Un roman groenlandais? Il m’est forcément venu à l’esprit la neige à perte de vue, le froid extrême, les icebergs, les igloos, les chiens de traîneau, les ours et les phoques. Rien de tout cela dans Homo sapienne, le premier roman d’une jeune Groenlandaise. On est loin, ici, du paysage de carte postale.

Ils sont cinq jeunes à vivre à Nuuk, capitale du Groenland. Cinq jeunes qui prennent la parole à tour de rôle. Fia, d’abord. Elle met un terme à sa relation avec Peter. Sexuellement, ça ne marche pas. Ça n’a jamais marché. La tension qui l’habite lorsqu’elle rencontre Sarah l’amène à reconnaître qu’elle préfère les femmes aux hommes. Fia sort du placard. Vient Inuk, le frère homo de Fia. Inuk a fui au Danemark. Ayant honte d’être Groenlandais, il veut faire sa vie ailleurs. Surtout qu’il est dans l’eau chaude depuis que la relation secrète qu’il entretenait avec un député marié est devenue une affaire publique. Au tour d’Arnaq. Abusée sexuellement par son père, elle passe sa vie à demander de l’argent à ses parents, s’étourdit et fuit la réalité dans l’alcool et les liaisons sans lendemain. Vient ensuite Ivinnguaq, appelée Ivik. Sa relation avec Sara est conflictuelle. Ivik refuse d’être touchée. Sa crainte d’être rejetée et abandonnée l’empêche de s’avouer qui elle est vraiment: un homme emprisonné dans un corps de femme. Sara l’aidera à se dévoiler.
Le roman se termine avec cette dernière. Sara se remet difficilement de la fin de sa relation avec Ivik. Fia et la naissance de sa nièce l’aident à mettre un baume sur ses cicatrices et à aller de l’avant. Ils sont amis, amoureux, frère et sœur. Ils ont en commun le désir d’aimer et d’être aimé, de se trouver et de s’accepter tels qu’ils sont. Être enfin eux-mêmes. Et ce, en dépit des conventions sociales et des vois tracées de la norme.
Les romans groenlandais se comptent sur les doigts de la main. Homo sapienne est le premier roman d’une nouvelle génération d’auteurs. Vendu à plus de 3000 exemplaires sur une île comptant 55 000 habitants, le roman de Niviaq Korneliussen est un best-seller au Groenland. Le portait d’une génération dépeint par Niviaq Korneliussen est criant de vérité. Chaque personnage a sa propre voix, sa propre sensibilité. La quête identitaire les unit. La peur d’être seul, le besoin d’être accepté, la honte et la culpabilité, le désir et le sexe, les doutes et les désirs font partie de leur quotidien. La vie nocturne, les beuveries, les afterhours, les lendemains de veille et les gueules de bois occupent leur temps.
La principale originalité du roman tient en ce que Niviaq Korneliussen s’amuse à mélanger les langues (français, anglais, groenlandais) et les formes de discours (correspondance, journal intime, réseaux sociaux: #, échanges de textos, Facebook). Le résultat, d’une modernité incontestable, m’a légèrement déroutée, voire agacée (particulièrement le mélange des langues). La musique jour un rôle non négligeable dans le roman. Chaque chapitre porte le titre d’une chanson («Crime & Clover de Joan Jett and the Blackhearts, «Home» des Foo Fighters, «Walk of Shame» de P!nk, «Stay» de Rihanna, «What a day» de Greg Laswell), soulignant l’état d’esprit propre au personnage dont il sera question. Roman urbain? Social? Féministe? Qu’importe la classification. Il s’agit là d’un roman important. Un roman audacieux, porté par un style cru et vibrant.
Homo sapienne, Niviaq Korneliussen, trad. Inès Jorgensen, La Peuplade, 2017, 232 p.
Malgré la \ »modernité\ » qui semble un peu artificielle, je pense que la curiosité l'emportera en ce qui me concerne !
Je le veux 😉
Comment résister après un tel billet :)Moi aussi je le veux…
Merci de sortir de l'ombre ce genre de roman venu d'un ailleurs totalement inconnu (pour moi!)
Noté quand ils avaient à peine commencé à évoquer sa traduction, bien avant qu'il soit publié! Ce livre est vraiment intéressant à tous points de vue! Je compte le lire aussi.
Je suis très curieuse de le lire même si je ne sais pas du tout s'il me plaira. Le Groenland, les quêtes identitaires et la diversité sexuelle, c'est oui! Les beuveries, les gueules de bois et le mélange des langues, je ne suis pas certaine… À tenter !
C'est une expérience de lecture, pas tant dépaysante que déstabilisante!
Inconnu pour moi aussi. Une belle découverte, en tout cas! Je t'avoue, cependant, que s'il n'était pas écrit par une jeune auteure groenlandaise, il n'aurait pas eu le même impact pour moi et serait sans doute passé dans le beurre. Sa force vient de sa rareté.
J'ai bien hâte de savoir ce que tu vas en penser. J'ai comme un doute… Mais tu pourrais me surprendre!
Ce sera pile ou face. Oui, à tenter. Le mélange des langues n'est pas tant agressant, ça passe assez bien. Pour le reste, c'est à toi de voir. Une chose est sûre, la diversité des narrateurs fait en sorte qu'on s'attache plus à certains qu'à d'autres…
Et tu l'auras!
Pour moi, toute la force de ce roman vient du fait qu'il s'agisse d'une jeune auteure groenlandaise et que le roman a fait un tabac au Groenland et au Danemark. Un exception. Reste que l'intrigue pourrait se passer n'importe où et alors, le roman n'aurait pas du tout la même force. Le roman n'a rien d'exceptionnel en lui-même. Ici, c'est l'origine de son auteure qui compte avant tout, du moins pour moi.
Un roman groenlandais… C'est la curiosité des curiosités ça ! Et tu donnes sacrément envie de le découvrir !
La bonne nouvelle? La Peuplade s'en vient par chez vous. À partir de mars 2018, il vous sera possible de mettre la main sur toutes ces pépites qui me font chavirer!
En vrai..?! La peuplade en France…..�� Ça va être Noël en mars :))
Je te dirai 😉
il a l'air particulier ce livre! mais effectivement un roman groenlandais ça peut être intéressant!
Etre dans l'eau chaude… c'est une expression de chez toi? J'aime beaucoup, mais j'aimerais quand même bien savoir ce que ça veut dire…Trève de \ »moquerie\ », je trouve ce roman très intéressant. On a une vision étroite d'un Groenland très \ »folklorique\ » qui me fait penser aux films éducatifs qu'on nous montrait à l'école primaire (les glaciers, les igloos, les peaux de phoque, tu vois) et ce roman casse cette image qui a vécu. Et c'est nécessaire. Je ne dis pas que je le lirai vu l'état de ma PAL, mais avec plus de temps, je serais tentée…
Oui, Noël en mars. Enfin pour vous!
Il est à lire surtout par sa rareté, plus que par son originalité et ses qualités littéraires.
Je pensais qu'être dans l'eau chaude était connu et commun! Ça signifie être dans une situation difficile.C'est exactement ça: «ce roman casse cette image [folklorique] qui a vécu». Et, ne serait-ce que pour cette raison, ce roman est à découvrir.
Il est dans le petit colis!!!
Et c'est pour cette rareté justement que je veux le découvrir à mon tour.
J'ai hâte d'avoir ton avis… Je me demande bien ce que tu vas en penser, au final!
Je reviens lire ton billet car je pense m'acheter la version poche de ce roman !
Écoute, je serais bien en peine de te dire «fonce». Avec le recul, je suis plus réservée, voire mitigée. Mais au final, je pense que c'est un roman à lire! Je suis pas claire claire, là, hein?!La couverture choisie pour la version poche est moins provocante que celle du grand format, n'empêche que je la trouve magnifique et que je craquerais si je ne l'avais pas déjà lu.