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Défi · Roman familial

Electra et moi avons eu envie, cette fois, de nous plonger au coeur d’un roman familial. Electra m’a proposé trois romans. Depuis le début de ce défi, c’est la première fois que tous les titres soumis m’intéressent. Le choix n’a pas été simple. La balance a penché du côté d’Anne Enright. Il y a belle lurette que je voulais découvrir l’oeuvre de cette Irlandaise.

Pour faire une histoire courte, disons que les quatre enfants de Rosaleen Madigan sont éparpillés ici et là. À l’occasion d’un Noël, la matriarche, maintenant veuve, compte réunir son troupeau pour leur annoncer une grande nouvelle qui ne plaira pas à tous.

Pour rentrer un peu plus dans les détails… La première partie du roman présente à tour de rôle chacun des enfants, avec leurs égratignures et blessures. Au coeur de l’Irlande, en 1981, la petite Hanna se rend à la pharmacie de son oncle pour chercher un médicament pour sa mère, qui ne met plus un pied en dehors de son lit depuis que Dan, l’aîné, a annoncé qu’il voulait devenir prêtre. Dix ans plus tard, Dan n’est pas prêtre. Il s’est installé dans l’East Village, à New York, et s’épanouit du mieux qu’il peut. Une autre poignée d’années passent. Constance surgit. Constance, l’épouse et la mère, dévouée et loyale. Elle se rend chez son médecin pour en avoir le cœur net avec cette bosse suspecte qui pousse dans un de ses seins. Au début des années 2000, c’est au tour d’Emmet d’apparaître. Emmet a fuit l’Irlande et sa famille pour travailler dans l’aide humanitaire. Il s’est installé au Mali, partage sa vie avec une petite amie et occupe un travail auquel il croit de moins en moins.

La deuxième partie du roman se déroule en 2005. Rosaleen a décidé de vendre la maison familiale. C’est un coup de dés qu’elle a lancé, une dernière tentative pour réunir ses enfants auprès d’elle. Un dernier Noël à Ardeevin. Que sont devenus les enfants du clan Madigan? Chacun mène sa barque, avec plus ou moins de sérénité. Outre la fidèle Constance, tous ont quitté l’Irlande et fuit Rosaleen. Les retrouvailles s’annoncent intéressantes!  

Le roman d’Anne Enright n’a rien de révolutionnaire de prime abord. La manière dont elle a choisit de tricoter son intrigue est toutefois très astucieuse, contribuant au charme du roman. Le roman avance par à-coups, chaque section se déroulant à une époque différente. On se promène dans le temps et l’espace, de Dublin à New York, en passant par le Mali et Toronto. Anne Enright montre plutôt qu’elle ne raconte. Ses mots, divinement traduits, dégagent une compassion communicative et véhiculent des images fortes. L’éventail de sujets abordés est vaste: rivalité entre frères et sœurs, solitude, vieillesse, alcoolisme, dépression post-partum, sida.

Rosaleen, soixante-seize ans, est détestable. Elle reproche à ses enfants d’être des monstres d’égoïsme. Mais elle est elle-même l’incarnation de l’égoïsme. Rosaleen m’a fait penser à Olive Kitteridge, la fabuleuse Olive créée par Elizabeth Strout. En plus acerbe, peut-être. À l’opposé, Olive, par sa grande maladresse sociale, en devient attachante.

La fin m’a un brin déçue. Comme si Anne Enright avait perdu l’intérêt pour son histoire et était pressée d’en finir. Même si les dernières pages tombent un peu à plat, cette Herbe maudite a provoqué chez moi une rage de lire, sautillant d’impatience de retrouver le clan Madigan. Ceci étant assez rare pour le souligner!

Rosaleen était lasse d’attendre. Elle avait attendu, toute sa vie, quelque chose qui n’était jamais venu, et elle ne supportait plus cette incertitude. Elle était pressée, désormais. Elle se dit qu’elle pourrait trouver le bord d’une falaise et se jeter en bas rien que par impatience. […] Combien de temps encore devrait-elle continuer, à être comme ça. À être elle-même.

L’herbe maudite, Anne Enright, trad. Isabelle Reinharez, Actes Sud, 2017, 320 p.

Rating: 4 out of 5.

© pixabay

11 comments

  1. J’aurais choisi le même que toi… ceci dit, ce personnage de matriarche détestable m’aurait peut-être agacée très vite.
    Anne Enright est une autrice qu’il me reste à découvrir, encore une !

    1. Oui, encore une. J’en ai plusieurs à cocher, de mon côté!

      Quant à cette matriarche… Les personnages de gens âgés sont si rares en littérature. Je m’en délecte, qu’ils soient détestables ou non!

  2. ah on peut enfin parler d’elle ! je l’ai déjà lue et je dois encore lire son dernier (qui me faisait tant envie dans les librairies anglophones à Berlin)
    ravie de voir que tu étais pressée de retourner les retrouver ! toujours de bonne augure, sinon je regarde mes choix, de très bons choix, je suis plutôt douée LOL

    1. J’ignorais que tu l’avais déjà lu. Ce roman figurera assurément dans mon top 3 de ce défi. On se fera un petit bilan récapitulatif à la fin?

      Soit tu es plutôt douée, soit je suis bon public et très ouverte (lirais-je le Cavanna?)!

  3. Sirop tu as le don d’attiser ma curiosité avec tes suggestions. Va falloir que je te parle sérieusement là!!! Nan c’est une blague gentille dame. Une auteure que je n’ai encore lue et je note avec intérêt.

    1. Chère Suzanne, même anonyme, je reconnais bien ton «Sirop»!

      Pour ce qui est d’Anne Enright, avoir su que c’était à ce point bien tourné, je l’aurais découverte il y a belle lurette. Ça vaut vraiment la peine que tu t’y plonges.

      1. Je voudrais bien ne pas apparaître sous cette appellation d’anonyme mais, ça ne fonctionne pas! Grrrr. Désolée sirop de sirop 😉

  4. C’est dommage cette fin décevante mais tu sembles quand même avoir été conquise !

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