Ça s’est passé en 1981. Pendant que Céline Dion chantait Ce n’était qu’un rêve à l’émission quotidienne de Michel Jasmin, pendant que Gilles Villeneuve remportait le Grand Prix d’Espagne en F1 et qu’au hockey, Mike Bossy devenait le deuxième joueur, après Maurice Richard, à marquer 50 buts en 50 parties, un affrontement historique avait lieu sur la réserve de Restigouche, en Gaspésie. Les Mi’gmaq et la Sûreté du Québec se s’ont affrontés fort. L’enjeu? Les droits de pêche au saumon. Le meilleur moyen de priver les Indiens de leurs droits de pêche, c’était de saisir leurs filets. Tant pis si c’est avec le poisson qu’ils gagnent leur vie et se nourrissent. L’intervention s’est transformée en crise sociale. Autour de cet affrontement gravitent une galerie de personnages. Océane, une jeune Mi’gmaq de quinze ans, passe un mauvais quart d’heure entre les mains de trois gars de la SQ. Yves Leclerc, le garde-chasse du coin, vient de démissionner; il vole au secours d’Océane. William, un vieil ermite autochtone qui a passé du temps, dans les années 1930, dans les pensionnats indiens, sort du bois. Caroline Seguette, une Française de passage, venue enseigner une année en Gaspésie, se rapproche d’Yves et d’Océane. Pierre Pesant, un expert à la Commission des droits de la personne, se révèle le crabe dans le panier. Ces personnages se croisent, interagissent, s’aident ou se nuisent.
Comme dans sa trilogie 1984, Éric Plamondon reprend sa marque de commerce: les chapitres qui font avancer l’intrigue sont entrecoupés de courts passages instructifs, comme des pauses publicitaires impossibles à zapper. Un exemple:
Chieftain, c’est l’art de vous faire vivre les grands espaces depuis votre intérieur. Ce n’est pas parce que nous avons fait du Chieftain 1976 un véhicule raffiné et agrémenté de nombreuses fonctionnalités que nous avons oublié l’ingrédient le plus important de tous: de l’espace pour en profiter. L’habitacle intérieur vous ravira, tout comme la conduite et la vie de tous les jours dans notre nouveau Chieftain. Avec une salle de bain plus spacieuse, des miroirs plus grands, une armoire à pharmacie et de nombreux espaces de rangements supplémentaires tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, vous ferez toujours des jaloux partout où vous irez. Notre dernier modèle de Winnebago est équipé d’un nouveau module de douche entièrement en plastique et d’une finition intérieure en velours synthétique. À l’avant, nous avons incliné le large pare-brise de six degrés en l’adaptant à la forme des vitres de chaque côté pour une vue panoramique complète. Parce que sur une autoroute bondée, vous devez toujours voir tout ce qui se passe autour de vous! Winnebago: The name that means the most in motor homes.
Ces pauses, qui marquent une interruption dans le gras de l’intrigue, ne brisent en rien le rythme de lecture. Au contraire! J’étais avide de lire où ça mènerait. J’en ai appris, des choses. J’ignorais ce qu’étaient du pétun et des mouches sèches. J’en ai appris sur le fonctionnement des pièges à ours. J’ai découvert que le saumon avait un odorat mille fois plus développé que celui d’un chien. En prime, on retrouve entre ces pages une bonne recette de soupe aux huîtres. Mes notions d’histoire ont été rafraîchies. J’ai vu par un autre bout de la lorgnette certains moment forts de l’histoire du Québec: l’arrivée des Indiens par le détroit de Béring, la bataille de Restigouche de 1760 et la fin de la Nouvelle-France, les prises de bec et jeux de pouvoir entre les gouvernements provincial et fédéral, la nuit des longs couteaux, la crise d’Oka… C’est tout un condensé d’histoire! Le style d’Éric Plamondon, fort bien tourné, souvent caustique, dégage une grosse bouffée de fraîcheur.
Le problème des Amérindiens du Québec, et même de tout le Nord-Est de l’Amérique, c’est qu’ils n’ont jamais eu de chevaux. Des Indiens sans chevaux, c’est un peu comme des pirates sans bateau ou des cow-boys sans chapeaux, ça fait moins sérieux, c’est moins glamour. Hollywood a imposé l’équation suivante: Indiens égale chevaux. En expulsant les Indiens sans monture de l’écran, Hollywood les a chassés de notre imaginaire. Alors les Hurons de l’Ancienne-Lorette ont continué à vendre des paniers en osier faits main et des tomahawks en plastique Made in China.
La fin du roman m’a estomaquée. De l’abracadabrant, en veux-tu en v’la. Digne d’un gros blockbuster américain plein de testostérone. C’était un peu trop garoché à mon goût. Dommage… Une expérience de lecture jouissive et captivante. Un cours d’Histoire passionnant. Un roman unique à ne surtout pas manquer.
Taqawan, Éric Plamondon, Quartanier, 2017, 224 p.
© unsplash | Andrew Haimerl
il devrait débarquer dans ma pal sous peu 🙂 impatiente!
Excellent billet comme toujours. C'est un plaisir de te lire. J'ai vraiment mais vraiment beaucoup aimé ce roman. Lu il y a quelque temps mais n'ai pas encore eu le temps de terminer ma petite chronique. P.S. Pour la couverture j'avoue que j'aime mieux l'originale. 😉
Evidemment, il me le faut ! J'ai entendu parler de ce conflit justement dans le documentaire réalisé lors de la crise d'Oka – donc je suis intéressée. Pour la couverture, je trouve la deuxième très jolie mais elle semble destinée à un public plus jeune. Il va faire partie de mes achats à Québec ! ma liste ne fait que grandir …
Avec ses insertions, voilà un auteur bien original. Je préfère la couverture de Quidam, qui est plus lisible. (En plus, j'ai un faible pour les couleurs…)
Ce Québécois vit à Bordeaux depuis maintenant plusieurs années. Ces multiples insertions dans le corps de l'intrigue constitue en quelque sorte sa marque de fabrique. Merci pour ton avis sur la couverture. Je suis toujours curieuse des découvrir les goûts des lecteurs (lectrices) en la matière!Joyeuses Fêtes à toi et à ton clan! xx
Il te le faut absolument. Je suis curieuse de t'entendre sur la forme. Si tu préfères la couverture chez Quidam, tu prendras le livre chez toi. Ça en fera un de moins dans tes valises!
Merci de tes bons mots, ma chère Suzanne (qui se fait trop rare ces temps-ci)!Je suis curieuse de te lire sur ce roman (mon premier d'Éric Plamondon). Tu as lu sa trilogie?Moi aussi, je préfère la couverture originale…À tout bientôt. Joyeuses Fêtes à toi! xx
Je me demande s'il te plaira. J'ai comme un doute… Tu es impatiente de le lire? Je suis impatiente de lire ton billet!
Malheureusement je n'ai lu que le premier volet de sa trilogie. J'espère lire les deux autres tomes en 2018. 😉 Merci pour tes voeux et je t'en souhaite tout autant.
Intéressante cette histoire ! à voir quand il paraitra en France, mais je préfère la couverture rouge originale !
Passionnante et originale, en effet!Je préfère aussi la version originale!
Je comprends donc que la trilogie est aussi à lire…
Il est dans ma pile depuis le salon du livre… j'aime beaucoup Plamondon du coup, je pense que ça devrait bien passer! Et je préfère la couverture d'ici, je pense!
Il devrait te plaire, d'autant plus si tu es familière avec son écriture. Maintenant, j'ai juste envie de me garrocher dans sa trilogie!
Meilleurs vœux Marie Claude !Je viens de terminer Taqawan mais j'ai un peu de mal à me retrouver dans les différentes chroniques du roman.S'il a d'indéniables qualités qui en font un roman attachant,il ne m'a pas vraiment ravi comme les autres lecteurs, signe d'une chronique qui aura sûrement du mal à voir le jour correctement et clairement.
J'avoue qu'on peut s'y perdre facilement… Je suis très curieuse de lire un avis plus mitigé. Tu te lances?!Bonne année à toi!
J'ai eu le privilège et l'honneur de collaborer pour quelques dictons et quelques phrases. J'en remercie Éric Plamondon.