Dragan Chenahest journaliste à La Houlette Casablancaise, le journal «le plus conservateur, le plus officiel, le moins indépendant de tous, celui où n’est exigé ni talent ni volonté d’élévation de la part de ses gazetiers». Y travaillant depuis de très nombreuses années, ce serbo-marocain ne se fait plus d’illusions. Il fait du surplace. Pas seulement au travail, dans sa vie personnelle aussi.

V’la-t’y pas qu’un étrange mal assaille Dragan: une sorte de dyspraxie traumatique. En fait, il n’arrive plus à écrire. Physiquement. Sans compter cette voix qui lui parle, se moque de lui et le houspille sans arrêt. Sa femme Ouacila s’est éloignée depuis belle lurette, lassée de devoir constamment lui tirer les vers du nez. Heureusement, il peut compter sur ses amis, son collègue Vignon et l’inspecteur Stitou avec qui il lève souvent le verre et abuse de la fumette. Et il peut toujours s’épancher chez Urziz, son singulier psychologue.
Le train-train quotidien de Dragan, ses petites habitudes sont bousculées lorsqu’un attentat-suicide survient à la Villa El Mansour, un hôtel de Casablanca. Tout le monde conclut à un attentat terroriste islamiste. Les apparences sont trompeuses… En couvrant l’événement et en apprenant l’identité du terroriste, de nombreux et douloureux souvenirs remontent à la mémoire de Dragan. Pour le meilleur et pour le pire. Mais surtout pour le meilleur.
Le premier roman de Kamil Hatimi s’est révélé une très agréable surprise. J’ai pris un véritable plaisir à suivre les hauts et les bas de Dragan, mouton noir parmi des moutons blancs, et de ses joyeux compères. Dragan n’a plus envie de s’enfarger dans les fleurs du tapis. Il se sent trop à l’étroit dans son moule social.
Qu’elle fût d’origine musulmane, juive, chrétienne, bouddhiste ou autre, Dragan était étranger à toute forme de religiosité. Cette inclination profonde ne résultait pas d’un déni ou d’un renoncement de sa part. […] Aussi, il ne comprenait pas qu’il eût fallu croire en quelque chose, ou en quelqu’un, pour trouver une raison d’être, un sens et une direction à son existence. […] Malheureusement pour lui, il ne pouvait ignorer que, lorsqu’on naît marocain, ces choses ne se pensent pas, et ne s’affirment en aucun cas. Au Maroc, la religion est un déterminant de l’ADN patriotique de tout individu normalement constitué. Sain et valide. Un fait de naissance. Inné. Irréfutable.
Ce portrait d’homme à la dérive est dépeint sans le moindre pathos. Aux côtés de Dragan gravite une galerie de personnages hauts en couleur, dont ses parents et sa truculente épouse. Kamil Hatimi lève le voile sur l’hypocrisie, la corruption, la répression et le respect aveugle de l’ordre établi qui gangrènent la société marocaine contemporaine. Le style est vif, le rythme haletant, les dialogues ciselés. Une lecture en montagnes russes qui, en partant sur une note de légèreté, assène quelques coups de poing au passage. Entre rires et pincements au cœur. Jubilatoire.
La Houlette, Kamil Hatimi, Elyzad, 2015, 308 p.
ah je sais pourquoi tu l'as lu ! tant mieux si ça t'a plu – étrange mélange que serbo-marocain 😉
Un de plus qui m'a plu! C'est de très bon augure pour la suite…
Un poil réticente … Pas certaine de me laisser séduire par le mélange des tonalités que semble présenter ce titre … Je suis en train de lire un polar qui se veut drôle, et qui ne m'arrache pas un sourire !
Je suis curieuse. Peut-être une future lecture d'été.
Je ne connais pas cette maison d'édition? Disponible dans nos contrées? Te voilà toute revigorée pour d'autres lectures!
Sorti de nulle part ce roman…. Le sujet est tres intersssant, enfin je devrais dire Les sujets… Et en plus traités avec humour, il y a de quoi craquer ;-)Il est connu l'auteur ? Et quand tu te mets à faire du teasing…ma curiosité est mis à rude épreuve …pfff. Et pis Electra qui fait sa crâneuse , en plus … 🙂 🙂
La littérature marocaine (comme toute la littérature arabe en général) est tout de même assez pointu. À moins d'avoir un intérêt marqué ou une grande ouverture sur le monde entier, ce n'est pas des romans vers lesquels on est porté. Un polar humoristique? L'humour est quelque chose de tellement personnel… Dis, tu en parleras sur ton blogue, ce ce polar?
Un de plus de noté, alors?!
Absolument. C'est une maison établie à Tunis et disponible en Europe. Ils font de bonnes et belles choses.
Pas sorti de nulle part. Tu comprendras un jour (je te mettrai dans le coup en septembre)! C'est le premier roman de l'auteur. Ça promet. C'est certain que je vais lire son prochain.Moi, je fais du teasing?! N'importe quoi!
Si si si … Madame Couette tu fais un teasing…. Bon je t'embête un peu, quand même 😉 Vivement septembre. Pour un premier roman il fait fort visiblement .
Merci pour la découverte!
Pas tout de suite, je suis super en retard … J'ai le tome 3 du tag à écrire (pour la deuxième partie, je vais passer mon tour, sinon, je suis partie pour un roman fleuve ..)
Entre un billet sur le polar et la suite du tag, je prends la suite! Dommage pour la deuxième partie du tag… J'aurais été preneuse, moi, pour un roman fleuve!