Mohammad, ma mère et moi · Benoit Cohen
lundi, juillet 30, 2018
Mohammad,
ma mère et moi était sur ma
liste d’envies depuis sa parution. Je m’étais dit que j’attendrais que la vague
d’engouement soit passée pour le lire. Mais lorsque Benoit Cohen himself m’a demandée si j’aimerais
recevoir un exemplaire de son récit, je n’ai pas hésité une seule minute.
Comme l’indique le titre, il
sera question de Mohammad, de Benoit et de sa mère. Le réalisateur et auteur
Benoit Cohen vit à Brooklyn depuis quelques années avec femme et enfants. Donald
Trump vient d’être élu, c’est un coup de massue. Benoit fait des allers-retours à Paris,
voit souvent sa mère, dont il est très proche. Cette mère, bourgeoise jusqu’au
bout des doigts, est une femme pétillante et allumée. Lorsqu’elle entend, à la radio, l’un des
deux fondateurs de l’association Singa, une association qui vient en aide aux
migrants, c’est une révélation.
«Si on peut, on doit». Cette phrase provoque un électrochoc chez ma mère. Elle se dit qu’elle ne peut plus ne rien faire. Elle a la chance d’avoir une grande maison et la possibilité d’accueillir quelqu’un chez elle.
Benoit et ses frères ne sont pas sans s’inquiéter du nouveau projet de leur mère. Mohammad débarque dans la vie de Marie-France, en plein cœur du VIIe arrondissement. Une fois passés les ajustements du début, la cohabitation se déroule à merveille. À la demande de Benoit, Mohammad lui raconte son histoire.
«Si on peut, on doit». Cette phrase provoque un électrochoc chez ma mère. Elle se dit qu’elle ne peut plus ne rien faire. Elle a la chance d’avoir une grande maison et la possibilité d’accueillir quelqu’un chez elle.
Benoit et ses frères ne sont pas sans s’inquiéter du nouveau projet de leur mère. Mohammad débarque dans la vie de Marie-France, en plein cœur du VIIe arrondissement. Une fois passés les ajustements du début, la cohabitation se déroule à merveille. À la demande de Benoit, Mohammad lui raconte son histoire.
Mohammad voit le jour en Iran,
en 1994, dans une famille de musulmans chiites, d’origine afghane. Il
quitte l’Iran pour l’Afghanistan avec ses
parents. Il est engagé comme homme de ménage, puis serveur à l’ambassade
d’Angleterre. Un collègue de travail lui donne un livre de développement
personnel qui changera sa vision du monde à jamais. (Ah, le pouvoir des livres…)
«La lecture de ce livre l’a débarrassé de toute crainte, lui a donné de la
force, de l’ambition. Il n’a plus peur du futur et n’accepte plus de subir
aucune humiliation.» Mohammad devient ensuite interprète pour l’armée française. Lorsque les
troupes françaises quittent le pays, le jeune afghan se retrouve au chômage. Sa vie est en danger. Mohammad quitte le pays, espérant se
rendre en France. Son parcours est parsemé d’embûches et de rencontres –
heureuses et moins heureuses. Un destin marqué par la guerre
et la violence. Puis, il y a sa rencontre avec Marie-France, une deuxième
mère. Une de ces rencontres qui changent la
vie, porteuses de confiance et d’espoir. L’avenir laisse enfin entrevoir des percées de soleil...
· · · · · · · · ·
Le récit de Benoit Cohen est de ceux qui
harponnent son lecteur. Je l’ai dévoré en un après-midi, incapable de le reposer.
Les récits de migrants (véridiques ou fictifs) sont aussi nombreux
que les maringouins en Abitibi. Il y en a à toutes les sauces. La particularité
et la fraîcheur de Mohammad, ma mère et moi vient de ce que
Benoit Cohen choisit d’entremêler trois fils narratifs: le sien, celui de sa
mère et celui de Mohammad.
Benoit a quitté la France par choix, pour
changer d’air. Mohammad a quitté l’Afghanistan
par obligation. Le parallèle
entre la situation de Benoit et celle de Mohammad rend d’autant plus frappant le fossé existant entre les Occidentaux et non Occidentaux. Si le Français rencontre quelques écueils, l’Afghan en rencontre
un char pis une barge.
Mohammad et moi avons tous les deux quitté notre pays et vivons en terre
étrangère. J’avais envie de changer d’air, lui sauvait sa peau. Il n’avait pas
d’autre option, moi si. J’ai pu choisir mon pays d’adoption, lui non. Il n’avait
pas d’argent, moi si. Je me suis tout de suite senti chez moi, lui non. Toute
la différence tient en un mot: Welcome. Si on ne se sent pas bienvenu, on ne peut
s’intégrer. Difficile de trouver la force de se reconstruire dans un pays
hostile. Cette notion d’accueil est au centre de la réussite de l’intégration.
Le geste de solidarité posé par
Marie-France est remarquable. Qu’une femme de 70 ans décide de mettre ses appréhensions de côté et de passer à l’action me réconforte avec la vieillesse! Je suis tombée sous le charme de cette femme, de son
audace, de son ouverture d’esprit et de sa bienveillance.
J’ai aussi appris des choses pour le moins révoltantes, comme celle-ci: «L’Afghanistan est le pays, avec la Somalie, qui a accès au moins de pays dans le monde, seulement 25. En comparaison, être français permet d’en visiter 175 sans visa.» Et avec le clown bronzé à l’autobronzant comme Président des États-Unis, les choses ne sont pas prêtes d’aller mieux…
J’ai aussi appris des choses pour le moins révoltantes, comme celle-ci: «L’Afghanistan est le pays, avec la Somalie, qui a accès au moins de pays dans le monde, seulement 25. En comparaison, être français permet d’en visiter 175 sans visa.» Et avec le clown bronzé à l’autobronzant comme Président des États-Unis, les choses ne sont pas prêtes d’aller mieux…
Une très belle histoire, de
celle qui apporte de la lumière sur un sujet brûlant d’actualité, de celle qui
réconcilie avec l’humanité. Inspirant.
À moi, maintenant, Yellow Cab, récit de l’expérience de
Benoit Cohen comme chauffeur de taxi à New York.
L’avis de Virginie, un tantinet moins emballée que moi, se trouve ici. Et celui de Céline se trouve ici.
Mohammad, ma mère et moi,
Benoit Cohen, Flammarion, 288 pages, 2018.
★★★★★
20 commentaires
Vu et re-revu sur Insta.. j'ai un peu ma dose. (Désolée, pour le moment, la rentrée littéraire m'exaspère! Je vois les mêmes bouquins partout, tout le monde présente les mêmes livres avec cette phrase: "coup de coeur" à tire-la-rigot... oups, je m'emballe, encore désolée)
RépondreSupprimerTout ça pour dire que l'histoire me plairait à coup sûr mais que je vais attendre un peu.
Ben chez moi, si tu y passes, tu verras que ce n'est pas un "coup-de-coeur" comme pour tout le monde :o)
SupprimerSi j'ai beaucoup aimé la narration, admiré la mère de l'auteur dans son geste altruiste, j'ai émis quelques réserves : le tableau est presque trop idyllique...
On n'a pas tout à fait le même ressenti sur ce coup...j'ai préféré le bouquin de Bernie Bonvoisin où la réalité est plus rude, plus "réelle" ; jusqu'à me dire que des migrants comme Mohammad ne doivent pas être légion et que, dans la vraie vie, il y a des tas de réfugiés qui ne feront pas d'études supérieures en France mais qui mériteraient qu'on fasse plus grand cas d'eux.
Supprimer(Mais comme toi, je l'ai lu d'une traite, c'est très bien écrit !)
Tu fais rarement de montées de lait! C'est rafraichissant, venant de toi!
SupprimerJ'ai la même écoeurentite aigue concernant la rentrée. Et dire que le pire est à venir. Sachons sortir des sentiers battus!
Je comptais lire le récit de Cohen une fois la vague d'engouement passée, mais l'occasion était trop belle! Et je n'ai pas été déçu. Loin de là.
C'est mon livre rafraîchissant de l'été! De ton côté, attends sa sortie en poche. Ce serait dommage de le manquer. Il te plairait beaucoup, j'en mets ma main au feu.
@Virginie
SupprimerLe tableau ne te semble-t-il pas moins idyllique du fait qu'il s'agisse d'un récit et non d'une fiction?
Moi, je me suis dit: enfin une histoire qui ne surligne pas en noir une réalité qui l'est déjà suffisamment.
Tu as raison, je fais rarement de montées de lait , je me maîtrise la plupart du temps. Et désolée que ça tombe ici... Je sais que le plus dur reste à venir avec cette rentrée qui arrive! Je ferme les yeux et me concentre sur mes livres... Pas facile!
SupprimerJe crois que je suivrai ton conseil ou mieux l'emprunter à la bibliothèque !
C'est un beau point de vue que le tien ! tu as raison, finalement, on dit tant de mal des réfugiés que peut-être notre cerveau n'a plus assez d'objectivité ! Je suis restée super admirative de Mme Cohen, et j'ai bcp aimé aussi la "coolitude" de son fils Benoît.
SupprimerC'est d'abord une situation humaine très tendue et on a sans doute besoin de signes positifs (et d'amour !!)
Au final, c'est plutôt positif, tout ça!
SupprimerMince, je n'ai pas réussi à entrer dans ce récit qui avait pourtant tout pour m'intéresser et me toucher... Ce n'était peut-être pas le bon moment...
RépondreSupprimerOh, quel dommage. J'espère pour toi que c'était seulement une question de timing et que ce n'est que partie remise.
SupprimerYellow Cab m'avait tenté lui aussi. Hâte de me faire une idée de celui-ci d'abord,
RépondreSupprimerTu es une star Madame Couette !!! Ben Co en personne t'envoie son livre ;-)
Joli billet qui me donne encore plus envie.
Pas star pour une miette! Ben Cohen a fait le tour. Je suis loin d'être là seule à qui il a envoyé son récit!
SupprimerC'est la première fois que je convoite un livre et qu'au même moment, je suis contacté par l'auteur. Le timing était vraiment bon! Habituellement, le livre ne me tente pas et je refuse... Ou j'accepte et prends une chance de sortir de mes sentiers battus.
Je n'ai pas attendu de terminer "Mohammad, ma mère" et moi pour commander "Yellow Cab". Lecture prévue pour bientôt...
Bah ! J'apparais en Unknown ?
RépondreSupprimerTitezef
J'espère que Google-Blogger te reconnaîtra à l'avenir. Sinon, il aura affaire à moi!
SupprimerJ'ai beaucoup aimé l'originalité de l'approche sur un thème qui, comme tu l'as dit, et vu et revu en ce moment. Le parallèle entre la vie des 2 hommes est également bien amené.
RépondreSupprimerDu coup, je me suis rappelée ton billet tentateur. Je viens d'ajouter le lien à la fin de mon billet!
SupprimerJe rejoins Fanny ... un peu marre de voir les mêmes bouquins partout ... et ce n'est pas du tout mon genre de lecture. mais c'est génial que l'auteur soit venu vers toi, waouw !
RépondreSupprimerJ'ai l'impression que cette lassitude (que j'éprouve aussi) commence à se propager de plus en plus. N'empêche, avec la rentrée, ça ne risque pas de s'arranger. On verra comment de quel côté le vent va souffler!
SupprimerJe me disais je l'ai déjà vu ci et là - chez Virginie et chez Delphine, moins enthousiaste et puis surtout à la télévision, des reportages sur ces gens qui accueillent des migrants chez eux. Donc, oui le sujet me semble un peu trop "rebattu" ces temps-ci. Mais je suis ravie que tu aies eu le coup de cœur ! et que l'écrivain te le propose !
RépondreSupprimerPetit rappel! Quatre étoiles, ce n'est pas un coup de coeur! Pas loin, mais non!
SupprimerCe récit n'est pas pour toi. Point à la ligne! Même s'il est génial!