Tracey en mille morceaux · Maureen Medved
mardi, septembre 17, 2019
Rarement un titre de roman
aura si bien porté son nom. Tracey en
mille morceaux. Mille morceaux, mille fragments, mille pensées éparpillées…
Tu
commences à me connaître. Tu sais à quel point j’adore les histoires d’ados
cabossés qui ne baignent pas dans une vie cotonneuse. Avec Tracey en mille morceaux, ça partait fort:
Je suis si heureuse. Ma vie
est extraordinaire. Maintenant, je vais m’arracher les yeux. Vous me trouvez drôle ?
JE SUIS UNE URGENCE – assise ici, nue sous les fleurs d’un rideau de douche
crasseux. C’EST PAS DE MA FAUTE. Mon ADN est détraqué.
Et puis…
plouf! Par je ne sais quel miracle, je me suis bien rendue jusqu’au bout. Parce
que la voix qui crie dans ce roman a de l’écho. Mais sapristi, ce que j’ai pu avoir
de la misère à m’accrocher aux filaments de la psyché de cette ado en
ébullition.
Pour
faire une histoire courte, la Tracey du titre a 15 ans, c’est «une fille
normale qui se déteste». Suite à la disparition de son petit frère, elle part à
sa recherche. Elle marmonne, assise au fond d’un bus, vêtue d’un simple rideau
de douche. Ça, c’est le noyau de l’histoire. Puis, il y a plusieurs couches de peaux:
des rencontres peu recommandables, un milieu familial complètement dysfonctionnel,
de l’intimidation à l’école, etc.
La chronologie est à ce point
malmenée que j’en perdais mon latin. Sans parler du flou: j’ignore si la
relation entre Tracey et Billy Speed, le bad boy dont l’adolescente
est amoureuse, est réelle ou si elle est une pure projection fantasmatique. J’ignore si Tracey a véritablement
hypnotisé son petit frère, qui se prend maintenant pour un chien. En
somme, il y a ici trop de zones
nébuleuses pour moi.
Un
irritant de plus: l’univers des adultes est à ce point caricatural que c’en est
devenu risible. Aucune zone grise. Tant les parents de Tracey que sa psychiatre
sont abjectes, misérables, inconsistants. Du
petit frère disparu, on ne saura pour ainsi dire rien. Bref, j’avais l’impression d’être témoin d’un mauvais
mélodrame. Trop, c’est comme pas assez!
Ce qui m’a empêché d’abandonner
le premier roman de la Canadienne, c’est l’originalité de son style et la
musicalité de ses mots. La langue se tord
de tous les côtés, avec des coups de gueule acrimonieux et des flashbacks
chaotiques. Le flot en devient hypnotisant, près de la folie. Je me suis laissée
porter, sans tout saisir. Ce qui reste est la voix d’une jeunesse confuse, en colère,
vulnérable.
Un premier roman déroutant et éclaté, porté par
une héroïne disloquée qui ne me laissera pas de souvenirs impérissables. Je
garderai cependant en tête cette maxime: «Seuls les gens ennuyeux s’ennuient.»
Tracey en
mille morceaux, Maureen Medved, trad.
Claire Chabalier et
Louise Chabalier, Les allusifs, 202
pages, 2007.
★★★★★
16 commentaires
"Seuls les gens ennuyeux s'ennuient", j'aime et je la trouve très juste cette maxime ! Cependant, tu ne m'as pas donné envie de découvrir la vie de cette ado en morceaux.
RépondreSupprimerComme quoi il y a toujours quelque chose à retirer d'un livre. Parfois c'est minime, mais ce n'est jamais rien!
SupprimerTiens, ça me rappelle le seul livre de cet éditeur que j'ai lu. Il m'a fait le même effet, c'est étrange. Enfin, pas exactement, car j'ai vraiment été scotchée par le début. C'était brillant! https://livreveriefr.blogspot.com/search?q=idaho+winter
RépondreSupprimerOUI! Je me souviens de l'avoir lu à l'époque. Il ne m'en reste malheureusement pas grand chose, cependant. Cette maison d'édition a le grand mérite de traduire plusieurs auteurs canadiens. Ce qui est plus qu'apprécié compte tenu du foisonnement littéraire de mes voisins anglophones!
Supprimerah j'ai tout de suite que ça ferait plouf en lisant tes premiers mots mais super billet, car si tu trouves l'histoire trop chaotique, et les adultes trop caricaturaux (ça arrive souvent, les ados deviennent super profonds, intelligents et les adultes perdent toute consistance...) tu as aimé le style. Comme moi avec la vie rêvée, j'ai aimé le style mais j'ai trouvé l'histoire sans queue ni tête et idem pour le petit frère (la ressemblance est troublante entre ces deux histoires)... bon je lis un roman en ce moment avec un ado en pleine souffrance ... et pssst... j'adore !
RépondreSupprimerDe toute évidence, tu as plus de chance que moi, ces temps-ci, avec les adolescents!!!
SupprimerComme toi j'aime les histoires d'ados cabossés mais là, malgré sa plume, je vais m'abstenir... en parlant d'ados cabossés, je viens de finir Signé Poète X, un coup de cœur! ;)
RépondreSupprimerJ'ai hâte de lire ton billet. Un roman en vers... me voilà bien curieuse!
SupprimerCa m'a l'air assez foutraque tout ça! Pas sûre de m'y coller.
RépondreSupprimerTu peux passer ton tour pour cette fois!
SupprimerLe titre ne m'était pas inconnu... et quand j'ai vu la photo de la couverture, je me suis souvenu que je l'avais lu dans une autre vie (http://www.incoldblog.fr/_post/2009/01/14/Livres-lus-en-2008.html).
RépondreSupprimerLa fille sur ta photo d'en-tête ressemble beaucoup à une version teenager de Jodie Comer, tu ne trouves pas ?
La belle affaire! Je suis passée lire ton billet et j'en ressort avec un livre de McLarty Ron que je viens de commander. Dois-je te remercier?! Tu te souviens de ce qui t'avait marqué de ce roman?
SupprimerPar ailleurs, je vois que nous avons tous les deux adoré "Bord de mer" de Véronique Olmi et "Paperboy" de Pete Dexter (auteur que je vénère). Des titres de la trilogie de Boyden, il ne me reste à lire que "Le chemin des âmes". Bonheur à l'horizon!
Pour la ressemblance avec Jodie Comer, un peu... Il s'agit en fait d'Ellen Page, parce que, au cas où tu l'ignorerais, le roman a été adapté pour le cinéma.
Je n'avais pas reconnu Ellen Page (Elle était plus mignonne quand elle était jeunette. Je l'ai vue dernièrement dans la mini série Tales of the City où je ne l'ai pas trouvée à son avantage) et j'ignorais que le roman avait été adapté. As-tu vu le film ?
Supprimer"J’ai rêvé de courir longtemps" est un beau roman plein d'humanisme, de tendresse. C'est l'histoire d'un type lambda mais "différent", avec ses mille et une fêlures, qui va à sa propre découverte. J'avais trouvé cette histoire très émouvante.
J'adore P. Dexter, son univers noir, brut et un peu "cradingue". Je n'ai été déçu par aucun de ses romans.
J'ai tellement aimé Bord de mer que je n'ai encore pas osé lire un des autres romans de V. Olmi que j'ai achetés depuis...
Tu as lu la trilogie Boyden dans le désordre ? Tu es chanceuse : le tome qu'il te reste à découvrir (le 1er dans l'ordre de parution) est le meilleur à mes yeux, même si j'ai beaucoup aimé le 3e (mais beaucoup moins le 2e).
Non, je n'ai pas vu le film. Et je serais bien en peine de le trouver. Mais je ne dirais pas non à le regarder...
SupprimerPour Dexter, ce qui m'étonne le plus, c'est la diversité de sa palette. Entre Spooner (immense coup de coeur), Deadwood (qui se trouve dans ma PAL) et "Cotton Point", par exemple, il y a tout un monde...
Pareil pour le cas V. Olmi. Je digère encore "Bord de mer". Par contre, j'avais lu "La nuit en vérité" et il m'avait laissé aussi une très forte impression.
Je suis toute mêlée avec Boyden! Lequel as-tu moins aimé? Un titre, stp!
Je note 'La nuit en vérité' :)
RépondreSupprimerLe Boyden que j'ai le moins aimé est 'Les Saisons de la solitude'.
Tu fais bien de le noter. Foi de la Couette!
SupprimerPour Boyden, il me reste à lire "Le chemin des âmes". J'ai, comme toi, moins apprécié "Les Saisons de la solitude", alors que "Dans le grand cercle du monde" a été un gros coup de coeur. Sans parler de son recueil de nouvelles...