![](https://www.hopsouslacouette.com/wp-content/uploads/2022/02/champion-et-ooneemeetoo-9782894231661-1-600x1024.jpg)
Au même titre que Thomas King, Joseph Boyden et Eden Robinson, Tomson Highway est l’un des auteurs autochtones canadiens les plus importants. Surtout connu pour ses pièces de théâtre et ses albums jeunesse, il n’a écrit qu’un seul roman jusqu’à maintenant. Et quel roman!
Champion et Ooneemeetoo passent leur petite enfance dans la réserve indienne d’Eemanapiteepitat, au nord-ouest du Manitoba. À six ans, c’en est terminé du nomadisme, de la vie au grand air, de la chasse et de la pêche. Les enfants montent à bord d’un hydravion. Direction le pensionnat catholique. Pour ces enfants déracinés de force, le dépaysement est total. On leur coupe les cheveux. On leur interdit de parler leur langue maternelle. On leur apprend à prier et à craindre le diable.Même leurs noms cris sont mis de côté au profil de noms «plus civilisés». Jérémie et Gabriel tombent sous le joug des prêtres chargés de «tuer l’Indien» en eux. La nuit, certains enfants seront écrasés par l’ombre malveillante d’un prêtre. Une fois sorti du pensionnat, autour de quinze ans, Jeremiah se rend à Winnipeg. Là, il va à l’école et apprend le piano, espérant devenir le premier pianiste de concert cri. Il tente de faire table rase du passé, de couper ses racines et de se fondre dans un moule blanc bien rigide. Gabriel vient le rejoindre quelques années plus tard. Il deviendra un danseur de ballet à la carrière prolifique. Les deux frères en viennent à prendre des chemins parallèles. Mais ils finiront par se réunir à nouveau. Les liens du sang étant plus fort que tout.
Champion et Ooneemeetoo n’est pas un roman misérabiliste, malgré la noirceur omniprésente. L’histoire est inspirée de la relation de l’auteur avec son défunt frère, le danseur René Highway. La période couverte par le roman (début des années 1950 jusqu’au milieu des années 1980) permet de rendre compte des transformations sociales et culturelles qui ont eu lieu au Canada. Le style de Tomson Highway est vibrant. La prose, chantante et brute, est parsemée de pics d’humour. Les scènes d’un réalisme cru alternent avec des passages teintés de fantaisie et de poésie – la reine blanche veille sur les deux frères et leur rappelle qui ils sont. À ce titre, le titre anglais est plus juste: The Kiss of the Fur Queen. La galerie de personnages est haute en couleur: Poupée joviale, Petit Goéland Ovaire, Jane Kaka McCrae, Annie Moostoos et son unique dent. Impossible de s’ennuyer avec de tels personnages! Champion et Ooneemeetoo a été l’un des premiers romans à aborder les abus physiques et sexuels perpétrés dans les pensionnats autochtones. Le premier à mettre en scène un cri homosexuel atteint du sida. Un roman marquant, à forte résonance.
Champion et Ooneemeetoo, Tomson Highway, trad. Robert Dickson, Prise de parole, 2004 [1998], 360 p.