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Le paradis des animaux · David James Poissant

 
 

Si je n’ai pas lu une vingtaine de critiques positives, voir dithyrambiques, sur Le paradis des animaux, je n’en ai lu aucune. Aussi, c’est avec une tonne d’attentes que je m’y suis plongée. Et quand on sait que trop d’attentes magnétisent la déception… Eh ben, déception pour moi, pas complètement, mais tout de même…

Douze nouvelles. Certaines audacieuses et fortes (Le garçon qui disparaît, Amputée, Le paradis des animaux), d’autres jurant dans le tableau d’ensemble, comme Ce que veut le loup, pimentée d’une dose de fantastique. Quelques diamants bruts au milieu du toc.


L’Homme-lézard 
Dan jette son fils par la fenêtre du salon lorsqu’il le surprend en train d’embrasser un homme. Son fils, gay? Impossible. Sa femme et son garçon le quittent peu de temps après. Désormais seul, Dan boit pour étouffer ses remords. Son ami Cam lui demande un jour de le conduire en Floride, à la maison de son père qui vient de mourir. Une fois arrivés, les deux hommes découvrent derrière la baraque du défunt un énorme alligator enfermé dans une cage. Ils décident de le libérer près d’un lac. Mais l’entreprise n’est pas de tout repos…

Amputée

Brig cherche le chat d’appartement que sa voisine lui a confié. En marchant, il tombe sur Lily et se laisse attirer par l’adolescente. Cette fille lui rappelle Kate, son ex-femme dont il est toujours amoureux. Brig et Lily passent un moment ensemble. La jeune fille, amputée d’un bras, tente de dépasser ses limites. Ses jours sont comptés et elle veut vivre à fond. Brig, lui, peine à se dépêtrer des filets de son passé. Et il n’a pas encore retrouvé le chat de la voisine…
 
100% coton
Au bout du rouleau, un homme erre dans les quartiers mal famés d’une ville pour provoquer les malfrats. Un pistolet pointé sur le visage, il attend impatiemment la mort. À force de discourir sur le coton, cet employé de chez Gap n’arrive pas à obtenir la délivrance mortelle qu’il cherchait.
 
La fin d’Aaron
Un garçon et une fille de vingt ans s’aiment depuis toujours. La fille ferait tout pour son homme. Lui, lorsqu’il ne prend pas ses médicaments, devient toqué. Sans parler de son allergie aux abeilles. Lorsqu’un soir il court vers la ruche de la voisine, sans son EpiPen, ça ne peut que mal finir. Mais mal finir pour qui?

Remboursement
Les parents de Luke sont convoqués par son enseignante. Ils pensent que ça va barder, mais c’est plutôt pour se faire dire que leur enfant de six ans est surdoué. Il a passé un test de QI et se retrouve dans la tranche supérieure à 100. Joy est emballée: son fils ira plus loin que ses pauvres parents. Son mari, lui, réagit d’une tout autre manière…
 
 
Les derniers des grands mammifères terrestres
Un homme et une femme mariés – mais pas ensemble  – s’aiment en cachette. Ils se retrouvent au musée ou au centre commercial. Mais ce qu’ils préfèrent, c’est se donner rendez-vous au zoo, au parc animalier ou à l’aquarium. Ils savent que leur relation ne peut plus durer. Le jour où la femme décide d’escalader un grillage pour chevaucher un bison, l’homme réagit.
 
Ce que veut le loup
Un loup s’invite chez un homme pour prendre le café au milieu de la nuit et exige qu’il lui donne ses mocassins. Une fois fait, l’homme appelle sa mère. Elle regarde un loup à sa fenêtre!

La géométrie du désespoir
Une longue nouvelle en deux parties. Dans la première, Pam et Richard tentent de faire le deuil de leur bébé mort. Chaque mercredi soir, ils se rendent à une thérapie de groupe pour parents endeuillés. Richard n’en peut plus et veut aller de l’avant. La séparation est imminente. Et pourtant… Dans la deuxième partie, Pam et Richard ont eu un autre enfant. Sur le bord d’un étang, un cygne attaque la petite famille. La véritable nature des parents reprend le dessus et s’exprime.
 
 
James Dean et moi 
Entre Jill et son vieux beagle James Dean, c’est le grand amour. Difficile pour son amoureux de prendre sa place au sein du couple. Entre James Dean et l’amoureux de Jill, la guerre est déclarée. Un accident survient et il faut euthanasier le chien. Au final, l’amoureux n’est pas pour autant libéré.
 
Les nudistes
Mark rend visite à son frère Joshua et à sa belle-sœur. La tension et la rancoeur sont palpables. Joshua n’est pas venu auprès de son frère lorsqu’il a perdu sa femme dans un accident de voiture. Un soir, Mark claque la porte et part marcher sur la plage. Il rejoint un groupe de nudistes près d’un feu de camp. Il se dévêt, saute à l’eau… Baignade ou suicide? Son frère arrivera-t-il à temps pour le sauver?
 
Le garçon qui disparaît
Kevin et Jason sont les meilleurs amis du monde. C’est l’été, tout est permis. Le jour où tout arriva était un vendredi. Après ce jour, l’amitié entre les deux garçons est entachée à jamais.
 
Le paradis des animaux
La dernière nouvelle du recueil remet en scène Dan, le père homophobe de L’Homme-lézard. Dix ans ont passé. Jack, son fils homo, est en train de mourir. Il souhaite revoir son père une dernière fois. Dans une course contre la montre, Dan sillonne les États-Unis pour son fils et pour implorer son pardon. Arrivera-t-il à temps?
 
David James Poissant cartographie la détresse humaine. Ses personnages sont des oiseaux blessés rongés par le remords, la culpabilité, le sentiment de perte, la lâcheté et la solitude. Ici, les personnages ne luttent pas pour accéder à quelque chose de plus ou de mieux, mais pour se maintenir au mieux dans l’horizontalité la moins désastreuse. Si j’ai souri devant certaines situations, le ton reste au désenchantement.
 
L’univers de Poissant est on ne peut plus sombre. Il l’est parce que la vie – dans ces parages – l’est et qu’il ne triche pas, n’invente pas, sinon une façon singulière de raconter la solitude et le désespoir.
 
Quoique Le paradis des animaux demeure un bon recueil de nouvelles – un excellent premier recueil -,  je n’ai rien trouvé d’original entre ces pages, aucune surprise. Au final, le côté patchwork m’a agacée. J’aurais préféré une certaine unité de ton. Là, il ratisse trop large à mon goût. Et si les animaux sont omniprésents, leur rôle demeure anecdotique. N’empêche que pour la richesse de ses personnages et la finesse de son regard, David James Poissant est un auteur à suivre de près.
 
Le paradis des animaux, David James Poissant, «Terres dAmérique», Albin Michel, 2015, 338 p.
 

Rating: 3 out of 5.

© unsplash / Tucker Good

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