Dans cette histoire, personne n’est là pour plaire, juste se faire comprendre. Il sera question d’effraction, paires de claques, mort naturelle, et si la démonstration l’exige, quelque chose pourrait brûler, on verra. Le sujet, c’est Fabien, Fabien, c’est moi, et c’est ma mère qui en parle le mieux. Fabien n’est pas un cadeau, n’est pas le centre du monde, pourrait faire des efforts, n’ira pas loin, pourrait se coiffer avec autre chose qu’un râteau, va s’en prendre une, va se retrouver en pension. À part ça, j’ai quatorze ans. Du moins, j’avais.

C’est sur ces mots que s’ouvre Champion, le troisième roman de Maria Pourchet. Dans la France provinciale des années 1990, Fabien Bréckard se retrouve dans un centre de repos. Il suit une thérapie avec Lydia, sa psychiatre. Elle lui a demandé de se raconter, par écrit. Pas question qu’il ne sorte du centre avant d’avoir couché sur papier tout ce qui l’a amené là. Fabien écrit. Il se raconte, il fanfaronne, il crache sa colère, il laisse entrevoir sa vulnérabilité. Entre désespoir et mots d’esprit, Fabien peut se révéler terriblement drôle. Son histoire tient en cinq cahiers, quatre cent quatre-vingts pages recto verso. Pourquoi la mère de Fabien est-elle si froide, si distante? Il a bien dû faire quelque chose, Fabien, pour mériter d’être envoyé dans un internat. Pourquoi Fabien se trouve-t-il dans la chambre 653 d’un centre de repos? C’est clair qu’il a fait un truc pas correct. Un truc qui ne sera dévoilé qu’à la toute fin du roman.
Tout y passe, dans les cahiers de Fabien: la vie à l’internat, la lourdeur des jours, ses quatre cents coups, sa culpabilité étouffante, son rêve de partir vivre à Manhattan. Il y a sa mère glaciale et son père transparent; ses amis qui n’en sont pas vraiment, dont Étienne avec sa «pâleur d’aspirine»; il y a Champion, son seul véritable ami, un loup imaginaire; il y a aussi les profs et les surveillants, rarement à la hauteur; le sans-abri pilier de bibliothèque et la mamie de Fabien à eux seuls valent la lecture.
C’est une personne qui voit toujours où je veux en venir. Elle rigole en permanence, pour rien, comme les gens qui savent à quoi ça ressemble quand il n’y a pas de quoi rire.
Un xième roman sur les chaos de l’adolescence? Ce serait sans compter la justesse et l’acuité du regard de Maria Pourchet pour mettre en mots les tourments de cette étape de la vie. Ce que j’ai pu m’attacher à Fabien et à sa façon de voir le monde. À sa sensibilité, aussi, camouflée derrière une armure en métal. Ses mots pétillent, virevoltent, blessent. Ce roman sur l’adolescence, sur la famille, sur la culpabilité et le deuil avait absolument tout pour me ravir. Et il l’a fait.
Champion, Maria Pourchet, Folio, 2019, 256 p.
© unsplash | Ryan Tauss
Dis donc, ça fait envie. Ça m'a l'air d’être de la même veine que \ »77\ » de Marin Fouqué, que j'ai beaucoup aimé (mais pas [encore?] chroniqué).
Je ne connais pas du tout cette auteure. L'extrait que tu cites, le début du livre, ne m'incite pas vraiment à aller plus loin, je ne sais trop pourquoi.
Merci du rappel à l'ordre. Il me faut mettre la main sur \ »77\ » au plus sacrant!Tu vas finalement le chroniquer?
Je pensais qu'elle était hyper connue. Pas besoin de savoir pourquoi! On accroche ou pas. Les premiers mots d'un roman pèsent leur pesant d'or. Ce n'est pas négligeable… et il faut écouter son instinct!
J'ai survolé ton billet car je compte le lire d'ici peu, un roman dont je n'ai lu que de bons retours, ça promet!
Il faudrait bien… Allez, je vais voir ce que je peux faire pour vous, chère madame 😀
Extrêmement tentant, je note
Je vous en serais très reconnaissante, cher monsieur!
Ah, j'espère bien que Fabien et ses mots sauront te toucher. Moi, ils m'ont touché droit au coeur.
Et tu fais bien!Les mots de Marion Pourchet sont une belle découverte pour moi. Je compte d'ailleurs remettre ça avec un autre de ses romans.
Tu m'as carrément intriguée!! Je vais noter, je suis hyper curieuse!
Tu verras, elle est très douée, cette Maria. Et son Fabien est un beau cas!
Déjà repéré chez des copines blogueuses qui sont aussi enthousiastes que toi!
Nous sommes plutôt unanimes, pour une fois! C'est plutôt bon signe!
une autrice qu'on m'a maintes fois recommandée, et qui semble avoir le sens de la formule! je la lirai dès que je pourrai de nouveau me procurer des livres (pour l'instant, c'est Objectif PAL :D)
Ce sera une bonne découverte, je te le dis.Dès que je pourrai, moi aussi, me procurer de nouveaux livres, je compte bien mettre la main sur son dernier roman. Bon confinement, miss!
Difficile de se renouveler sur un tel sujet, mais ça semble être le cas ici, tant mieux !
J'abonde dans le même sens que toi: il est extrêmement difficile de se renouveler, sans en faire des tonnes. Ce roman a un angle d'approche original et des personnages forts et bien incarnés. Les mots sonnent (et résonnent) justes. J'ai été prise!