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Une part de ciel · Claudie Gallay

J’arrive mal à m’expliquer pourquoi les romans de Claudie Gally me font cet effet-là. Pour cette deuxième immersion dans son œuvre, j’ai voulu marquer le coup avec Les déferlantes. LE roman de la dame. Je ne suis pas arrivée à dépasser la trentaine de pages! Ça dégoulinait trop de mélancolie. Je vais y revenir un jour. Sans faute. Comme j’avais Une part de ciel pas loin…

Curtil a toujours été « un père intermittent », épris de liberté. À l’occasion, il poste à ses trois grands enfants une boule de verre pour annoncer son retour. C’est sa façon de leur signifier qu’il sera bientôt là. Mais quand, personne ne le sait. Trois semaines avant Noël, Carole revient pour l’occasion dans son village natal, dans le Massif de la Vanoise, avec sa dernière boule de verre en main. Elle est seule, maintenant. Son mari est parti vivre de liberté et ses filles sont grandes. Sur le quai de la gare, son frère aîné Philippe et sa sœur cadette Gaby l’attendent. Carole loue une chambre dans le gîte près de la scierie. Au fil des jours, elle s’imprègne du village où elle a grandi, retrouve les gens du coin, vieillis, se rapproche de son frère et de sa soeur, revoit Philippe, son kick de jeunesse. Et elle attend le retour de Curtil.

Les histoires de Claudie Gally ne sont pas particulièrement originales, son style n’est pas percutant, ses personnages ne sont pas flamboyants. Et ses intrigues? Y’a pour ainsi dire jamais d’intrigue. Ben alors? L’atmosphère, je te dirais. Ici, tout est une question d’atmosphère. Comme dans La beauté des jours, l’histoire se déroule lentement, s’étire, jusqu’à faire sentir la texture des heures. Les phrases brèves, hachées menu et les dialogues bien tournés envoûtent. Les personnages ne manquent pas d’épaisseur. Ils ont de la chair autour des os: la Baronne et son chenil tenu à bras le corps; le vieux Sam et son thé; Diego et son casse-tête de 3000 morceaux; Gaby, ses pinceaux et ses fins de mois qui durent trente jours. Sa Môme adoptée. La Carole, là, hantée par un souvenir tragique de son enfance, a fini par me taper sur les nerfs avec ses questions et son ressassement. Les autres autour l’ont éclipsée.

J’aime la façon dont Claudie Gally enlise ses personnages dans les lieux. Elle ausculte le temps, l’étirement des jours. La routine, les mêmes habitudes, les mêmes rengaines, toujours. Même les silences deviennent bavards. Quatre cents pages, plutôt que six cent, m’auraient donné moins l’impression de tourner en rond. Mais il y a la fin. Oh, cette fin! À elle seule, elle rachète tout! Et cette atmosphère, toujours…

La plus grande des solitudes, a dit Sam, c’est quand plus personne ne partage vos souvenirs. Quand plus personne ne vous a connu enfant, que plus personne ne sait votre passé, votre jeunesse. Vous ne pouvez plus parler de vous alors vous vous repliez et vous vous taisez.

Le père des filles affirmait que le temps que l’on passe à se souvenir est du temps que l’on n’a plus pour vivre.

Une part de ciel, Claudie Gally, J’ai lu, 2016, 608 p.

Rating: 4 out of 5.

© unsplash | Sydney Rae

16 comments

  1. Bon et bien s’il y a de la chair autour de l’os en plus tu t’es nourrie…. D’une pierre deux coups. Oui des romans d’ambiance et je crois te l’avoir dit moi Les déferlantes je l’ai lu deux fois et avec un réel plaisir à la deuxième lecture….. Alors essaie ! Celui là pas lu mais avant de céder à ma liste d’envies il faut que je fasse descendre ma PAL REELLEMENT….. Et il y a du boulot …. Euh des heures de plaisir 🙂

    1. Compte sur moi, je compte bien retenter le coup avec Les déferlantes. Forcément, je ne peux faire l’impasse sur ce roman.

      Bon amincissement de PAL. Si ça peut t’encourager: il y a de la lumière au bout du tunnel! La mienne se porte au mieux.

  2. Lu à sa sortie, tu m’as remémoré ce roman qui est mon préféré de l’auteure je crois. A l’époque, j’aurais pu copier, coller ta chronique. Cette fin…
    Tu as raison, je me suis demandée à la lecture de son dernier livre s’il ne fallait pas être un peu déprimé soi-même pour supporter la mélancolie des personnages des romans de Claudie Gallay. Je me rends compte que j’ai lu Les déferlantes à un moment de ma vie où j’avais un peu le vague à l’âme, l’apprécierai-je autant aujourd’hui? Bref, très heureuse que tu poursuives ta découverte !

    1. Ton préféré? Je suis bien tombée! J’achète un Gallay à chaque fois que j’en vois un en bouquinerie. Heureux hasard, donc. De fait, cette fin est incroyable. Elle remet en perspective tout ce qui précédait. Un véritable tour de force, je trouve.
      J’apprécie la langueur du temps dans ses romans (les deux lus). Ces petits riens qui font la vie. Les déferlantes m’a agacé dès le début, contrairement aux deux autres romans. La nostalgie du passé était trop forte à mon goût. Mais je compte le reprendre un jour et en voir le bout! Vivement la suite de ma découverte!

  3. J’ai beaucoup aimé celui-ci aussi. Tu as raison, Claudie Gallay, c’est une histoire d’atmosphère. Je ne sais pas si j’ai un préféré… mais franchement, Les déferlantes… il faut que tu t’y replonges…

    1. C’est bien mon intention, ma chère! C’est comme d’aimer les gâteaux, mais de n’en avoir jamais mangé au chocolat. Comparaison boiteuse, mais parlante!

  4. Les déferlantes m’avait presque donné envie d’aller passer un weekend dans les bruines du Corentin, là tout de suite, pour y lire le livre ! c’est dire à quel point d’étais embarquée ! Finalement, je suis restée sous ma couette. J’ai moins apprécié Seule Venise, mais l’écriture de la dame me plait toujours, j’y reviendrai sans doute avec La beauté des jours.

    1. Vous me poussez à remettre ça plus vite que je ne le pensais avec Les déferlantes! Peut-être que d’aller passer un week-end dans les bruines du Corentin me prédisposerait plus à apprécier?!
      Je compte bien poursuivre ma découverte des livres de la dame, Seule Venise compris. Il y en a pas mal, mais pas tant, au final.

  5. Je n’avais pas tout aimé ; l’atmosphère, oui. Mes préférés sont Les Déferlantes et Seule Venise de cette autrice que j’ai malheureusement laissée de côté depuis quelques années.

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