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Devenir quelqu’un · Willy Vlautin

J’aime Willy Vlautin. Je l’aime, je l’aime, je l’aime. Tu me pardonneras mon entrée en matière. Je m’emporte, là! Tous les romans de Willy sont près de moi. Je les ai tous lus. Willy appartient à ces rares auteurs qui font partie de moi, que j’apprécie tant pour leurs qualités que pour leurs défauts.

Le Devenir quelqu’un du titre du cinquième roman de Willy s’applique à Horace Hopper, un métis mi-irlandais, mi-indien païute dans la jeune vingtaine. Abandonné par sa mère, sans père, il a grandi près de sa grand-mère jusqu’à l’adolescence. Inapte à prendre soin de son petit-fils, elle l’a confié à un couple d’éleveurs de moutons du Nevada, les Reese. Horace est un bon garçon, un travailleur acharné, débordant de reconnaissance envers sa famille d’accueil. Mais il est brisé. Et il a honte de ses origines. Il ne se sent personne, que deux moitiés raboutées. Il veut devenir quelqu’un. Pourquoi pas un grand boxeur professionnel? À vingt et un ans, il quitte le ranch, prend son rêve à bras-le-corps et part à sa propre conquête. S’il compte bien revenir au ranch un jour, ce sera la tête haute, en vainqueur. Si Horace constitue la pierre angulaire du dernier roman de Willy Vlautin, à mes yeux, ce sont les Reese, Eldon et Louise, qui donnent toute sa chaleur au roman. J’ai eu un coup de foudre pour ce vieux couple amoureux. Leur bienveillance, leur bonté, leur complicité, leur amour pour Horace m’ont empoigné le cœur. Ils sont pétris de bons sentiments.

La fin abrupte du roman m’a désarçonnée. Je le sentais que ça finirait mal. Mais de quelle façon? Je n’ai pas pensé un seul instant que ça prendrait cette tournure. Le cœur empoigné, encore une fois. Aucune longueur, aucun rebondissement douteux. La langue est sans artifice ni surcharge d’ornementation. La traduction d’Hélène Fournier rend bien l’essence du texte. Willy ne fait jamais dans la guimauve ni dans le lacrymal. J’ai une fois encore retrouvé ce que j’apprécie tant chez lui: son côté profondément humain, son univers dans lequel la bienveillance est omniprésente. C’est bien sûr un grand roman sur la boxe. Pas besoin d’avoir des affinités avec ce sport pour apprécier le roman. Par-dessus tout, il s’agit d’un grand roman sur l’empathie, sur ces petits actes de bonté qui adoucissent la vie. Poignant du début à la fin. Un de ces romans – beaucoup trop rares à mon goût – porteurs d’une grande humanité et d’une insigne beauté.

La vie, en elle-même, est un fardeau bien cruel car nous savons tous que nous venons au monde pour mourir. Nous naissons avec un regard innocent, mais ce regard finit inéluctablement par se poser sur la douleur, la mort, la fourberie, la violence, le chagrin.

C’est épuisant de passer son temps à se haïr et à essayer d’être ce que l’on n’est pas. Ça laisse des traces.

Devenir quelqu’un, Willy Vlautin, trad. Hélène Fournier, « Terres d’Amérique », Albin Michel, 2021, 283 p.

Rating: 5 out of 5.

© unsplash | Nemesia Production

18 comments

  1. Et ben, tu n’y vas pas avec le dos de la cuillère… on peut dire que tu lui voues un amour inconditionnel… J’avais lu il y a peu de temps une critique très mauvaise de son dernier livre…alors j’hésitais, je me disais « vaut-il le coup ? » et tu viens de balayer mes doutes d’un revers de main, avec tes mots, tout simples mais qui disent combien tu as aimé ce livre…

    1. En même temps, dès qu’il s’agit de Willy Vlautin, je perds toute objectivité. Je pourrais bien trouver quelques défauts ici et là, mais pas la peine d’en parler!

  2. Plus que ravie de te lire – quel merveilleux billet plein d’amour et de vie – car je l’ai acheté mercredi dernier ! Hâte de m’y plonger. Ce sera mon premier Willy Vlautin.

    1. J’espère vraiment qu’il te plaira. Je trouve que c’est un excellent choix pour découvrir son oeuvre. Je vais rester à l’affût!

      1. Ravie que ce soit une bonne entrée dans son oeuvre. J’ai aussi acheté le Kent Haruf que tu m’as conseillé, Le chant des plaines 😀 A ton avis, je commence par lequel ?

        1. Ah, deux romans tellement réconfortants (dans le bon sens du terme!). J’aurais tendance à commencer par Willy, un brin moins «dépaysant». Mais l’un ou l’autre, c’est tout bon! J’adore ces deux auteurs!

  3. Comme Krol j’ai lu récemment des avis plus mitigés. Une lecture qui ne me tentait pas de prime abord par le milieu (la boxe) mais tu me donnes envie de le glisser malgré tout dans un coin de ma mémoire 🙂

    1. D’autant plus que la boxe, ici, n’est pas si omniprésente. Un passage obligé, mais non fondamental.
      C’est comme avec les romans où il est question de surf. J’ai horreur de l’eau; alors imagine! Pourtant, j’avais beaucoup apprécié Jours barbares de William Finnegan.

  4. ça c’est de l’enthousiasme ! Et le moins que l’on puisse dire c’est que tu sais t’y prendre pour donner envie 😉

  5. Celui-là me tente beaucoup! Il est sur ma liste à lire éventuellement. J’avais adoré La route sauvage.

    (C’est chouette que tu sois sur WordPress maintenant, c’est beaucoup plus facile de laisser un commentaire chez toi 😉 )

    1. Si tu avais adoré La route sauvage, attends un peu de lire celui-ci! Il est un gramme plus fort et prenant!

      Tant mieux si WordPress facilite le tout. J’ignorais que c’était compliqué avec Blogger. Quoiqu’il en soit, WordPress est beaucoup plus convivial que je ne le pensais. J’appréhendais le changement comme une montagne, et ça s’est révélé comme une petite butte! Pour le mieux, quoi!

        1. Oui, ça presse! Mais… je ne mets pas de pression, là. De mon côté, j’ai aussi une réparation à faire! Lire ton Pete Fromm!

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