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Fay · Larry Brown

Mission accomplie: j’ai terminé la lecture de mon pavé estival. Après le sublime Père et fils et le bouleversant Sale boulot, j’ai poursuivi mon exploration de l’oeuvre de Larry Brown. Je n’irai pas par quatre chemins: Fay m’a laissé un arrière-goût que je m’efforce de chasser.

Qui est cette Fay? Une ado de dix-sept ans, très très jolie et mal partie dans la vie. Sans éducation, elle a travaillé tôt les pattes à terre dans les champs avec ses parents. Elle n’a pour ainsi dire rien vu du monde. N’en pouvant plus des mains baladeuses de son père, elle fuit sa vie de misère, laissant derrière elle une mère éteinte, un frère et une soeur. Elle s’élance sur les routes du Mississippi, à la poursuite désespérée d’un meilleur avenir.

Voyant Fay faire du pouce, le bon policier Sam Harris s’arrête à sa hauteur. Il la cueille comme une fleur et la ramène à la maison, où sa femme Amy se lie avec elle. Un enchaînement de coïncidences tragiques met subitement fin à ce semblant de famille équilibrée. Fay n’a pas le choix: elle doit reprendre la route, sans un mot pour Sam, qu’elle aime d’amour.

Sa rencontre avec Rena, qui vit dans une caravane avec ses deux jeunes enfants, lui en révèle gros sur la vie. Au bar topless où travaille Rena, Fay fait la rencontre d’Aaron Forrest, le doorman de la place et dealer de drogue. Ce viking roux en pince pour Fay. Pour la première fois de sa vie, il éprouve de l’amour pour une femme. Il lui offre un toit et ses bras protecteurs. Mais Fay n’a jamais oublié Sam. À la fois victime et coupable, Fay se fait balloter d’un bord à l’autre au gré des rencontres et des évènements. Misère un jour, misère toujours?

Larry Brown fait partie de mes auteurs préférés. En entamant ces quelques 500 pages, je m’attendais à passer un sublime moment de lecture. Sapristi que c’était long. Beaucoup trop long. La Fay de Larry Brown m’a laissé complètement indifférente. Impossible d’éprouver la moindre empathie envers elle. C’est le seul roman de Brown dont le personnage principal est un personnage féminin. Il a le tour avec les personnages féminins. Là n’est pas le problème. Ce qui m’a le plus horripilée, c’est que les relations entre les hommes et les femmes sont toutes cousues sous le même modèle: si l’homme protecteur sort le cash, la femme ouvre les jambes avec gratitude. Lorsque Fay tombe sur Sam ou Aaron, elle tient pour acquis qu’ils s’occupent d’elle. Lorsqu’elle se fera abuser par un beau parleur mal intentionné, Aaron la vengera de façon radicale en tirant à bout portant sur l’avion de l’homme en question!

Autre agacement: il y a tellement de bière dans ce roman qu’il s’en dégage une odeur du houblon. Sans parler du whisky. Ça boit comme des tuyaux percés et ça conduit toujours avec une bouteille entre les jambes. Pis ça fume comme des cheminées. Je n’ai rien contre la picole et la nicotine. Mais y’a toujours ben des maudites limites! Pour que ça m’achale à ce point-là, il faut que ça soit beurré épais!

Contrairement à Père et fils et Sale boulot, le style, ici, est beaucoup trop descriptif à mon goût. La grande minutie du détail qui m’avait tant plu dans Père et fils m’a, ici, quasiment causé une indigestion. Il y a détails et Détails. C’est vrai que pour remplit plus de 500 pages, il fallait détailler!

Dommage que le passé familial de Fay ne soit que survolé de haut: un père abuseur, une mère fantomatique, un frère et une sœur dont on ne sait rien. L’invraisemblance de certains épisodes m’a étonnée, surtout venant de Larry Brown. Son habituelle justesse impitoyable m’a semblé, ici, faire défaut. Je n’ai pas retrouvé, dans Fay, le fin observateur de l’âme humaine que j’apprécie tant.

Un peu de positif, quand même! La façon dont Larry Brown décrit son Sud profond est magistrale: la chaleur suffocante, les champs à perte de vue, les balles de foin, les routes poussiéreuses, les stations d’essence et les drive-in… J’avais l’impression d’y être.

Joe sera le prochain roman de Larry Brown que je lirai. Je viens de découvrir qu’il est souhaitable de lire Joe d’abord pour comprendre ce qui a fait fuir Fay. Ben coudonc, on dirait bien que je fais encore les choses à l’envers!

Fay, Larry Brown, trad. Daniel Lemoine, Gallmeister, «Totem», 2017 [première parution: 2000], 560 p.

Rating: 2 out of 5.

© unsplash | Ian Liberry

28 comments

  1. Bon, je vais faire les choses à l'envers moi aussi. J'ai acheté Fay l'automne dernier. ça me semblait prometteur. Mais je n'a aucune envie de lire Joe après avoir vu la moitié du film et l'avoir abandonné…Bon, je lirai quand même Fay! Qui sait, peut-être que j'aimerai! 😉

  2. C'est le genre d'histoire qui me plairait mais pas envie de m'aventurer dans un roman de 500 pages pour en sortir déçue!

  3. Je l'ai sur ma PAL depuis des lustres, à peine commencé et j'ai dans l'idée qu'après ton billet, ça ne va pas s'arranger ! surtout si c'est trop long et \ »beurré épais\ » !!

  4. Tu sais que je l'ai dans une vieille édition depuis fort longtemps, mais j'ai Joe donc je vais lire celui-ci en premier et oui, coudonc tu t'es encore trompée ! LOL dommage, mais bon c'est comme le vin, des bons crus et des moins bons … mais si tu te plains de la nicotine, ça m'inquiète …..je n'ai jamais reçu ton commentaire, ressaisis-le donc !Bises de H. à M 😉

  5. Eh bien, en effet , beaucoup de réserves dis donc. J'ai Joe à la maison. Je commencerai donc par lui. Bien curieuse de lire Fay pour me faire mon avis. J'adore la bière…il vont me faire envie ! :-). Et en plus je fume plus depuis 2 ans. Tu crois qu'il me fera replonger ou me dégoûter à vie ? 🙂

  6. J'ai tellement detesté ce roman que je ne veux plus relire un seul roman de cet auteur. Il m'était si insipide, si ennuyant comme tu le dis que je l'ai même abandonné alors que ça ne m'arrive que très rarement.

  7. Oh boy! J'ai vu que \ »Joe\ », le film était sorti, mais je préfère lire le roman d'abord.Qu'est-ce qui a fait que tu as abandonné le film à la moitié?

  8. J'ai Joe et Fay dans ma PAL, je ne savais pas qu'il y avait un ordre de lecture tu me l'apprends ! J'espère apprécier plus que toi, j'ai tellement eu un coup de cœur avec Sale boulot que j'espère maintenant ne pas être déçue… On verra !

  9. La chance de découvrir \ »Joe\ » avant \ »Fay\ ». Si j'avais suivi le bon ordre, peut-être mon «ressenti» aurait été autre!Si je chiale après la nicotine, c'est dire à quel point elle est omniprésente, hein!Je retourne sur ton blogue. Commentaire prise 2.Et… bises à H. de M 😉

  10. Je pense que commencer par \ »Joe\ » peut changer la donne. De connaître l'avant \ »Fay\ » peut aider à mieux connaître la fille et plus à même de comprendre ses actions. Moi, j'ai horreur de la bière et de son odeur! Donc, je le lisais avec la nausée au bout des lèvres. Il me faut du cidre ou du vin! Pour la clope… Il me faudrait ton ou tes trucs. Je suis prise avec cette dépendance depuis trop trop longtemps.Le seul conseil en lisant \ »Fay\ », c'est de ne pas ouvrir une bière à chaque fois qu'ils en ouvrent une. Tu risques l'alcoolisme…

  11. MDR «insipide, si ennuyant», rien de moins? De toute évidence, cet auteur n'est pas pour toi. J'ai aussi de ces auteurs que je n'ai plus aucune envie d'approcher. Ils sont sur ma liste noire! Ça arrive…

  12. Oui, on verra bien. Je crois que de commencer par \ »Joe\ » permettra d'apprécier \ »Fay\ » davantage.\ »Sale boulot\ » est, à mon avis, son meilleur roman, par le sujet et sa façon de le tricoter. \ »Père et fils\ » est aussi excellent. J'espère qu'il sera repris dans Totem…

  13. Je ne sais pas trop. J'ai trouvé ça long… tellement long. Et un peu ennuyant en fait. Je ne sais pas ce que vaut le livre par rapport au film, ni si c'est très fidèle. Tu me le diras toi, si tu le lis et le regarde!

  14. C'est triste d'être désappointée par le livre d'un auteur dont on s'attendait qu'il nous plaise. Jamais lu cet auteur, mais tellement d'autres en attente dans le domaine américain… Pour l'instant, je suis dans le docu-fiction une française qui parle de Youri Gagarine : l'étoile russe d'Anne-Marie Revol, et à cette époque-là, les américains, c'était la bête noire!!!

  15. Promis, je serai sage…Quant à la clope, j'ai une histoire un peu atypique avec elle. On en reparlera si tu veux. Mais quel bonheur de ne plus être dépendante 🙂

  16. C'est vrai, tu as raison… \ »Père et fils\ » est déjà en Totem. Je l'ai lu en version Gallimard grand format. D'où la confusion.

  17. J'imagine, oui, à quel point les Américains étaient mal vu. Tu m'intrigues, là. Fan de littérature américaine, je suis curieuse de lire autre chose présenté de l'autre côté!

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