Je rechigne rarement devant un roman post-apocalyptique. Dans la forêt de Jean Hegland, je l’attendais au tournant. Et les avis lus n’ont fait qu’augmenter mon impatience. J’ai tourné les pages et lu avidement. Je n’irai pas par quatre chemins: mon manque d’enthousiasme va à l’encontre des avis dithyrambiques qui abondent.
Pour la petite histoire, Nell à dix-sept, sa sœur Eva, un an de plus. Ils vivent avec leur père dans le nord de la Californie, à environ cinquante kilomètres de la ville la plus proche, en plein cœur de la forêt. Les deux filles ont fait l’école à la maison, le père enseignait à l’extérieur. Ils font le deuil de la mort récente de la mère.

En grandissant, l’envie de s’envoler s’empare des deux filles: Eva souhaite faire une école de ballet à San Francisco et Nell rêve d’entrer à Harvard. Leur envie devra attendre… L’électricité cesse de fonctionner. L’essence se raréfie. Les étagères des épiceries se vident. Les avions ne circulent plus. Tous ignorent ce qui est vraiment arrivé. On spécule. Terrorisme? Guerre? Accident nucléaire? Tout devrait rentrer dans l’ordre sous peu. Ce n’est qu’une question de temps. Mais le temps s’étire et la situation de précarité empire. Lorsque le père meurt d’un bête accident en forêt, les deux soeurs se retrouvent seules au monde. Elles doivent dorénavant se démerder par leurs propres moyens. Se nourrir, s’abriter dans une maison qui tombe en ruine, prendre soin des poules, s’occuper du potager. Eva se renferme de plus en plus. Elle passe tout son temps à danser au rythme d’un métronome. Nell épluche l’encyclopédie par ordre alphabétique, une entrée à la fois.
Une rumeur… Il paraîtrait qu’à Boston, le pouls de la vie recommence à battre. Partir ou non? Là, au cœur de la forêt, elles ont à manger, à boire et à se chauffer. Elles seraient bien folles de retourner en ville. Finalement, la forêt et ses inépuisables ressources se révèleront plus rassurantes que la civilisation. Maintenant, elles doivent organiser leur avenir. Reste à savoir comment elles vont s’y prendre…
Tout au long du roman, Nell raconte. Elle se confie dans le cahier offert par sa soeur. Un choix narratif qui, s’il n’est pas nouveau, m’a beaucoup plu. Le fait qu’il n’y ait aucun chapitre m’a dérangé. Une impression d’étouffement, de lourdeur s’en dégage. Pas d’espace pour reprendre son souffle. Les va-et-vient entre le passé et le présent sont bien dosés, permettant de brosser le portrait de l’avant – que j’ai particulièrement aimé.
Le caractère des deux sœurs se complètent bien: Nell la rationnelle, Eva l’impulsive. La transformation de leurs liens est somme toute assez bien développée. Mais ce que j’ai pu détester Eva! Je l’ai trouvé d’une froideur et d’un égoïsme horripilants.
Des petits détails m’ont pas mal agacée. Comme cette scène, sortie de nulle part: quelques jours après qu’Eva se soit faite violer par un homme qui rodait près de leur maison, les deux sœurs se rapprochent… S’ensuit une brève scène de sexe incestueuse qui tombe comme un cheveu sur la soupe et qui n’a pas de suite.
«Quand je pense à la façon dont nous vivions, à la désinvolture avec laquelle nous usions des choses, je suis atterrée.» Tout du long, le trait est épais, mais le message passe plutôt bien: un mode de vie axé sur la surconsommation est voué à l’échec. La vie demeure possible grâce au retour à la simplicité et au contact étroit avec la nature. La forêt, d’abord perçue avec une relative indifférence par les deux sœurs, est peu à peu apprivoisée, jusqu’à devenir un lieu nourricier et protecteur, source d’équilibre, de renouveau.
Malgré mon agacement, Dans la forêt demeure un beau et fort roman d’apprentissage sur le courage et la résilience. Ne vous arrêtez donc pas à mon avis mitigé. Mes attentes étaient juste trop élevées! Les avis de Virginie, Noukette, Eva et Chinouk sont nettement plus recommandables que le mien!
Dans la forêt, Jean Hegland, trad. Josette Chicheportiche, Gallmeister, 2017, 304 p.
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Il faut bien des avis moins enthousiastes quand même, sinon ça paraît louche :-)Alors moi, je suis du côté de ceux qui ont aimé. J'ai été emportée vraiment par cette histoire, ces deux soeurs. Une belle douceur, de la force aussi, des passages troublants qui m'ont étonnée c'est vrai mais aussi beaucoup plu. J'ai trouvé la fin complètement folle mais si belle. J'ai été conquise, voilà voilà 😉
ahhhhh j'étais sûre que tu allais adorer!moi je l'ai trouvé politique et subversif,même s'il est vrai que parfois l'auteure souligne fortement son propos. En tout cas je trouve qu'elle assume complètement ce trait. Un livre qui m'a vraiment beaucoup plu..
Ca m'arrange parce que depuis le début, je ne le sens pas pour moi, ce roman.
Moi aussi, j'aime les avis discordants. Ça remet les choses en perspective et permet de montrer les différentes lectures possibles d'une même oeuvre.La fin m'a très agréablement étonnée. C'était une belle conclusion.
Je n'ai pas adoré, justement. Bien aimé, oui, mais sans plus.Politique, engagée, j'avoue. Surtout qu'il a été publié il y a vingt ans. D'autant plus subversif.
Ah, ah! Il n'est pas fait pour tous, c'est vrai. Suis donc ton instinct. C'est plus sûr.
Je rigole, je réagis comme Valérie, et donc te dis : merci!
on ne parle que de ce roman en ce moment mais je me méfie toujours un peu. Je crois que ce sera pas pour moi
La fin \ »extrême\ » m'a paru too much. Mais ça restera quand même un beau souvenir de lecture.
Acheté. Donc, avis à suivre…
Je ne suis pas une grande habituée du genre, sûrement pour ça que j'ai autant aimé ce roman…!
Pareil, je suis mon instinct : pas pour moi. Tes bémols me confirment que je peux passer mon chemin. Et puis, j'ai une PàL monstrueuse 😉
Tout le plaisir est pour moi. Ça fait tellement de bien, parfois, de passer son tour allègrement!
De fait, il fait grand bruit. Le fait qu'il soit publié chez Gallmeister n'y est sans doute pas pour rien. Ça fait du bien de passer son chemin!
C'est un fait, plus moyen de revenir en arrière! En même temps, c'est conséquent avec le message sous-jacent: hors de la nature, point de salut. Au final, je ne regrette pas du tout de l'avoir lu. Juste quelques petites crottes sur le coeur!
Sans vouloir mettre ma main au feu, je dirais que tu feras partie de celle qui aimeront. À suivre…
Un regard neuf, une plus grande ouverture et moins d'attentes; c'est certain que ça aide.
Non, pas pour toi. Et même si ça l'était, tu passes ton chemin – c'est un ordre – sous peine de mourir étouffée sous ta PÀL!
Je passe aussi.
L'histoire me tentait bien mais pas de chapitre ?! Ah non merci!
Bien, chère dame. Il y a plus mieux, j'en suis certaine, dans ta PAL!
Bizarre, hein? De petits espaces pour changer de temporalité ou de lieu, mais aucun chapitre.
J'en ai beaucoup entendu parler ! Je ne sais pas si j'ai envie de le lire ou non (curieuse impression) mais je note tout de même le titre 🙂
J'ai tendance à dire qu'il faut écouter ses impressions. Alors… pas de presse!
UN GRAND LIVRE !!! un immense coup de coeur sans réserve en début d'année pour moi
Tu as vu le film?J'avais vraiment envie de lire ce roman et puis finalement, on a décidé de voir le film. Je me disais que je lirais le livre plus tard. Le film, quelle déception! On me dira que les films sont rarement à la hauteur des livres, mais je ne pensais vraiment pas que l'histoire en générale parlait de ce dont elle parle. Je trouve que c'est trompeur. Je m'attendais vraiment à quelque chose sur la survie en forêt. Je trouve la quatrième de couverture trompeuse… En tout cas quand le film devient un peu intéressant et qu'on voit comment elles commencent à se débrouiller, ça bifurque vers une histoire de viol et d'accouchement. Tellement mon genre 🙁 Je suis trop déçue pour avoir envie de lire le livre.
Pas vu le film.Oui, la c4 est trompeuse. Peu question de survie en forêt, ici. Et puis, cette histoire de viol et d'accouchement a été la goutte qui a fait déborder le vase! Sans parler de une des deux soeurs que j'ai trouvé insupportable. Bref, très déçue et tu ne manques rien à ne pas le lire!