Mélisse pourrait être une fée heureuse. Mais heureuse, Mélisse ne l’est pas. Elle se cherche, se fuit. Entre les thérapies de groupe pour parler de ses troubles alimentaires, elle se prive de nourriture ou s’empiffre selon son humeur, fait d’interminables siestes, rêve, gobe les pilules qu’elle trouve. Au contact des autres, le dégoût jaillit et ses épines se dressent. Elle commence à douter de l’honnêteté de son amoureux (ou de son colocataire, c’est selon). Avec l’aide de Charlot, un ancien ami de jeunesse devenu hacker, elle mène l’enquête. Et si l’homme qui partage sa vie était un pédophile? Clara Brunet-Turcotte s’est inspirée de sa propre expérience des troubles alimentaires pour écrire Demoiselles-cactus. Que dire de ce premier roman? La qualité de la langue est indéniable. Le ton du roman, incisif et caustique, est exacerbé par un langage direct, franc, brutal. Sur ce point, rien à redire. Une très joli plume. Elle a voulu ratisser large, beaucoup trop large. Elle ouvre d’innombrables pistes qui auraient pu être intéressantes (les troubles alimentaires, la pédophilie, les sectes, la solitude, la peur de vieillir), mais n’en explore aucune en profondeur. Résultat: l’intrigue est précipitée, traitée en surface. Un roman creux, bancal. Une lecture poussive et, au final, sans grand intérêt. Et il y a Mélisse, mi-vingtaine… De l’auto-apitoiement assumé, de la complaisance, de l’égocentrisme. Du grattage de plaie, et le plaisir de la voir s’infecter. Ce type de personnage m’exaspère.

D’autres ont beaucoup aimé le roman. Danielle Laurin, dans Le Devoir, qualifie Demoiselles-cactus de roman «fulgurant». C’est une question de goût, d’affinités. J’avoue manquer d’empathie pour ces filles qui se regardent le nombril en gémissant. C’est que j’ai déjà donné de ce côté. Étrangement, ce roman m’a donné faim! Finalement, les chips au ketchup n’étaient pas si délicieux… Dommage!
Les gens aiment à croire que les filles anorexiques sont toutes des modèles de perfection douées dans tous les domaines. Nettes, rigides, logiques. Je suis l’antithèse de la jeune fille de la Cage dorée. Je suis molle. Sans aucun doute, l’animal auquel je ressemble le plus est la limace. Mes parents ne sont pas particulièrement perfectionnistes non plus. Ils ont arrêté d’avoir des attentes à mon endroit quand j’ai fait ma première dépression, à neuf ans.
J’oublie toujours que l’une des pires sensations au monde est celle des carottes crues à l’intérieur d’un estomac vide. C’est un peu comme jeter des roches dans une déchiqueteuse, la machine ne reconnaît pas ces morceaux durs qu’on lui envoie. D’autant plus que mon système digestif est en mauvais état. Je ne suis pas habituée à ingurgiter de grandes quantités de nourriture solide, par exemple.
Demoiselles-cactus, Clara Brunet-Turcotte, Leméac, 2015, 176 p.
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Clara Brunet-Turcotte écrit de la poésie et dessine. Elle vend ses illustrations sur Etsy.
