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Mémé attaque Haïti · Marie Larocque

Lorsque Marie Larocque évoque d’Haïti, elle sait de quoi elle parle. Haïti, elle l’a tatoué dans le cœur. Elle et ses enfants ont déjà vécu quatre ans à Port-au-Prince. Après le tremblement de terre de 2010, elle y retourne avec deux de ses cinq enfants, cette fois à Jacmel, dans le but d’aider deux amis haïtiens. Mémé attaque Haïti fait le récit de leur année passée sur l’île. Plutôt que de comptabiliser les dégâts causés par le séisme, Marie Larocque décrit la renaissance d’une terre encore démantibulée, le courage et la dignité du peuple haïtien. Haïti, avec ses couleurs, son humidité, sa chaleur, ses esprits. La vitalité de ces gens qui ne se laissent jamais abattre. Les chapitres sont courts, parsemés d’anecdotes, de coups de gueule et de coups de cœur: ses amitiés, ses voisins, les pauvres, les bourgeois, son amoureux anglais, ses filles et l’école, ses beuveries. Les mots de Marie Larocque sont forts, bruts. Ses opinions, bien arrêtées. Disons qu’elle laisse les filtres de côté. Certains propos pourraient en choquer plus d’un. Les organismes humanitaires en prennent pour leur rhume. Idem pour les médias, qu’elle juge sensationnalistes. Idem aussi pour certains préjugés sur le vaudou ou le racisme pratiqué entre Haïtiens.

Marie Larocque ne fait pas dans la tendresse. Elle aime provoquer, ça se sent. Mais ce n’est jamais gratuit. Cette franchise décapante peut sembler par moment irrationnelle, crue. Mais c’est le prix à payer pour entendre l’écho d’une vérité dérangeante. Dans un français québécois, Marie Larocque décortique le pays sous plusieurs angles. Les dialogues en créoles (avec traduction en bas de page) donnent le ton, les sacres aussi! C’est un récit qui s’entend, plus qu’il ne se lit. Un chant d’amour à Haïti, un récit de vie, de rencontres et de murmures livré avec une audacieuse honnêteté. Pour sa verve mordante, pour son humour insolent, pour sa tendresse rugueuse, il faut lire Mémé attaque Haïti..

On me demande souvent ce que je peux bien trouver d’agréable à vivre en Haïti, petit pays dit insalubre, violent, dangereux et chaotique, pour ne nommer que quelques-unes des qualités que lui prêtent les médias et le ministère canadien des Affaires étrangères. On oublie peut-être à quel point l’ancienne Perle des Antilles est géographiquement superbe, socialement intéressante et anarchiquement envoûtante. Ça compense largement. On est sur une île, la mer est partout, il n’y a jamais à marcher bien longtemps. Les plages sont magnifiques, bordées de grands rochers et de cocotiers, et, contrairement à la République dominicaine, il y a moyen de relaxer sans se faire écoeurer toutes les trois minutes pour qu’on achète un collier, un t-shirt ou une prostituée. Ça justifie le plaisir, non?

Mémé attaque Haïti, Marie Larocque, VLB,2015, 300 p.

Rating: 4 out of 5.

© unsplash | Claudia Altamimi

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