
Si tu m’avais dit un jour que je lirais un roman dystopique signé Louise Erdrich, je ne t’aurais pas cru. Comme je lui suis fidèle depuis un bon bout de temps, il fallait bien que je lise son plus récent roman. J’ai ouvert L’enfant de la prochaine aurore sans rien en connaître. Tout ce que je savais, c’est qu’il s’agissait d’une dystopie et qu’il était question d’une femme enceinte. C’est tout. Aussi bien dire pas grand-chose. J’ai sciemment fermé les yeux sur tout ce qui s’est dit dans les Internet sur ce roman. Ma lecture ne serait pas contaminée par mes idées préconçues. J’ai tourné une page, une autre, et encore une autre. J’ai dû me faire violence pour mettre de côté le roman et sortir la saucisse et sa vessie pleine. Je m’y suis remise pour ne presque plus le lâcher. Trois jours que ça m’a pris pour le lire. Trois jours pendant lesquels j’ai eu l’impression d’être au Minnesota, aux côtés de Cedar, jeune Ojibwée enceinte de quatre mois. Comme elle, j’ignorais ce qui se passait. Ce qui était clair, c’est que quelque chose ne tournait pas rond. J’avais l’inquiétude collée au plafond. Le monde devient de plus en plus indéchiffrable. Le totalitarisme explose. Dans cette nouvelle dictature, les femmes enceintes sont capturées. La délation grouille derrière chaque regard. Cedar tient un journal qu’elle destine à l’enfant qu’elle porte.
C’est tout ce que j’ai envie de te raconter. Si tu es le moindrement intrigué, soit par les dystopies à la Margaret Atwood, soit par l’univers d’Erdrich, fonce. Si tu lèves le nez sur les romans anxiogènes qui déballe un futur dans lequel tu n’aurais aucune envie de vivre, ne te donne pas la peine d’aller plus loin. Ce que j’ai le plus apprécié, dans ce roman, ce que j’ai trouvé de plus habile, c’est la façon dont Erdrich place son héroïne et le lecteur sur un même pied d’égalité. De ne pas savoir déroute, frustre parfois. Ça a surtout pour effet qu’on se sent très proche de Cedar. J’ai eu peur pour elle et son enfant. J’ai stressé à mort. D’être séquestré dans un hôpital et de planifier sa fuite, c’est pas reposant. De rencontrer sa famille biologique, ça remue les émotions. Bon… les passages théologico-philosophico-existentiels m’ont un brin ennuyée. Ils coupaient mon élan, me mettaient des bâtons dans les roues. Il me tardait de revenir au coeur de l’action. La fin? Parfaite. Frustrante à lire sur le coup. Mais après réflexion, il ne pouvait pas y en avoir de meilleure. Au final, elle m’a bien eue, Louise. J’y ai cru, à sa dystopie. C’était très bien joué!
P.-S. – (Je trouvais que la chambre de ma sauterelle ado était bordélique! Finalement, c’est pas pire pantoute! Little Mary, ta chambre est une vraie soue à cochons!)
L’enfant de la prochaine aurore, Louise Erdrich, trad. Isabelle Reinharez, « Terres d’Amérique », Albin Michel, 2021, 402 p.
© reuters | Lucas Jackson
J’ai lu des avis déçus sur ce roman, et comme je n’ai encore jamais lu Louise Erdrich, j’avais décidé de passer mon tour, pour me concentrer sur la lecture de LaRose, qui est dans ma pal. Mais ton billet vient de me décider à lire celui-ci ensuite, car je suis plutôt cliente de dystopies !
LaRose est une très bonne entrée en matière! Après, tu verras bien. Reste que je pense très fortement que cette dystopie a toutes les chances de te plaire!
J’ai lu dernièrement plusieurs livres vierge de tout a priori et c’est tellement plaisant!
En ce qui concerne Louise Erdrich, je ne l’ai toujours pas lue mais je ne commencerai pas par celui-ci car je ne suis pas très dystopie non plus…
J’adopte de plus en plus l’habitude de rester vierge de tout a priori. Les surprises n’en sont que meilleures!
Pour Louise, il est préférable, selon moi, d’aller à l’essence pour commencer! LaRose est une belle entrée en matière. Idem pour Dans le silence du vent. Ou encore l’excellent Love Medicine. Tu as l’embarras du choix!
Love medicine, c’est mon préféré, je dis ça, je dis rien… 😉
Jusqu’à maintenant, c’est aussi mon préféré. Il m’a fortement marqué, plus que les autres. Je réserve d’ailleurs la lecture de La décapotable rouge pour Mai en nouvelles. Y paraît que plusieurs personnages de Love medicine s’y retrouvent…
Tu n’es pas la seule à rester de marbre face aux dystopies! Et y’a pas de mal. On passe au suivant!
La dystopie ce n’est pas trop ma tasse de thé en général mais j’ai apprécié cette lecture également. Les longueurs de la première partie m’ont un peu ennuyée mais une fois l’action bien en place, elle m’a tenue en haleine jusqu’à la fin, que j’ai trouvé comme toi réussie. Mon premier Erdrich mais pas le dernier c’est sûr!
Moi, ce sont les fréquentes digressions qui m’ont un brin ennuyée. Reste qu’Erdrich maîtrise vraiment bien le genre, je trouve.
Tu verras que ses autres romans sont très différents. Je te conseille évidemment d’aller explorer dans son oeuvre. Tu y trouveras ton bonheur, j’en suis certaine!
J’ai prévu de me procurer Dans le silence du vent pour poursuivre ma découverte. 🙂
Je ne peux que te dire qu’il s’agit d’un excellent choix pour poursuivre!
Deux avis positifs, le tien et celui d’Electra, mais je ne suis pas sûre à cause de la dystopie, et plus spécifiquement de la dystopie qui met en danger les femmes – l’effet « servante écarlate » sans doute que j’ai dû arrêter de regarder parce que je n’en pouvais plus. Par contre, Louise Erdrich, je devrais la rajouter dans ma PAL !
De toute évidence, la dystopie n’est pas ta tasse de thé. Alors, pas la peine de forcer les choses. Par contre, de découvrir l’univers de Louise Erdrich, ça pourrait être plus que bien! Et, à mon avis, il faut lorgner du côté de ses premiers romans, plus que de ses derniers. Toute la grandeur de son univers y est déployée.
Moi j’aime les dystopies, j’aime Louise Erdrich et j’aime ton article. Conclusion ?
Conclusion facile! Vendu!
Et si tu as une confiance aveugle en Marie-Claude quand elle dit que c’est du bon, fonce ! Je fonce…
Je te retourne le compliment! Je fonce souvent en passant chez toi!
Un roman surprenant en effet pour qui a l’habitude de lire ses romans. Je trouve qu’elle s’est prêtée assez bien à l’exercice. On a perdu en lyrisme parfois mais ce roman est très prenant. On sent l’urgence, l’angoisse.
On l’a lu en même temps. Je viens de mettre mon article en ligne moi aussi (les grands esprits se rencontrent) et je constate qu’on a le même avis 😉
Là, c’est vrai, je file te lire! Go!
Ça me fait plaisir, miss!
Tu m’en redonneras des nouvelles!
me voilà qui arrive après tout le monde mais toi et moi sur ce coup-ci on a eu la même lecture, les mêmes sensations et pareil les mêmes bémols sur les réflexions philosophiques ! Excellent ! Je suis ravie parce qu’il a été quand même un peu malmené à sa sortie or il est top !
Et moi, je suis ravie qu’un roman dystopique ait pu te captiver, sachant que c’est loin d’être ton genre de prédilection!
J’ai lu des avis négatifs qui m’ont un peu refroidie mais je te fais confiance!
Reste que si les dystopies ne sont pas particulièrement ta tasse de thé, vaudrait peut-être mieux en lire un autre! Me faire confiance peut avoir ses limites!