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Incandescences · Ron Rash

Ron Rash m’a ensorcelée. Il appuie là où ça fait mal, pile sur les bleus à l’âme. De la banalité la plus crasse, il tire des histoires crève-coeur qui en disent long sur l’humanité, ses failles, ses faiblesses, sa fragilité. Son terrain de jeux s’enracine dans les coins perdus nichés au coeur des Appalaches, ceux des mobile homes, des chemins rocailleux, là où l’homme est travaillé par une nature qui est autant un allié qu’un ennemi.

Les douze nouvelles d’Incandescences racontent des tranches de vie, des vies cabossées, vulnérables. Des histoires désenchantées, désespérément réalistes. Ici, les fléaux qui gangrènent l’existence s’appellent pauvreté, ignorance, crime, crystal meth. La modernité s’assoit sur les traditions, les superstitions coulent dans les veines. Le silence des Appalaches n’est tranché que par le bruit des pick-up, des coups de feu, des pelletées de terre et des aiguilles à tricoter qui s’enfoncent dans le sol. Certaines nouvelles m’ont fendu le cœur. Parce que la bonté est là, malgré la misère et le désespoir. Parce que derrière la dureté des cœurs, la bienveillance finit souvent par poindre. Un prêteur sur gages découvre l’étendue de la misère de son frère et de sa belle-sœur, dépouillés par leur fils junkie (Le bout du monde). Jacob trouve le voleur d’oeufs du poulailler, mais garde le secret pour lui (Les temps difficiles).Un homme accepte de piller des tombes et de voler des boucles de ceinturon et une épée pour payer les frais d’hôpital de sa mère malade (Des confédérés morts). Pour ne plus être seule, Marcie tait le terrible secret de l’homme plus jeune qui vit à ses côtés (Incandescences).

Les nouvelles de Ron Rash sonnent comme un flot de désespoir sauvé par des vagues de compassion. Certains diront pure banalité. Pour moi, c’est de l’enchantement pur (la traduction d’Isabelle Reinharez est pour beaucoup dans cet enchantement). Il raconte les choses de la vie, la solitude, la détresse, la perte, les ruptures, les regrets. Il essore ses phrases, chaque mot à sa place. Il interroge le monde, ne trouve aucune réponse, laisse juste éclore la bonté. C’est magnifique, mais ça fait terriblement mal.

Incandescences, Ron Rash, trad. Isabelle Reinharez, Seuil, 2015, 208 p.

Rating: 5 out of 5.

© unsplash | Patrick Fore

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