Je n’ai pas perdu de temps! Après la lecture de Une fille bien, il me tardait de retrouver l’univers de Holly Goddard Jones. À moi, donc, Kentucky Song.

Je me suis embarquée pour une virée à Roma, petite ville du Kentucky. Là, j’y ai rencontré Emily, une adolescente grassouillette, à l’étroit dans sa peau, victime des méchancetés des ados de son collège. Elle se pâme pour le beau et inaccessible Christopher (moi, je me pâmais pour le beau et inaccessible Pierre!). Emily a un gros secret sous le bras. Le 28 octobre 1993, elle a trouvé un corps dans la forêt. Ce secret, elle entend bien le garder pour elle.
Le corps en question, c’est celui de Ronnie, la soeur de Susanna, la prof d’anglais d’Emily. Susanna ignore que sa soeur est morte. Cette soeur, dont la mauvaise réputation n’est pas une légende, a disparu. Susanna la recherche, alerte la police. Tony, un athlète noir devenu inspecteur, viendra à la rescousse. Tony a déjà eu le béguin pour Susanna. À l’époque, les préjugés avaient freiné les ardeurs de Susanna. Sortir avec un noir? Inconcevable…
La dernière fois que Ronnie a été vue, c’était au bar du coin, en compagnie de Wyatt. Wyatt, un vieux garçon quinquagénaire bien enrobé, qui travaille à l’usine aux côtés de jeunes Bosniaques plus efficaces que lui. Si ce n’était de son vieux chien qui l’attend le soir, à la maison, il serait seul au monde. Un soir, ses collègues mal intentionnés le traînent dans un bar. C’est là qu’il rencontre Ronnie. Elle est gentille, Ronnie. Pour une fois que quelqu’un est gentil avec lui…
Ça, c’est la pointe de l’iceberg. Le noyau de l’intrigue. Évidemment, je voulais savoir si Emily révélerait son secret. Et si oui, à qui. Je voulais savoir qui avait tué Ronnie. Mais il y a plus. Infiniment plus. La disparition de Ronnie sert de prétexte pour explorer des vies tourmentées qui, par la force des choses, finissent par se croiser et par entrer en collision.
Je suis entrée dans Kentucky Song comme un couteau chaud dans une livre de beurre. Dès les premières pages, j’ai été happée par cette histoire. L’intrigue pourrait certes avoir des airs de déjà lu. Mais c’est sans compter le talent d’Holly Goddard Jones qui a trouvé le bon angle pour la rendre singulière et originale. Au-delà de l’intrigue, la force deKentucky Song repose sur sa construction et sur la richesse de ses personnages. Chaque chapitre braque le projecteur sur l’un d’eux, révélant des bribes de sa vie. Tous, à leur façon, sont pris au piège d’une vie trop étroite. Holly Goddard Jones n’en fait jamais des victimes, ne prend jamais parti. Ici, les vies tourmentées des uns déteignent sur celles des autres. Beaucoup de rêves avortés, de jalousie et de malveillance, de relations amoureuses frustrantes, de préjugés qui ont la couenne dure. Beaucoup de solitude, aussi. Des vies déchirées… et déchirantes. Je me suis prise d’affection pour plusieurs personnages, ayant envie de monter au front pour prendre leur défense et les protéger.
Kentucky Song est porté par une écriture simple, belle, sans complaisance, magnifiquement traduite par Hélène Fournier. Holly Goddard Jones fait preuve d’une remarquable maîtrise, faisant progresser son intrigue sans ruptures ni temps morts, en un rythme magnétique. Porté par des personnages forts, incarnés, terriblement humains, Kentucky Song dégage une humanité bouleversante. Un bon, un très bon roman. Le genre de roman que j’aurais aimé ne jamais l’avoir lu afin de le découvrir à nouveau pour la première fois. C’est tout dire!
Kentucky Song, Holly Goddard Jones, trad. Hélène Fournier, Albin Michel, coll. «Terres d’Amérique», 2015, 496 p.
coup de coeur pour moi aussi!
Quel beau billet encore une fois. Sirop que j'aime te lire. (Ça te dirait de nous concocter un roman?)
Moi aussi j'ai eu un coup de cœur ! J'ai adoré! Et je l'ai lu il y a trois ans!
Hello Marie, il y a quelques tps tu en parlais deja avec passion. Je l ai dknc acheté rapidement. Et là ta critique m enthousiasme tellement que ce sera ma prochaine lecture. Merci merci !
j'avais adoré Une fille bien alors que ce sont des nouvelles (pas ma tasse de thé d'habitude), ton coup de cœur me donne encore plus envie de le découvrir!
Toujours pas lu alors que je l'ai depuis sa sortie, je me demande ce que j'attends !
J'en suis ravie. Elle arrive à insuffler du neuf à partir d'une intrigue éculée. C'est fort, ça!
Wow! Merci, gentille dame. Pour le roman, il y en a deux dans ma tête. Reste à trouver le temps pour tout mettre sur le papier!
Ah oui, je vois le bon souvenir qu'il t'a laissé après tout ce temps. Un sacré bon roman, en effet. Une bonne histoire, bien amenée, servie par un style simple et limpide. Tous les ingrédients étaient là!
De rien, miss! Je serais vraiment étonnée qu'il ne te plaise pas. Tu m'en redonneras des nouvelles!
Tu retrouveras, dans ce roman, tout ce que tu avais adoré dans \ »Une fille bien\ ». Je craignais la déception, après avoir aussi adoré son recueil. Mais non! Tout ce qui m'avait plu s'y retrouve.
Je me le demande aussi! Quoiqu'avec tous les livres plus récents qui s'accumulent, c'est facile de relayer les plus vieux au second plan! Et pourtant…
Hooon ouiiiiii. Sirop que ça me fait plaisir de lire ça. Je vais parler fort, fort à madame patience et à monsieur temps. 😉
J'ai beaucoup aimé aussi et tu en parles très bien ! J'ai tout de même trouvé qu'elle explorait surtout la face sombre de l'humanité, il y a peu d'espoir dans ce roman… Je suis plongée dans \ »Une fille bien\ », quelle maitrise dans l'écriture et quelle efficacité ! Mais rien à faire, quelque chose me gêne dans le format de la nouvelle…
Tu as raison, il y a peu d'espoir dans ce roman (comme dans la majorité des romans nord-américains que j'affectionne). Pourtant, je ne suis pas de nature pessimiste ou sombre… Tu n'es pas la première à être rébarbative au genre. Les nouvelles, on aime ou pas. C'est souvent toute l'un ou toute l'autre! Moi, c'est avec la poésie que j'ai un problème. Rien à faire, même si je continue d'essayer à l'occasion!
Tu as intérêt à leur parler très très fort! Mais ça cogite à fond, mon affaire!
Ahah on a tous peut-être un genre que l'on fuit ! J'ai aussi beaucoup de mal avec le genre épistolaire, que je trouve trop artificiel (je préfère être dans la tête des personnages que lire ce qu'ils veulent bien dire d'eux 🙂 ). Je lis peu de poésie mais je peux y être sensible. J'ai été emballée par \ »Songe à la douceur\ », l'habilité avec laquelle l'auteure nous raconte une histoire en vers, la façon dont la langue chante tout en avançant dans le récit !Et je suis une grande fan de Paul Eluard. A bientôt 🙂
Tu penses que j'aimerais?
Bonne question… Je te dirais: pas assez pour en faire une priorité!
Ah oui, la poésie… Je peux aussi y être sensible, mais c'est plus difficile, et il faut que le poète frappe dans le mille. Ce qui arrive très très rarement. Le genre épistolaire est un genre qu'on voit de moins en moins souvent, comme si c'était un genre daté, qui a de la difficulté à se renouveler. J'ai lu quelques classiques, à l'époque où j'étais étudiante. Depuis, je n'ai pas renouvelé l'expérience!
Ok! 😉