J’ai souvent tourné autour du roman de Joshua Whitehead. Plusieurs fois, même. Un roman écrit par un jeune oji-cri, ça me tentait. Un roman ancré à Winnipeg, ça me tentait aussi. Mais un queer bispirituel, travailleur du cybersexe, comme personnage principal, ça ne me tentait pas trop. Je craignais la surenchère et le parti pris, comme ça arrive souvent. Mais non, pas pantoute. Le billet et les mots d’Electra m’ont convaincu, faisant tomber mes appréhensions.
Jonny mène sa vie à Winnipeg. Il s’arrange plutôt bien. À la mort de son beau-père, il retourne sur la réserve. Il y va pour sa mère, plus que pour les funérailles. Ce retour donne lieu à tout un enchevêtrement de souvenirs. Jonny se raconte.
Ce qui m’a le plus frappé, tout au long de ce roman, c’est l’assurance de Jonny. À quel point, malgré les volées verbales et physiques qu’il mange, il reste debout, d’un seul bloc. J’te l’dis, Jonny est un gars inspirant.

L’amour, avec un grand et un petit A, imprègne le roman. La violence, l’alcool et la drogue, comme dans la majorité des romans autochtones, sont présents, mais ils passent au second niveau. Les liens, tissés serrés entre les personnages, prennent toute la place. Jonny et sa kokum (grand-mère) m’ont ramolli le coeur. Tias, le meilleur ami et amant de Jonny, est un personnage profond et rempli d’aspérités. La maman de Jonny est terriblement attachante. C’est juste beau, tu comprends? Beau et touchant. L’humour est bien présent, par petites touches subtiles. Le sexe, lui, est franc et direct, sans préliminaires. La vie sur la réserve se déploie entre traditions et modernité, amour-haine. Arianne Des Rochers a traduit les mots de Joshua Whitehead avec un bel aplomb et beaucoup de sensibilité. Pour une belle découverte, c’en est toute une. Un roman apaisant, inspirant, de ceux qui ouvre l’esprit.
Jonny Appleseed, Joshua Whitehead, trad. Arianne Des Rochers, Mémoire d’encrier, 2020, 263 p.
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