Max Paul s’apprête à fêter ses soixante ans. L’heure des bilans sonne. Ce professeur de sociologie à Helsinki a connu son heure de gloire dans les années 1990 grâce à une étude sur les pratiques sexuelles des Finlandais. Un magazine l’a même sacré «jeune intellectuel de l’année» en 1993. Mais ça, c’est du passé. Aujourd’hui, Max est un peu dépassé (autant dans le sens de «plus dans le coup» que «dépassé par la vie»). Il pioche sur la biographie d’un sociologue finlandais oublié. Il vivote, paralysée devant la page blanche. Il faut dire que la procrastination lui fait sans cesse les yeux doux…
Autour de Max gravitent Katriina, la femme avec qui il est marié depuis trente ans, directrice des ressources humaines dans un centre hospitalier, habituée de tout régenter. Et il y a les enfants: l’aînée, Helen, enseignante, est mariée à Christian, avec qui elle a deux jeunes enfants. Eva, la cadette rêveuse et désinvolte, étudie dans une école d’art à Londres.
Un roman de plus sur la dissection du couple et de la famille? Mmh, peut-être un peu. J’avoue, les histoires banales de famille ébranlées dans leur quotidien, c’est ma tasse de thé! Aussi, difficile pour moi de ne pas céder à l’attrait de la famille Paul.
La Guerre d’Hiver dresse le portrait d’une famille dont chacun des membres est secoué, à sa façon, par une petite tempête. Philip Teir analyse les illusions, les déceptions et les compromis de trois générations, des enfants aux grands-parents. Des histoires intimes, familiales et sociales, qui se confrontent et fusionnent.
Philip Teir se livre à un vrai jeu de massacre caustique. Il dépeint avec un regard acéré certains milieux: celui de la sociologie, de l’art contemporain. Il évoque certains mouvements sociaux contemporains, dont Occupy à Londres. Chaque chapitre fait évoluer un des membres de la famille Paul. Cette alternance des points de vue donne du souffle au roman. Le décor est bien planté, les personnages bien dessinés, mais plutôt comme une esquisse qui manque de finition. J’aurais aimé un peu plus de moelle autour de l’os. Heureusement que l’os était savoureux!
L’écriture de Philip Teir fait jaillir d’éblouissants éclats d’ironie, bien rendus par la traduction de Rémi Cassaigne. Avec un style mordant, parfois sarcastique, pimenté de réflexions plus désabusées les unes que les autres, Philip Teir promène un regard critique sur la société finlandaise et propose une réflexion sur le couple et la famille. Entre la chronique et la satire, La guerre d’hiver interroge sur la manière dont on se débrouille avec la vie qu’on a plus ou moins choisie, sur la façon dont on garde ou non le cap. Dommage que ça se termine en queue de poisson… N’empêche, pour un premier roman, c’est brillant. J’attends, mains tendues, son deuxième roman.
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