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Clair obscur · Don Carpenter

Ne me demande pas comment je suis tombée sur ce roman de Don Carpenter. Pourquoi celui-là? Il y a des romans qui viennent à nous, on ne sait trop comment. Clair obscur est de ceux-là. Un heureux hasard, disons.

Irwin Semple est une victime. Mais lui, il ignore qu’il en est une. Irwin est très laid, boutonneux, incapable d’aligner deux mots sans s’enfarger dans sa salive. Une famille fuckée et méchante. Il est entouré de jeunes de son âge qui se foutent de sa gueule à tour de bras. Irwin continue à se frotter à eux, de près et de loin, jusqu’à la prochaine rebuffade.

Semple n’était ni fou ni idiot, même s’il lui arrivait de passer pour l’un ou l’autre, ou les deux, mais de fait, il n’était pas non plus sain d’esprit au sens habituel du terme.

La fin de l’adolescence se pointe. Irwin se retrouve dans un institut psychiatrique. Il y passe dix-huit longues années. Pour quelle raison s’est-il retrouvé dans ces mauvais draps? Quel acte ignoble a-t-il bien pu commettre? À trente-cinq ans, Irwin est relâché et se retrouve libre comme l’air, pas mal seul au monde. Il se trouve un petit boulot, prend ses habitudes. Tout ce qu’il veut, Irwin, c’est d’avoir une vie normale, simple. Un fantôme de sa jeunesse ressurgit. Irwin oscille entre besoin de reconnaissance et désir de vengeance. Ça se corse.

Irwin Semple est un personnage à la fois fascinant et inquiétant. Le genre de gars qui ne demande pas grand-chose, juste quelques miettes d’attention. Mais même ça, c’est trop demander. Le style de Don Carpenter m’a un brin essoufflée au début. Ses phrases n’en finissant plus de se dérouler (j’apprécie les phrases plus courtes, hachées). Ça m’a pris un petit bout avant de trouver mon air d’aller. Mais une fois en marche, j’étais scotchée.

Un roman fracassant qui explore la norme et les marges avec une puissante acuité. Un roman animal sur les forts et les faibles dont on abuse. La cruauté humaine ne cessera jamais de m’enrager. Publié en 1967, le deuxième roman de Don Carpenter n’a pas pris une seule ride.

Clair obscur, Don Carpenter, trad. Céline Leroy, Cambourakis, 2019, 160 p.

Rating: 3 out of 5.
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