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Motel Life · Willy Vlautin

Les frères Flannigan vivent à Reno, dans le Nevada. Leur père est parti depuis belle lurette. Leur mère fait tout ce qu’elle peut pour assurer un avenir à ses fils. Lorsqu’elle meurt du cancer, Frank et Jerry Lee se retrouvent seuls au monde. À quatorze et seize ans, ils décident de veiller l’un sur l’autre. Pas question de laisser les services sociaux s’en mêler. Ayant dépensé l’argent des assurances pour payer les frais médicaux, les frères Flannigan ont dû quitter la maison maternelle. Ils errent maintenant d’une chambre de motel à l’autre. Entre leur petit boulot, ils calent leurs bières, évachés devant la télé.

Quand le roman débute, Jerry Lee vient de renverser un adolescent en plein milieu de la nuit. Il conduisait légèrement saoul et le gamin est sorti de nulle part. Tué sur le coup. Plutôt que de le laisser au milieu de la route, Jerry Lee le glisse à l’arrière de sa voiture et débarque dans la chambre de motel de Frank, paniqué, ne sachant pas quoi faire. Il s’en remet complètement à son frère, comme d’habitude… Frank prend les choses en main. Ils décident de fuir le plus loin possible. À bord de leur Dodge Dart, ils feront du millage. La chance leur sourira un peu, avant que les choses s’enveniment encore plus. L’ex-petite amie de Frank refera surface, un chien cabossé unira sa destinée à celle des deux frères. Mais les remords de Jerry Lee seront de plus en plus lourds à porter. Jusqu’à ce qu’ils deviennent trop lourds… Est-ce que la bienveillance inconditionnelle de Frank suffira à l’aider?

Quand l’état du monde me déprime trop, j’ouvre un roman de Willy Vlautin. Certains peuvent trouver ses romans sombres et déprimants. J’y vois d’abord et avant tout un débordement de bonté. Malgré la misère, malgré la violence, malgré TOUT, l’humanité a du bon. Les romans de Willy Vlautin me redonnent foi en l’humanité. C’est aussi simple que ça. Et je crois qu’il n’y a pas de plus beaux compliments que je puisse faire sur un roman.

Ballade pour Leroy est le premier roman de Willy Vlautin que j’ai lu. Une révélation. Le genre de coup de poing que j’aime recevoir. Motel life, son tout premier roman, m’a fait le même effet. La relation qui lie les deux frères Flannigan est au cœur du roman. Ce que Frank peut l’aimer, son frère! Il lui raconte des histoires quand le cafard le paralyse (Frank est un conteur exceptionnel) et lui passe tous ses caprices. Il est sa béquille, même si c’est souvent lourd à porter. L’univers de Willy Vlautin est peuplé de laissés-pour-compte cabossés. Mais ces hommes et ces femmes ne baissent jamais les bras. Et Dieu sait qu’ils auraient toutes les raisons de le faire. Parce que la vie est plus forte, ils mènent un combat de chien pour se sortir la tête de l’eau. Malgré tous les mauvais coups du destin, malgré les embûches et la colère qu’elle génère, la bonté est omniprésente. Il y a toujours quelqu’un pour dire un mot d’encouragement ou tendre la main, comme Earl, le vendeur de voitures d’occasion qui a pris Frank en affection. De la même façon que Frank ne laisse jamais tomber son frère, Willy Vlautin ne laisse jamais tomber ses personnages. Il éprouve une sincère compassion à leur égard, malgré les choix – souvent mauvais – qu’ils font. L’écriture de Willy Vlautin est d’une rare justesse: sobre, factuelle, cinématographique. Ses mots vont droit au but, ne s’enfargent jamais dans les fleurs du tapis. Willy Vlautin est trop méconnu à mon goût! J’espère qu’à force de vous parler de ses romans, ils vont finir par passer entre vos mains et vous toucher autant qu’ils me touchent. Fort, intense et… inoubliable.

Motel Life, Willy Vlautin, trad. David Fauquemberg, J’ai lu, 2012, 254 p.

Rating: 4 out of 5.

© unsplash | Steven Lewis

22 comments

  1. Je ne connaissais pas du tout, mais je sens que ce Willy Vlautin, c'est tout à fait mon univers…

  2. Je suis sûre qu'il devrait me plaire celui-là ! je l'avais déjà repéré, alors hop dans ma Wishlist !

  3. je l'ai vu à une conférence au Festival America, il avait l'air d'avoir eu une vie bien cabossée dans les casinos et les motels…en adéquation avec ses personnages! il me rejoint ma LAL 🙂

  4. Que ce soit avec \ »Motel Life\ » ou \ »Ballade pour Leroy\ », aucune hésitation: fonce. Ça ne peut que te rendre meilleur!

  5. La chance… J'aurai tellement aimé le rencontrer. Je me croise les doigts pour le prochain Festival America. Encore faut-il que son nouveau roman soit traduit à temps…

  6. Une belle et douloureuse découverte. Le genre de roman qui ouvre les horizons et ne peut que nous rendre de meilleures personnes. À lire!

  7. J'ai déjà deux de ses romans, je n'ai pas celui-ci mais il va bientôt arriver chez moi – par contre, ils seront tous en anglais 🙂 tu es toujours si contente de retrouver ton Willy !

  8. Il a écrit quatre romans jusqu'à maintenant, qui tournent tous autour des mêmes thèmes (je l'ai ai tous près de moi!). Deux coups de coeur en deux, décidément, c'est un de mes auteurs chouchous. T'sais, quand tu sais que cet auteur a tout pour te plaire (physiquement aussi…!!!).

  9. Toujours aussi contente. J'espère que mon Willy deviendra aussi ton Willy, de la même manière que nous partageons, entre autres, Bruce et Kent!

  10. Je ne suis pas étonnée, en effet. Sur le plan des losers cabossés, on partage définitivement les mêmes goûts!Je me souviens d'avoir lu, après être passé chez toi, \ »Dandy\ » de Richard Krawiec. Un roman marquant pour moi. Tu savais qu'un nouveau roman venait de paraître? Son titre: \ »Vulnérables\ ». Je l'attends impatiemment…

  11. Merci, Megan. Venant de toi, le compliment me touche particulièrement. Tu sais que ton blogue est une référence pour moi? Je ne laisse peut-être pas de commentaires, mais je lis tous tes billets!

  12. Un très bon auteur, un très bon musicien aussi et surtout un mec bien Willy Vlautin. On l'a interviewé, la traduction était fidèle puisque c'est Hélène Fournier, sa traductrice, qui avait accepté de la faire, craignant sûrement mes manques en anglais.

  13. J'adore les deux romans de Willy que j'ai lus. Un de mes auteurs préférés. Son humanité me fait un bien fou, malgré la rudesse de ses romans.Je vais lire cet interviewe to the go. Et Hélène est une perle. Elle aussi, je l'adore!

  14. Tabarnak, je viens de voir que j'avais déjà réagi il y a presque un an à ce billet. Pas grand chose à dire sur le sujet, par rapport à l'année dernière, sauf que maintenant j'ai lu ce Motel Life.Une belle claque pour moi aussi ! J'en redemande même.

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