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La nuit en vérité · Véronique Olmi

Enzo et sa mère Loubia vivent dans un luxueux appartement, dans un quartier chic de Paris. La belle vie? Mmmm, pas vraiment. Loubia est la femme de ménage du pied-à-terre des propriétaires. Elle passe son temps à nettoyer. Elle abîme les meubles à trop les astiquer, elle noie les plantes et râpe les tapis. Liouba se cloître avec son plumeau, est soumise à ses patrons indifférents, souvent partis en voyage à travers le monde.

Pendant que Loubia nettoie, Enzo cherche à devenir invisible dans le collège de riches qu’il fréquente grâce aux contacts de monsieur le propriétaire. Trop gros, trop mou, trop grand, il est la tête de Turc des élèves. À ce compte, normal qu’il ait la hantise du lundi matin. La vie serait si bonne s’il pouvait passer son temps le nez dans les livres et la bouche pleine de Nutella.

Dans ce milieu auxquels ils n’appartiennent pas, Liouba et Enzo naviguent comme ils peuvent. Incapables de s’intégrer, ils courbent l’échine, acceptent l’humiliation. Enzo se tait pour ne pas inquiéter sa mère. Il garde tout pour lui. Loubia, elle, n’est pas toujours tendre avec son fils. Avare de sentiments, elle se démène pour survivre. Et puis, Enzo aimerait voir la mer. Une porte s’ouvre. Et s’il y avait de la lumière au bout du tunnel?

Véronique Olmi touche du doigt la solitude et la souffrance de cette mère trop jeune et de son gamin sensible. Plus encore, elle dépeint l’immense tendresse et l’amour qui les unit. Elle raconte avec une grande pudeur le rejet et l’oppression, la tyrannie, les blessures intimes, sans jamais verser dans le pathétique, sans jamais céder aux sirènes de la complaisance. Ici, la retenue, l’émotion et la brutalité forment une ronde parfaite. Portée par une écriture sèche, dépouillée, le roman de Véronique Olmi transpire d’espoir et de résilience. Oui, la vie peut être une chienne de vie. Mais il arrive qu’avec un peu d’initiative, on parvienne à dévier de la voie qui nous était tracée. J’ai tourné la dernière page avec une boule au ventre, mais le sourire aux lèvres. La nuit en vérité est le premier roman de Véronique Olmi que je lis. Ce ne sera pas le dernier.

Accoucher à dix-sept ans d’un énorme bébé qui vous forcerait à nettoyer les salles de bains des autres pour nourrir son appétit insatiable, lui acheter un éclair au chocolat le samedi en espérant rencontrer le soir même un type gentil qui accepterait de s’allonger sur la couette à même le sol dans un salon hanté où des masques africains vous regardaient avec menace. Oui, il y avait de quoi en avoir marre.

Il lui semblait qu’il y avait deux mondes: un ouvert aux quatre vents et dans lequel des gens comme les patrons naviguaient sans cesse, libres comme des oiseaux migrateurs, et un autre, clos, minuscule, dans lequel des filles comme elle tâtonnaient sans jamais trouver la sortie. Mais que son fils ait envie de voir la mer lui donnait un espoir fou. Il avait raison. Il fallait qu’elle sorte d’ici, qu’elle cesse d’avoir peur des patrons, de leurs exigences et de leur jugement.

La nuit en vérité, Véronique Olmi, Albin Michel, 2013, 309 p.

Rating: 3 out of 5.

© unsplash | Tori Wise

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