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La décapotable rouge · Louise Erdrich

J’avais commencé La décapotable rouge en 2019, pour la deuxième édition de Mai en nouvelles. J’avais abandonné après deux nouvelles. Tsé, quand c’est pas le bon moment? Cette année, il était là, le bon moment.

Dans le silence, je levai la tête et regardai autour de moi. Et je vis le temps qui passait, chaque minute s’accumulant dans mon dos avant que je n’en aie extrait la moindre goutte de vie. Il allait si vite, voilà ce que je dis, que j’étais assis immobile au beau milieu. Le temps filait de part et d’autre comme l’eau qui passe de chaque côté d’un gros rocher mouillé. À la seule différence que je n’étais pas aussi durable que les pierres. Très vite, je serai érodé. C’était déjà ce qui se passait.

Les dix-neuf nouvelles du recueil se déroulent dans le Dakota du Nord, autour d’une décapotable, d’une collection de couteaux cheaps, d’une robe démodée en cinq exemplaires, d’un 4 x 4 gagné. Les personnages avancent dans une salle de bingo, dans un champ de tournesols, dans un couvent, une boucherie, un casino. Louise Erdrich tranche dans le vif, décrit en quelques pages comment une vie part en lambeaux, comment un souvenir remonte à la surface. Elle donne à voir la perte de repères, les traditions émiettées, les déchirures de l’âme. Elle exprime l’étriqué de la vie de magistrale façon. Dans l’ordinaire du quotidien, il y a un mot, un geste, un rêve qui surgit et c’est l’embardée. Les images défilent, tantôt stupéfiantes, tantôt hilarantes, tantôt empreintes d’une poésie diffuse. L’éblouissement surgit au coin d’une phrase, au milieu d’une page, d’un bout à l’autre du recueil. Si j’ai parfois eu un sentiment de déjà-vu, c’est que certaines nouvelles ont déjà été développées dans ses romans. Il y a ici et là des échos à ses récits et personnages antérieurs. Mon plaisir n’en a été que redoublé.

La décapotable rouge, Louise Erdrich, trad. Isabelle Reinharez, Livre de poche, 2014, 455 p.

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