Heureusement que l’habit ne fait pas le moine! Je suis devant ma PAL, je prends le roman de Joe Connelly entre mes mains. Je me dis que ça n’a juste pas de bon sens qu’un livre ait une couverture aussi laide! C’est après la lecture de 911 de Shannon Burke que je me suis procurée le seul et unique roman de Connelly. Je l’ouvre avec un mélange de curiosité et d’appréhension et lis la première page. C’en est fait: me v’la embarquée.
Frank Pierce n’en mène pas large. Complètement au bout du rouleau. Ça fait cinq ans qu’il travaille la nuit comme ambulancier à Hell’s Kitchen, l’un des plus chaud secteur de Manhattan. Pour s’aider à passer au travers, il boit, parfois jusqu’à en perdre la carte. Résultat: sa douce, Mona, est partie, laissant Frank à ses fantômes. Et des fantômes, il en a plein la tête. Ceux du passé, ceux qu’il n’a pas pu ramener à la vie. Chacun revient le hanter lorsqu’il ferme les yeux ou au coin d’une rue. Surtout Rose et son imperméable jaune, morte entre ses mains. Et Patrick Burke, pris entre la vie et la mort à la suite d’une crise cardiaque, qui voudrait bien devenir un fantôme, mais n’y arrive pas. Frank, à deux doigts de remettre sa démission, remontera-t-il dans son ambulance? Parviendra-t-il à étouffer la voix de ses fantômes?

Peu de temps après qu’ils m’eurent mis au travail, j’avais commencé à me rendre compte que mon année de formation ne m’était utile que dans dix pour cent des cas, et qu’on sauvait la vie de quelqu’un encore moins fréquemment. Je compensais en conduisant le pied au plancher et en prenant un appel après l’autre – au moins, j’avais l’apparence d’un sauveur de vies, – mais au fil des années j’avais mûri suffisamment pour comprendre que mon rôle principal était moins de sauver des vies que de porter témoignage. Dans bien des cas, le dégât était fait longtemps avant qu’on m’ait appelé, et je ne pouvais pas grand-chose pour y remédier. J’étais une éponge à chagrin, et la plus grande partie de mon boulot consistait à écarter, même pour peu de temps, les causes du chagrin, ou ses conséquences, et d’éponger tout ce que je pouvais. Souvent, il suffisait que je me montre. La plupart des maladies sont des effets secondaires d’autres problèmes: la peur de devenir fou, l’anxiété d’être seul au milieu de tant de gens, la respiration coupée d’avoir entr’aperçu sa propre mort. Appeler le 911, c’est un moyen rapide et gratuit de percevoir dans le monde un ordre bien plus solide que votre désordre personnel. En quelques minutes, quelqu’un va arriver à votre porte et vous demander si vous avez besoin d’aide, quelqu’un qui a été témoin de beaucoup de cas bien pires que le vôtre, et qui sera heureux de vous le dire. Quand votre sceau d’angoisse sera rempli, il essaiera de le vider. Mon problème, c’est que j’avais absorber tout ce chagrin, et que je ne savais pas où le mettre. J’étais plein, et chaque appel auquel je me rendais était la goutte qui faisait déborder le vase.
Le premier roman de Connelly présente deux jours et deux nuits sur la corde raide dans le New York des années 90. Une course sans fin contre la montre. J’ai tourné la dernière page de Ressusciter les morts haletante, épuisée. Grâce à une écriture vive et rythmée, des phrases tranchantes envoyées comme un tir de mitraillette, Connelly saisit à bras-le-corps le quotidien de ses personnages, celui de Frank en particulier. Mais les personnages qui gravitent autour de Frank ne sont pas en reste: ses coéquipiers et le personnel des urgences de l’hôpital; Noël, le psychotique; M. Oh, l’abonné du 911 en quête d’attention; Mary Burke et sa mère, mortes d’inquiétude. Les évènements déboulent, quelques moments d’introspection laissent le temps de reprendre son souffle. Entre chaque chapitre s’insère une petite histoire sur un patient, certaines cocasses, d’autres déchirantes. L’épuisement, la détresse, la solitude, les maladies mentales, la culpabilité et l’alcoolisme cimentent le roman. J’ai dévoré Ressusciter les morts sur le bout de mon lit, en me rongeant les ongles. Mon niveau d’empathie envers les ambulanciers vient de grimper d’un cran.
Ressusciter les morts, Joe Connelly, trad. Richard Cunningham, Pocket, 2000 [1998], 359 p.
© unsplash | Mat Napo
Ressusciter les morts… tout un programme. Bon, encore un livre à noter ?
Pas encore lu le 911… Ce Ressusciter les vivants donne envie !Jolies illustrations pour le livre jeunesse, je suis d'accord.
Roooooh, tu me donnes envie de foncer sur cet album ! Et Pomelo, je l'aime d'amour (j'avais même un bavoir avec sa bouille dessus pour mon petit loup!). Je note, je note ! Quant au roman, il ne me tente pas trop … (c'est vrai qu'une couverture moche assure au bouquin un bon gros dodo au fond de la pile à lire …)
J'ai vu l'adaptation cinéma de ce roman à l'adolescence, il m'avait laissé une très forte impression ! J'avais tout à coup eu une image beaucoup plus réaliste du métier d'ambulancier (en tous cas m'a-t-il semblé à l'époque) ! Sinon, Gros-Lapin est beaucoup trop mignon 🙂
J'ai vu l'adaptation ciné et j'étais fan de la série 911 car on voyait bien leur métier et la détresse humaine du coup je vais me procurer ce roman (oui, vu la couverture tu aurais pu le biner!)sinon j'adore le dessin de Gros-Lapin, il est trop beau! tu as le premier chez toi ? je veux le lire !!!
Pas question d'en faire une priorité, il y a tant et tant à lire. Mais si jamais cette horrible couverture croise ton chemin, ça vaudra la peine de t'arrêter!
Il me semble que ça pourrait fort te plaire, ces romans des urgences, tant \ »911\ » que ce \ »Ressusciter les morts\ »!Pour l'album, je suis une fan finie de ce duo!
Si tu craques pour Gros-Lapin, tu risques fort de tomber en amour! L'histoire est rafraîchissante et les illustrations donnent la pêche. Pour la laideur des couvertures, tu le dis bien: «Un bon gros dodo au fond de la pile à lire!» Ça reste mieux que le bac de recyclage! Il a bien failli y passer, celui-là, et je m'en serait mordu les doigts.
C'est drôle, mon grand est revenu de l'école tout à l'heure, en disant qu'il avait fait un test pour savoir quel profil il avait pour quel métier, et sur les deux qui sont sortis, le second était ambulancier justement!…je lui ai dit que c'était un métier vraiment très dur…ton livre m'intrigue, je vais le noter, ça doit être quelque chose ce qui y est raconté.Et puis je retiens aussi Gros lapin, parce que jusqu'à présent, toutes les idées livre jeunesse prises chez toi ont été un vrai succès ici 🙂
C'est vrai? Tu me donnes quasiment envie de me pencher sur ce film. Encore faut-il que je puisse le trouver. Je crains cependant qu'il n'arrive pas à la cheville du roman. Ça reste à voir!Gros-Lapin est totalement et définitivement craquant!
Un autre roman à ajouter à ta monstrueuse pal? Sois donc un peu raisonnable, très chère!Je serais ravie de te mettre Gros-Lapin entre les mains. Ça te fera sourire!
C'est effectivement un drôle de hasard! Ma sauterelle aussi a le profil pour exercer ce métier. Elle a un sang-froid exceptionnel et beaucoup d'empathie pour les autres (mais pas pour sa maman!). Depuis que j'ai lu ce roman, je ne regarde plus les ambulances et leurs passagers de la même façon… Ça me ravie que mes suggestions jeunesse aient du succès chez toi. Avant, je partageais autant mes coups de coeur que mes coups de griffe, mais le temps étant restraint pour la rédaction de billets, je me limite aux coups de coeur. Tu remarqueras, d'ailleurs, que depuis un bout, ils sont peu nombreux!
Le premier livre ne me tenterait pas en temps normal mais j'avoue que la façon dont tu en parles donne envie d'essayer un nouveau genre… Le deuxième a l'air formidable !! Je vais le rajouter sur ma liste. Merci pour ces belles découvertes, merci d'en parler avec autant de passion 😀
Ahhh je viens de me rendre compte que mon dernier commentaire ne s'est pas affiché…J'écrivais que je trouve ça très drôle que nos grands aient le même genre de profil 🙂 je ne sais pas par contre si le mien aura assez de sang froid pour ce genre de métier, c'est un grand (trop grand?) sensible.Oui, tes suggestions en livre jeunesse sont vraiment très appréciées ici (bon celles pour adultes aussi, mais ça tu le sais déjà :D) : Le jardin de Jaco est un vrai coup de cœur et Le chemin de la montagne est en train d'en devenir un. Top car, tel que prévu suscite de belles discussions. J'en garde certains autres en tête, pour une occasion.Et oui, c'est vrai que j'avais remarqué que tu avais moins de coups de cœur ces temps-ci…et c'est ben correct pour moi, on profite de ceux que l'on découvre en ce moment.
Étrange ces commentaires qui apparaissent ou non…J'ai de la demande pour reprendre mes rendez-vous Le samedi, c'est jeunesse. Ce n'est pas l'envie qui manque, mais plutôt le temps, toujours ce temps qui manque. Je viens de faire un bilan hebdomadaire pour savoir où allait mon temps. C'est assez déstabilisant… J'en reparlerai! Tes petits passages par ici sont toujours pour moi un grand plaisir!
Tout le plaisir est pour moi, Justine. Quand je suis enthousiaste, je ne le suis pas qu'à moitié!
oh merci je cherchais justement de nouvelles idées lectures pour mon loulou! Et tes conseils sont toujours précieux 🙂 J'ai noté tous ces titres !
Vous allez tomber en amour avec Gros-Lapin… Il est totalement charmant!