Une panne d’électricité dans une cité pétrolifère de l’Ouest canadien. Les machines se taisent, les usines sont réduites au silence. Les gens attendent, puis rentrent chez eux. Un homme sans nom. Il vit seul depuis que sa blonde l’a quitté. Il vide une bière après l’autre, par habitude. Un coup de téléphone de son vieux père malade, paniqué. L’homme ramasse son coffre à outils, son chat, s’installe derrière le volant de son auto et entreprend la traversée du continent pour aller retrouver ce père à bout de souffle. La route est longue, périlleuse. Il roule jour et nuit dans des paysages de poussière et de désolation. Il fume, fixe la route, jongle avec des bouts de sa vie, parle avec son chat enfermé dans une boîte. La panne d’électricité est généralisée. L’homme traverse des villes et des villages fantômes. Plus de gens. Ils sont tous partis. Dans ce labyrinthe de routes, le danger guette, l’essence se négocie à prix d’or, la soif tenaille. En chemin, l’homme abandonne son chat, fait monter une mystérieuse femme et un homme volubile, qui provoqueront des détours inattendus. Le monde s’ensauvage.
Le premier roman de Christian Guay-Poliquinest envoûtant. On monte dans la bagnole au côté de l’homme. Impossible de descendre, de le quitter avant le point final. Ça peut sembler long, il ne se passe pas grand chose. Mais c’est ce que l’homme vit aussi, derrière son volant… Le fil des kilomètres est de ces romans qui se laissent apprivoiser lentement, page après page. C’est de la littérature faite pour durer. On avance en dents de scie, hypnotisé par cette route qui ne semble jamais finir. On en ressort troublé, pensif. Et habité.
Le fil des kilomètres, Christian Guay-Poliquin, La Peuplade, 2013, 230 p.
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