Neuf nouvelles, neuf instantanés de vie qui ont pour cadre le Downtown Eastside de Vancouver en Colombie-Britannique. Ils sont seuls, tentent d’agripper le vent, de s’oublier. Ils quêtent un peu d’amour, comme cette femme tombée amoureuse d’un ambulancier, qui passe son temps à appeler les secours dans l’espoir de le revoir (Numéro d’urgence). La solitude les pousse à agir, tel ce grand-père qui, après avoir reconnu son petit-fils sans-abri dans un documentaire, décide de partir à sa recherche (Rebut); tel cet homme qui, en adoptant un berger andalou, espère faire de nouvelles rencontres (Un compagnon idéal). Ils sont à un tournant de leur vie, doivent choisir quel chemin ils emprunteront. Un homme dépressif, abandonné par sa femme et sa fille, déménage dans le cabanon de son jardin et se lie d’amitié avec un sans-abri (Le jardin du mendiant). J’ai eu un coup de cœur pour cette ramasseuse compulsive, collectionneuse de petites cuillères, qui vient en aide aux pauvres de son quartier, quartier qui ne cesse de s’appauvrir au fil des ans (La reine des bocaux et des boîtes).

Au fil des ans, par la vitrine de sa boutique, elle avait vu défiler ouvriers estropiés des scieries, vagabonds et poivrots – vestiges cabossés de l’héritage industriel de la ville –, auxquels étaient bientôt venus se joindre les héroïnomanes, puis les fumeurs de crack et autres représentants de toutes les formes de misère. Le quartier était de ceux que les automobilistes traversaient désormais bouche bée comme en safari.
Face à une vie sans grande perspective, les personnages sont englués dans une solitude étouffante. Le style est empreint d’images saisissantes de désespoir, mais également de tendresse, de ces images qui fendent le coeur. Michael Christie aime ses personnages, les comprend. Son regard lucide dévoile leurs fêlures et cicatrices sans voyeurisme. Son empathie est contagieuse. J’ai juste un petit bémol pour le manque d’unité et de liant entre les nouvelles.
Le jardin du mendiant, Michael Christie, trad. Nathalie Bru, « Terres d’Amérique », Albin Michel, 2012, 320 p.
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