Eleanor Oliphant va très bien · Gail Honeyman
lundi, juin 11, 2018
Eleanor
Oliphant vit à Glasgow, en Écosse. Eleanor ne va pas bien, malgré ce qu’en dit le
titre. En fait, elle va même plutôt mal.
À bientôt trente
ans, Eleanor a réglé sa vie au quart de tour. Elle travaille depuis près de dix
ans au département des comptes dans une société de production, du lundi au
vendredi de 8h30 à 17h30. Lorsqu’ils ne se moquent pas d’elle, ses collègues
lui tournent le dos. Le vendredi, pour fêter l’arrivée du week-end, elle achète
une pizza margherita, une bouteille de Chianti et deux de vodka. Elle passe sa fin de semaine
à dormir et à regarder la télé. Rien de bien palpitant, mais ça lui convient.
Eleanor parle
avec sa mère incarcérée tous les mercredis. Une assistante sociale lui rend
visite à l’occasion pour s’assurer que sa vie n’a pas dérapé. Un événement
traumatisant, survenu dans son enfance, explique la carapace qu’elle s’est
forgée. Socialement maladroite, voir inadaptée, elle prend tout au pied de
la lettre. Elle ne se plaint pourtant pas de son isolement. Sa routine rassurante
est confortable.
J’ai parfois le sentiment que je ne suis pas là, que je suis le fruit de mon imagination. Il y a des jours où je me sens si peu attachée à la Terre que les fils qui me relient à la planète sont fins comme ceux d’une toile d’araignée, comme du sucre filé. Une grosse bourrasque suffirait à m’en détacher; je m’élèverais et serais emportée comme des aigrettes de pissenlit.
Le jour où Eleanor gagne des billets pour assister à un concert de rock, elle s’entiche du chanteur.
Elle fait une fixation, les fantasmes dans le tapis. Mettant tout en oeuvre pour forcer le destin et le rencontrer, elle s’achète un ordinateur pour faire des recherches sur lui. Elle
renouvelle sa garde-robe, change de tête et passe chez l’esthéticienne. L’arrivée
de Raymond, le nouvel informaticien du bureau, bouscule son quotidien. Raymond et Eleanor aident de
façon inattendue un vieil homme qui a fait un malaise dans la rue. Les trois se lient d’une
amitié improbable. Eleanor commence à s’ouvrir aux autres. Timidement, elle
découvre les effets bienfaisants de la
bonté et de l’amitié. Ne lui reste plus qu’à se délester de son passé toxique et aller de l’avant.
· · · · · · · · ·
Quel vent de
fraîcheur soulevé par cette Eleanor! Un personnage original, atypique, comme il y
en a trop peu en littérature. Malgré tout ce qu’elle a vécu, Eleanor ne se pose jamais en victime. Par le biais
de son héroïne, Gail Honeyman se moque des conventions et des rôles sociaux trop souvent castrants.
À force d’observer les gens depuis mon banc de touche, j’avais fini par comprendre que le succès en société dépendait souvent de la capacité à faire semblant. Les personnes populaires devaient savoir rire de choses qu’elles ne trouvaient pas très drôles, et faire ce qu’elles n’avaient pas envie de faire avec des gens qu’elles n’appréciaient pas plus que ça. Moi pas. Il y avait longtemps, j’avais décidé que si je devais choisir entre ça et mener ma barque en solo, alors je mènerais ma barque en solo. C’était plus sûr.
À tout moment, l’humour allège la lourdeur du sujet. Gail Honeyman traite des traumatismes de l’enfance et de la résilience dans un style frais et enlevé. Elle montre avec beaucoup de finesse la difficulté à se construire et à s’adapter lorsque les codes sociaux font défaut.
J’ai longtemps
hésité avant de mettre la main sur le roman de Gail Honeyman. Je craignais l’effet «romance» rose
bonbon. Mes appréhensions n’étaient heureusement non fondées. J’avoue que la couverture a bien fait son travail d’aimant. Un feel-good book brillant et rafraîchissant. Simple, mais diablement efficace. Même la présence de quelques clichés n’a pas réussi à gâcher mon plaisir!
Eleanor Oliphant va très bien, Gail Honeyman, trad. Aline Azoulay-Pacvon, Fleuve
Éditions, 432 pages, 2017.
★★★★★
20 commentaires
ravie de constater que tu as passé un bon moment avec!
RépondreSupprimerTellement! Je t'en remercie, d'ailleurs! C'est grâce à ton billet que la balance a penché du bon côté!
SupprimerMmmhh... bon à savoir! Tu peux pas tout expliquer dans ton billet forcément, mais le lien entre son coup de coeur pour le chanteur et la suite?
RépondreSupprimerC'est à lire! Il te plairait, ce roman. Le chanteur est en quelque sorte un prétexte pour sortir de sa coquille...
Supprimerah je suis contente de lire ce billet!
RépondreSupprimerje me demandais ce que valait ce roman, et j'avais peur d'un côté chick lit...très envie de le lire, désormais !
Je l'ai fui pendant longtemps, craignant justement ce côté chick lit. Eh ben non, pas du tout.
SupprimerC'est un roman vraiment étonnant. Je sens qu'il te plairait bien...
Malgré la note positive, je redoute un peu... ( Faut dire que pour le moment j'enchaine roman deprimant sur roman deprimant...) Faut croire que j'aime ça!
RépondreSupprimerEntre ce roman et un roman déprimant, mon choix est fait! Tu peux continuer à enchaîner, je te suis à 100%!
Supprimertu donnes envie. Les bons romans doudous (comme je les appelle) à la fois rafraichissants et attachants ne courent pas les rues. Tu as dejà lu "Sheila Levine est morte et vit à New York" de Gail parent. Ça avait été une bonne surprise pour moi.
RépondreSupprimerTu as raison, les BONS romans doudous sont rares. Et celui-ci est une très bonne surprise.
SupprimerJe vais aller voir plus loin pour "Sheila Levine est morte et vit à New York". Merci pour le conseil. C'est toujours apprécié.
Contente que tu aies aimé aussi. Excellent ton billet, comme toujours. Un plaisir de te lire.
RépondreSupprimerMerci, gentille dame!
SupprimerJ'ai hâte de voir ce qu'elle nous concoctera comme deuxième roman!
J'attendais ton avis depuis longtemps du coup ! je l'ai vu partout chez les booktubeuses anglophones - beaucoup de bruit avec des plus et des moins. Certaines personnes ont dit qu'elle ne pouvait pas être "autiste" car ça ne se guérit pas - en te lisant, c'est plus lié à un traumatisme, ensuite certains disaient qu'on ne peut pas guérir si facilement .. j'ai du voir trop de vidéos à son sujet. Mais bon Jennifer, qui n'est pas tendre, a aimé certains aspects et je vois que tu as aimé. La couverture, est c'est vrai, magnifique. Il est dispo en vo à la BM donc je vais pouvoir l'emprunter, pas tout de suite, mais sait-on jamais ...
RépondreSupprimerJe n'ai jamais pensé qu'Eleanor était "autiste". Loin de là. Il est question d'un traumatisme très (trop) longtemps enfoui. De bonnes rencontres au bon moment lui ont permis de s'ouvrir.
SupprimerJ'ai lu, en français, plus d'avis positifs que négatifs. Et je seconde!
J'ai eu la même crainte que toi, quant au côté romance/feel good. Dans un premier temps, j'ai même failli lâcher l'affaire. mais comme il m'avait été conseillé par une personne dont je partage souvent les goûts, j'ai persévéré et je ne le regrette pas car ce roman est plus profond qu'il n'y paraît.
RépondreSupprimerExactement, un roman plus profond qu'il n'y paraît! Je me demande d'ailleurs d'où lui vient cette réputation de romance/feel good, au demeurant tronquée.
SupprimerJ'ai mis du temps à le lire, le pied sur le frein. Mais une fois mes oeillères levées, j'ai foncé et ce fut une très agréable surprise.
Pas trop tentée. Je le sens pas à ce moment "t" . Peut être plus tard ...
RépondreSupprimerLa couverture fait Chick liste je trouve... peut être d'où viens sa réputation !?
Ça demeure une lecture plutôt légère, si on compare à ce que je lis habituellement.
SupprimerPlus tard si tu as besoin de lecture doudou?!
Tu trouves que la couv. fait chick lit? Je ne trouve pas, pourtant. Plus oui que non, mais non!
La typographie sans doute me fait penser à de la chick lit ou le titre tout simplement....
SupprimerMais si tu l'as fini c'est bon signe... ;-)
Pour le titre, surtout, c'est vrai. Je te l'accorde.
SupprimerQue je le finisse est même un très bon signe!