Ah, les phares! Ils ont été une de mes marottes. J’ai longtemps rêvé d’en habiter un, histoire de rassasier ma soif de solitude. Comme je suis curieuse des autres, de ce qui les anime, les porte et les fait trébucher, j’aurais voulu être psychologue. T’imagine, une psy qui vit dans un phare? T’as besoin d’une consultation? Monte dans la chaloupe et viens-t’en! Tout ça pour dire que je ne pouvais pas passer à côté du roman de Maren Uthang, parce que l’intrigue tourne autour d’un phare.
Ça se passe au large de la côte du Trøndelag, dans l’entre-deux-guerres. Le prologue laissait augurer du bon: Lassen, veuf de fraîche date, se pend après avoir pendu son chien. Pas mal, non?! Dommage, on en entendra pu jamais parler. Seize ans plus tard, le jeune Johan fricote avec la frivole Hannah. Les temps sont durs, l’argent se fait rare. Après la mort de son père, Johan doit subvenir aux besoins de sa mère. Il sera gardien de phare. La condition à son embauche? Il doit être marié. Lors d’un bal, il se rapproche de Marie, la fille du pasteur. Le mariage a lieu rapidement et le couple rame jusqu’au phare. Marie est enceinte. Naît Darling. Quelques années plus tard, c’est au tour de Valdemar de se pointer. Johan s’absente souvent (pour retrouver Hannah, qui partira un temps en Amérique). Darling grandit vite, elle aura aussi un enfant. Quant à Marie, elle fait ce qu’elle a à faire, mais pas que…

Pas un personnage, dans la gang, pour avoir de l’allure. Les seuls saints d’esprit sont les indépendants (Karen, Gudrun), détachés de leurs instincts et pulsions sexuelles. Tout est malsain, dans ce roman. Les silences sont lourds, les mots sont creux, les cachotteries débordent de partout. Il y a du désespoir, de la folie, de l’inceste, de la maltraitance, un meurtre d’enfant, un autre d’animal. Bref, c’est noir sans bon sens. Rarement il m’aura été donné de lire un roman dans lequel les pulsions sexuelles sont si fortes et incontrôlables qu’un enfant consanguin n’en attend pas l’autre.
L’intrigue, quoique difficile à lâcher, se révèle sordide. Les personnages m’ont tout au plus intriguée. Le style n’est pas particulièrement remarquable. J’ai, malgré tout, lu le roman sans effort jusqu’à la dernière ligne. Trois voix (Johan, Darling, Marie) compose cette saga familiale. Chaque voix se dévoile à tour de rôle, chacune portant sa partie. Ce découpage intéressant, quoique pas très original, permet de lever le voile sur l’obscurité de chaque personnage. Un personnage pris en pitié dans une partie se révèle sournois et perfide dans une autres. Le mélodrame est tellement gros que ça en devient ridicule. À trop beurrer épais, la toast devient immangeable. Et Valdemar! Valdemar m’a achevée! L’enfant handicapé rampe à quatre pattes, mange de l’herbe, porte une cloche au cou. Il se prend pour une vache, sapristi! Les descriptions de l’environnement froid, désolé et austère sont plutôt bien réussies. C’est toujours ben ça!
Là où sont les oiseaux, Maren Uthaug, trad. Françoise et Marina Heide, Gallmeister, 2021, 350 p.
© Snuffy
Ah, tu vois, je le sentais moyen ce roman au lu de quelques avis, et bien après ton billet, je comprends pourquoi !!! Ouille ouille ouille, je passe mon tour, allègrement (super, ta chronique)
Fiou! Les quelques avis lus étaient plus positifs que moins. Je me sentais un peu seule, là.
Oui, c’est vrai, plutôt positifs, mais je commence à avoir un certain flair pour sentir dans certains positifs ce qui ne me conviendrait pas à moi. Et là, pour le coup, tu confirmes mes soupçons, tu vois 😉
J’adore ta chronique mais tu me donnes bien envie tout de même d’aller y faire un tour dans ce phare, histoire de voir si j’ai le même ressenti que toi…
Je t’encourage fortement à aller y faire un tour. Ce n’est pas cette noirceur qui t’effraiera… J’ai trouvé que l’ensemble manquait de subtilité; trop de consanguinités (un, ok, mais pas plus), et l’handicapé-vache… Il aurait pu marcher à quatre pattes et manger de l’herbe, on aurait compris. Bref, j’aimerais bien que ton ressenti vienne nuancer mon propos!
Le nuancer ou le confirmer… 😉
Tu sais que je fais partie du club des enthousiastes mais je suis d’accord pour le style, rien d’exceptionnel mais j’ai aimé cette noirceur, l’atmosphère et le cadre instaurés ainsi que l’alternance des voix. Et comme tu l’as souligné, c’est une lecture addictive, je l’ai dévoré de mon côté.
Je sais, oui. La noirceur était bien noire comme j’aime; l’atmosphère était aussi envoûtante; la construction intéressante. Mais le style et les personnages m’ont achevée!
Moi ce n’est pas vivre dans un phare qui m’attire mais sur une île mais nous rejoignons dans le goût de la solitude….. Bon et bien je passe mon tour ….. Moi la subtilité a de l’importance et là apparemment elle n’a pas trouvé le chemin du phare….. Au fait quand je passe près d’un phare je ne peux m’empêcher, quand c’est possible, de grimper en haut et même si je regarde très peu en bas (vertige) cette hauteur et cette vision sans obstacle a chaque fois m’emporte 🙂
Un phare, une île, un désert, la cabane au fond du bois, j’étais (et je suis) preneuse pour tout! Le besoin de solitude ne m’a jamais lâchée. Avec un enfant, ça change la donne. Je vais me reprendre à la retraite!
Dorénavant, lorsque tu monteras en haut de phare, ait une petite pensée pour moi!
une étoile ? je passe mon tour et comme toi je n’ai jamais compris la surenchère dans un roman, il pouvait se contenter de manger de l’herbe et marcher à 4 pattes..
Bizarrement j’ai très peu vu ce roman (sauf chez Céline) et pas envie d’y aller !
Contrairement à toi, je le vois tourner pas mal, ce roman. Et les avis sont très positifs. Depuis le succès phénoménal de My absolute darling, la surenchère semble payante chez Gallmeister!
Je l’avais repéré mais tu me fais hésiter. J’ai bien ri en te lisant, c’est déjà ça.
Tout n’est jamais perdu! Un éclat de rire, à la lecture d’un de mes billets, est mieux que des gros yeux!
J’aime quand tu n’aimes pas… surtout quand ça fait un titre de moins à noter sur ma liste de souhaits !
On dirait que les demi-mesures sont plutôt rares, ici. J’adore ou je déteste, à quelques variantes près!
N’empêche que je serais bien curieuse de te lire sur ce roman…
Euh… je laisse mon tour à Krol !
Faudrait pas qu’après les succès de David Vann et de « Betty », Gallmeister se vautre dans le glauque jusqu’à l’excès…
Je peux comprendre l’impression du « trop, c’est trop ». J’avais déjà trouvé que l’autrice de « Betty », justement, chargeait déjà un peu trop la mule, mais là, ça me paraît être d’un niveau largement supérieur. Dommage, je trouvais la couverture très attractive.
Je trouve que depuis quelques années, surtout depuis l’immense succès de My absolute darling (qu’au demeurant, j’ai détesté), il abusent un brin de la surenchère de glauque. David Vann est à part, pour moi, dans la mesure où toute son oeuvre est bâtie sur le drame morbide. Pour les autres titres (je pourrais en enfiler au moins six), il s’agit pour le moment d’une seule oeuvre par auteur(e).
Je suis bien d’accord pour la beauté de la couverture. Si tu veux, je t’envoie la jaquette?!
J ai eu un gros coup de coeur pour ce livre, pour son atmosphère glauque justement et sa construction. Un peu comme m’y absolument darling, avec lequel j ai eu une claque phénomènale, je pense que soi on surkiffé soit on déteste ce roman.
Sur ce coup, nous sommes aux antipodes. J’ai détesté ce roman, idem pour My absolute darling. Je n’ai rien contre le glauque, bien au contraire. Par contre, le manque de subtilité et de finesse (manque sans doute bien subjectif) me refroidit. Des intrigues avec peu de personnages (principaux, mais surtout secondaires forts) n’aident pas à apporter de la subtilité au moulin. Le drame est forcément surligné à gros traits. Et ici, c’est l’épaisseur du trait qui m’a agacée.
Le pire, c’est que je m’y voyais bien, moi, psy dans un phare. J’aurais même pu écrire à temps perdu Les promenades au phare, en pastichant bêtement Woolf!
Quand au roman, la surenchère de glauque t’aurait scié les jambes, je pense!
quand les attentes sont grandes, la déception l’est encore plus, j’imagine bien !
C’est souvent proportionnel, en effet!
Même pas un petit message « humaniste » pour faire passer la tartine ? C’est déjà un peu ce qui m’avait fait tiquer dans Betty … genre la vie est dure est dure mais le soleil est au bout de la route …
Même pas, ou alors une éclaircie miniature à la toute fin. C’est noir de chez noir. La vie y est certes dure, mais les relations toxiques qui se nouent ont tout de même été choisie…
C’est le genre de roman pour lequel il m’est utile de lire des avis, parce que le « sordide pour le sordide », sans justification, vraiment, je ne peux pas ! C’est dommage pour toi qui en a fait les frais ! (et sinon, comme j’aime beaucoup les histoires de phare, j’aurais bien pu craquer)
Les avis se suivent et, heureusement, ne se ressemblent pas. Reste que je ne m’attendais pas à ça. J’aurai apprécié un meilleur dosage et plus de subtilité. Dommage, car pour mon « premier roman avec phare », ce n’est pas la joie!