Elpsbeth est sage-femme. Plusieurs mois par année, elle laisse sa famille et part travailler en ville. C’est en rentrant d’une de ses virées, les bras chargés de cadeaux, qu’elle fait la macabre découverte. Caleb est caché dans le cellier, une carabine à la main. Quand il entend des pas dans la maison, il croit les tueurs de retour. Il tire son comptant de plombs et atteint… sa mère. Caleb la soigne du mieux qu’il le peut. Elpsbeth finit tant bien que mal par s’en remettre.
Commence pour eux une longue, une périlleuse épopée à travers la neige, les bois, les collines abruptes. Poussés par un seul objectif: trouver les meurtriers et se venger. Leurs pas les mènent à Watersbridge. Dans cette ville de western peuplée de truands, de prostituées et de petits travailleurs, Elpsbeth se déguise en homme pour éviter d’être reconnue. Pour assurer la pitance, elle se fait embaucher dans une glacière sur les rives du lac Érié. Caleb se trouve du travail au saloon-bordel dans l’espoir d’y voir débarquer ceux qui ont massacré sa famille.
James Scot évoque avec une précision d’horloger l’obsession d’une mère rongée par les remords et la vengeance d’un fils qui devient trop tôt un homme. Les épisodes d’une violence abrupte contrastent avec la luminosité et le silence des étendues blanches. L’écriture de James Scott fait le grand écart: sèche et âpre pour accompagner des personnages bousculés par le vent et tétanisés par le froid, lyrique pour décrire des scènes d’apocalypse. Un roman violent, implacable. Dès les premières lignes, la tension est palpable, le malaise s’installe subtilement et le rythme ne faiblit pas jusqu’à l’apothéose finale. Je me suis battue à bras-le-corps avec ce roman pour éviter qu’il ne m’engloutisse (et ce, malgré les quelques digressions un peu longuettes, les quelques incongruités ici et là et la fin ouverte qui m’a laissée songeuse). Absolument magistral. Le premier roman d’un auteur que je suivrai de très très près.
Retour à Watersbridge, James Scott, Seuil, 2015, 389 p.