Il y a longtemps que je voulais découvrir l’œuvre de Larry Brown. J’ai pris un de ses romans au hasard: Père et fils. Alors là… la claque que je me suis prise.

Dans un petit bled du Mississippi, le mal rôde. Et le mal a un nom: Glen Davis. Glen vient tout juste de sortir de prison. Il était au trou pour avoir tué un enfant en conduisant en état d’ébriété. Les deux ans et onze mois passées derrière les barreaux ne lui ont pas mis plus de plomb dans la tête. Assoiffé de vengeance, gonflé à bloc de violence et de haine, il en veut encore et toujours à la terre entière. Encore plus à son père Virgil et à Bobby, le shérif qui l’a envoyé en prison, celui-là même qui rôde autour de sa copine Jewel. Alors qu’il aurait tout intérêt à marcher droit, Glen cherchera par tous les moyens à se venger et à faire payer ceux qui, selon lui, doivent payer.
Comment tant de haine peut-elle être contenu en un seul homme? Certes, Glen a eu maints coups durs dans son enfance. Mais il n’est pas le premier, et ce n’est jamais une raison pour en faire payer le monde entier. Glen est exécrable jusqu’au bout des ongles. Le genre de type qui rejette toujours la faute sur les autres, qui n’a aucun reproche à se faire. Une personne, une seule, aurait peut-être été en mesure de l’enligner sur le droit chemin: sa mère. Parce que la seule personne qu’il ait vraiment aimé, c’est sa mère. Mais elle est morte avant que Glen ne sorte de prison. Plutôt que de détester Glen, je me suis attachée à son entourage. Attachée serré. C’est qu’autour de Glen gravite du ben bon monde. À eux tous, avec leur bonté et leur bienveillance, ils contrebalancent tout le mal qu’incarne Glen.
Au premier rang, le père de Glen, Virgil. Un homme magané par la vie. Il est revenu affaibli du Vietnam, marqué. Il a bu, beaucoup. S’est absenté, souvent. Il a perdu un fils et une femme. Il en a aimé une autre, en secret. Les années ont passé et il a redressé sa vie. D’arrêter de boire et de côtoyer son petit-fils David, de pêcher avec lui, l’ont beaucoup aidé. Puppy, le frère de Glen, tire le diable par la queue pour nourrir sa femme et ses trois enfants. Il ménage Glen du mieux qu’il peut, parce qu’il est faible, soumis. Lui, ce qu’il veut, c’est de mener une petite vie tranquille, honnête, que tout le monde s’entende enfin. Jewel a attendu Glen pendant tout le temps de sa détention. Elle a élevé leur fils David, fils que Glen refuse de reconnaître. Elle l’a attendu, son homme, espérant que la prison le changerait. Erreur. La vie avec Bobby serait si simple… Et dire qu’elle n’a jamais cédé à ses avances. Bobby, c’est le bon gars par excellence. Droit, intègre, responsable. Il vit encore chez sa mère Mary, en attendant de se marier. Amoureux de Jewel, il rêve de partager sa vie et de jouer le rôle de père pour David. Qui sait, ce sera peut-être pour bientôt… Il reste tant à dire, que je ne dirai pas!
Hou là! Que j’ai aimé ce roman. Père et fils laissera une grosse marque dans ma mémoire, comme en ont laissé les romans de Kent Haruf et les nouvelles de Bruce Machart. Les histoires d’hommes qui sortent de prison sont légion. Souvent, l’ex-prisonnier se repent, trouve un moyen de se racheter, commence une nouvelle vie. Rien de tout ça ici, d’où l’originalité. On a affaire à un personnage toxique, haïssable. Il l’est et le restera jusqu’à la fin. Pas d’espoir en vue de ce côté-là. Mais espoir il y a, et il viendra d’ailleurs.
Bien au-delà de l’intrigue, la force de Père et fils repose sur sa construction. Chaque chapitre braque le projecteur sur un personnage, faisant évoluer l’intrigue selon sa perspective. Ce qui permet de dévoiler des secrets, certains ignorés par d’autres personnages. Par exemple, Glen croit que sa mère est morte d’un cancer. La vérité est autre: Emma s’est suicidée.
Porté par des personnages forts, incarnés, tellement humains, Père et fils dégage une humanité bouleversante. Larry Brown décrit, sans jamais prendre parti, l’évolution de rapports humains complexes, tendus. Il dit les choses simplement, en prenant son temps, avec une grande minutie du détail. L’atmosphère rurale du Sud des États-Unis est tangible: la chaleur, les champs de coton, le fantôme de la ségrégation raciale flottant dans l’air. Aussi sombre soit-il, Père et fils n’est pas tout noir. Le ciel se dégage à la toute fin du roman. Au duel entre le bien et le mal, le bien triomphe. Et ici, personne ne va s’en plaindre. Une histoire de paumés magnifiques comme je les aime.
Père et fils, Larry Brown, Gallimard, coll. «La Noire», 1996, 376 p.
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Encore un roman comme j'aimerais pouvoir en lire si j'avais plus de temps!
Et encore un ! Ta carte des États-Unis se remplit à vue d'oeil :-)Eh bien, tu réussis à m'appâter malgré ce personnage peu recommandable!
Marie-Claude; et voilà, un de plus qui va rejoindre ma PÀL.
Je l'ai lu dans sa version Gallmeister, j'ai adoré !! 🙂
Oh la la tu cites Bruce Machart que j'adore… et tout ce que tu dis du roman me séduit. Je le note immédiatement dans les livres à emprunter à la médiathèque.
Voila qui m'intéresse !! Merci pour l'idée !!Il me semblait bien l'avoir vu chez Gallmeister, Léa confirme !
Jamais entendu parler de cet auteur … Et j'adore les histoires où le mal rôde … Je note donc cette future découverte !
génial ! je n'en avais pas du tout entendu parler !
Il faut que tu trouves le temps de lire au moins un Larry Brown une fois dans ta vie!
J'avoue qu'il progresse bien, ce challenge. Et je ne suis pas prête d'oublier les découvertes que je fais et les auteurs que j'ai envie de suivre. J'espère que tu mordras à la ligne de ce roman!
T'es pas compliquée à convaincre, toi! Il vaut le détour, et encore plus l'expérience de lecture. Tu ne le regretteras pas.
J'ai oublié de dire qu'il était aussi paru chez Gallmeister. Tu me rappelle à l'ordre! Merci.
Pour la grande humanité qui se dégage de ce roman, oui, j'ai pensé aux nouvelles de Bruce. Tu m'en donneras des nouvelles.
Oui, chez Gallmeister, tout comme \ »Joe\ », un autre Larry Brown que je veux lire.
Tu connaissant un peu, ce roman devrait être à la hauteur de tes attentes. Hâte de lire ça sur ton blogue!
Il date un peu, c'est pour ça! Il est à nouveau publié chez Gallmeister, même traduction (très bonne).
J'ai eu grand plaisir à découvrir cet écrivain avec ce roman là, mais publié chez Gallmeister (qui prévoit d'en publier d'autres pour bientôt, chouette !)
J'ai regardé et c'est la même traduction – au demeurant fort réussie. Tu m'apprends que Gallmeister prévoit publier d'autres titres de Larry. C'est une excellente nouvelle. Il y aura sûrement \ »Fay\ » et \ »L'usine à lapins\ ». Une chose est certaines, je compte poursuivre ma découverte de son oeuvre. Et le prochain, ce sera \ »Joe\ », qui se trouve déjà dans ma PÀL.