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Pour l’amour de Claire · Edwidge Danticat

Ville Rose, un village haïtien assez petit pour que tout le monde se connaisse. Claire y vit avec son père Nozias, un pêcheur. Elle n’a plus de mère. Elle est morte en la mettant au monde. Le roman débute lorsque Claire a sept ans. Le jour de son anniversaire, une immense vague emporte un pêcheur. Madame Gaëlle, la riche propriétaire de la boutique d’étoffes du village, est prête à adopter Claire. La gamine s’enfuit. Un peu plus loin, Claire fête ses six ans. Son père invite dans sa cahute Madame Gaëlle. Il veut lui donner sa fille, qu’elle la prenne avec elle, qu’elle l’adopte. C’est le moyen qu’il a trouvé pour sortir sa fille de la misère et lui assurer un avenir qui a de l’allure. Mais la dame refuse. Le jour du cinquième anniversaire de Claire, Nozias l’amène se recueillir sur la tombe de sa mère. Ils voient Gaëlle, elle aussi recueillie, mais sur la tombe de sa fille, morte dans un accident de moto-taxi. Et ainsi de suite, jusqu’à la naissance de Claire. Tu comprends l’idée? Le roman recule dans le temps.

Au quart du roman, changement de cap. Cité Pendue, un bidonville à la périphérie de Ville Rose. Bernard, un jeune journaliste de la radio locale, rêve d’animer une émission sur les gangs. Un petit restaurant, un gang de rue, une fusillade et des morts. À la moitié du roman, autre changement de cap avec Louise, animatrice d’un talk-show radio. Puis c’est le retour de Miami de Max Ardin Jr., fils du propriétaire de l’école privée locale. Ainsi de suite. Jusqu’à ce qu’à la fin, où Claire, toujours sept ans, rentre de sa fugue. La boucle est bouclée.

La construction du roman est astucieuse et prenante. Si j’ai été prise par l’histoire de Claire, qui démarre et clôt le roman, j’ai perdu de l’intérêt au fur et à mesure que l’intrigue progressait. J’ai trouvé que les fils étaient trop lâches entre chaque histoire. J’ai vu la misère, la corruption, le fossé entre les riches et les pauvres. J’ai aussi vu l’amour d’un père pour sa fille, l’homosexualité ravalée, l’espoir d’une vie meilleure, les préjugés sur les expatriés. J’ai vu des femmes fortes, les manches retroussées, fières et indépendantes. J’ai senti la chaleur étouffante et vu la mer, omniprésente. Mais tout ça, je l’ai aussi vu ailleurs, chez d’autres auteurs haïtiens, et transmis de manière plus vibrante. L’écriture d’Edwidge Danticat est d’une grande sobriété – autrement dit, trop sage à mon goût, manquant de relief, de personnalité. En apprenant que certains chapitres ont été publiés dans le New Yorker, je comprends mieux. En somme, c’est comme si ce roman était un raboutage d’histoires. L’assemblage s’est révélé, à mes yeux, plus ou moins réussi.

Pour l’amour de Claire, Edwidge Danticat, trad. Simone Arous, Grasset, 2014, 272 p.

Rating: 2 out of 5.

© unsplash | Parth Upadhyay

10 comments

  1. Oh mince. J’adore cette autrice, mais je crois que tout n’est pas au même niveau, une de mes enseignantes m’en avait même déconseillé un, mais je ne me souviens plus lequel!
    Si ça ne t’as pas dégoûté, j’ai adoré son recueil de nouvelles Krik? Krak! et son roman La récolte douce des larmes.

    1. Je ne suis pas dégoûtée du tout. Le côté inégal du roman m’a agacé, mais la première partie et la dernière étaient très belles et très fortes. C’est pourquoi je compte remettre ça. Merci pour les recommandations. C’est bien noté. Krik? Krak! est difficile à trouver par ici. Un éditeur obscur… J’aurai plus de facilité à mettre la main sur La récolte douce des larmes est plus

  2. Ah, dommage, une auteure haïtienne, cela reste tout de même à relever (j’ai déjà commandé « les villages de Dieu » suite à ton billet..).
    Merci pour la participation, je récupère ton lien.

    1. Je compte bien remettre ça l’année prochaine
      Je ne suis pas si déçue de ma lecture. Au point que je compte poursuivre ma découverte de cette auteure. Malgré le côté inégal du roman, ses mots résonnent fortement et elle a un réel talent de conteuse, ce qui me plaît toujours.
      Vivement ta lecture des Villages de Dieu

  3. J’ai comme tu le sais adoré son mémoire, mais ses romans, j’avais un doute sur l’un aussi, et je crois que tu as mis la main dessus, un autre est inspirée de sa propre vie, avec une construction peut-être plus classique ? en attendant, je vais continuer à la lire, j’ai entendu que ses nouvelles sont excellentes du coup je vais continuer essai et nouvelles

    1. C’est d’ailleurs suite à la lecture de ton billet que je me suis empressée de mettre la main sur un de ses romans. Celui-ci était le plus facile à trouver rapidement.
      Je vais aussi continuer à la lire.

  4. Bon, rien ne m’a averti qu’il y avait encore un billet ! Même si c’est pour ne rien noter… mais quand même… Je venais sur ton blog pour mettre un lien vers Les vilaines…

    1. Zut, je croyais le problème résolu. Je me suis abonnée à mon blogue et niet. Je n’ai aucun avertissement. J’investiguerai davantage ce week-end, en espérant trouver la solution au problème.
      Je file lire tes mots sur Les vilaines.

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