue... J'ai sauté le pas et c'était fabuleux. Au point que je compte remettre ça tout bientôt.
SupprimerBref, n'hésite pas trop longtemps! Ça vaut le coup!
Enfin ! Je plaisante. Tu sais à quel point j’ai aimé ce roman et l’histoire de la première LARose et cet enfant déchiré entre ses deux familles. Et c’est lumineux ! Du bon très bon 😊
RépondreSupprimerJ'en ai mis, du temps à le lire! La faute à qui?!
SupprimerOui, c'est lumineux. On ne tombe jamais dans l'extrême noirceur, avec Erdrich.
Un client de Maud lui diait à quel point il aimait cette auteure, mais à quel point, aussi, c'est sombre et glauque, que l'alcool coule à flot et que les personnages en arrachent. Ouf! Il n'a pas lu les mêmes que nous!
Je n'ai encore jamais lu Louise Erdrich. tu me conseilles de commencer par quel titre? Dans tous les cas, je retiens ce dernier!
RépondreSupprimerJe n'en ai lu que toi jusqu'à maintenant, mais je te dirais de commencer par celui-ci.
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