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Des dieux sans majuscule · Tupelo Hassman

La fille, le premier roman de Tupelo Hassman, m’avais laissé une très forte impression. Plus de cinq ans ont passé depuis sa publication. Son deuxième roman arrive enfin. Ai-je besoin de te dire à quel point je l’attendais?

Rosary, Californie. Comme paysage, des quartiers industriels, des églises, des maisons de retraite et une décharge de pneus. Une droite religieuse surplombe les chaumières, contrôle jusqu’à l’accès à Internet.

C’est là que vit Helen, une jeune adolescente marquée par la mort de sa mère. Elle vivote entre son père facteur, sa tante Bev et sa bande d’amis, des «accrocs dans l’uniformité de Rosary». Entre les cours, Helen écluse des bières, lit des romans pornos avec son meilleure ami et sa sœur, fantasme sur le bad boy de la bande. Elle tient les comptes dans la boutique de sa tante diseuse de bonne aventure et fait du bénévolat (obligatoire) dans une maison de retraite. Elle colore son quotidien grisâtre du mieux qu’elle peut.

Comme dans La fille, toutes l’adolescence est dépliée sous toutes ses coutures: les premiers spasmes amoureux, les amitiés indéfectibles, l’identité floue, le désoeuvrement et la fleur de peau. 

Une intrigue décousue traverse les courts chapitres. Il n’y a aucune ligne directrice à laquelle s’accrocher. Plutôt qu’une trame narrative continue, le roman se développe en enchaînement de scènes et de vignettes. Ça ne m’a pas dérangé outre mesure. Quoiqu’en arrivant autour de la page 200, j’ai hésité à poursuivre. Je me suis relevée les manches et j’ai attaqué la suite, ce qui en valait la peine. Lorsque j’avais l’impression que ça se mettait trop à dérailler, des images saisissantes me remettaient sur les rails.

Je sais que c’est bizarre de se retrouver responsable des douches de son père et de le convaincre de passer d’une activité à l’autre, d’être son soleil du matin, le pli de son uniforme et la lame aiguisée du rasoir qui lui gratte le cou. Je sais qu’il existe des programmes d’aide pour les filles de pareils pères. Même à Rosary. Mais pour y avoir accès, ne serait-ce que pour en franchir le seuil et encore plus pour lever la main et donner son nom, il faut d’abord survivre à son enfance et, la plupart du temps, cela signifie aussi que le père doit aussi survivre. Alors, on gère la douche.

Tupelo Hassman navigue dans le monde de l’adolescence avec une aisance stupéfiante. La justesse des émotions est remarquable. Les personnages sont colorés et bien en chair, à l’abri des stéréotypes trop souvent accolés à cet âge. C’est précisément le genre de roman que j’aurais aimé lire dans mon jeune temps. Je le déposerai, en catimini, sur la table de chevet de mon ado délurée. On ne sait jamais ce que ça peut donner!

Des dieux sans majuscule, Tupelo Hassman, trad. Laurence Kiefé, Christian Bourgois, 2021, 448 p.

Rating: 3 out of 5.

© unsplash | Boris Misevic

14 comments

  1. J’ai commencé ton article en me disant que je devais absolument lire ce livre et puis, le manque de ligne directrice, ton envie d’abandon, me freinent un peu… Et si j’essayais plutôt La fille ?

    1. Tente, tente! Certaines images sont très très fortes. J’ai eu les yeux dans l’eau aux passages entre le père et la fille. Quant à cet ado qui ravale son vomi… Tu verras bien!

    1. C’est bien, ça, les a priori subjectivement positifs! Tu fais bien de reluquer du côté de la fille. Quant à moi, je file lire ton billet. Ça m’intrigue…

  2. Encore une tentation, mais je rejoins les autres lectrices, je vais plutôt commencer par « La fille » !

  3. Je n’avais jamais entendu parler de cette auteure et ton billet m’intrigue 🙂 Mais comme tu sembles avoir eu un peu une lecture en dents de scie, je vais faire comme les consoeurs et aller voir du côté de La fille !

    1. Le titre, la couverture et l’histoire m’intriguait. Surtout qu’il s’agissait de son deuxième roman. Pour la suite, je suis restée sur ma faim…

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