J’ai lu Le journal d’Edith à la suite d’un commentaire intriguant laissé par Sylvie sur mon billet acrimonieux sur L’inconnu du Nord-Express. Je n’aurais pas cru remettre ça de sitôt avec Patricia Highsmith. Dire que le résumé du Journal d’Edith m’a agrippée serait peu dire. Je suis entrée dans ce roman sur la pointe des pieds, remplie de bonnes intentions.
Le roman raconte la vie d’Edith Howland, de son mari Brett, et de leur fils, Cliffie, qui quittent Manhattan au milieu des années 1950 pour une vie de banlieue en Pennsylvanie. Les années passent et Édith se sent de plus en plus à l’étroit dans sa cage dorée. Son couple chavire, son mari part avec sa secrétaire, son fils est un grand flanc mou alcoolique qui patauge dans son malaise existentiel, le vieil oncle grabataire qu’elle héberge est un lourd fardeau. Les soupers entre amis, la sculpture, les articles publiés dans des journaux, tout a un arrière-goût amer. Heureusement, Edith a son journal intime, dans lequel elle se crée une vie idéale, à la hauteur de ses attentes. Ce qu’elle ignore, c’est que la réalité reprend toujours ses droits.
Le journal d’Edith raconte la vie d’une femme ordinaire. Patricia Highsmith dit avoir écrit ce roman en imaginant ce qu’aurait été sa vie si elle avait accepté la demande en mariage qui lui avait été faite lorsqu’elle était jeune! L’intrigue est d’une banalité affligeante. C’est voulu ainsi. Les personnages féminins ont le beau rôle. Les femmes sont fortes et indépendantes (ou tentent de l’être), la grand-tante Mélanie en tête, alors que les hommes sont exécrables.
Le roman n’a pas pris une seule ride. L’existence d’Edith pourrait être la mienne, la tienne, et c’est ce qui est le plus terrifiant. L’intrigue est orchestrée de main de maître. Toute en simplicité et quotidienneté, la lente descente aux enfers d’Edith est de plus en plus glaçante. Pas de grands revirements, ici. C’est l’effet global qui frappe, une fois la dernière page tournée. Déprime garantie. Dans ce roman de la désillusion, la vie se révèle une effroyable déception. Un bijou, que ce roman!
Le journal d’Edith, Patricia Highsmith, trad. Alain Delahaye, Livre de poche, 1992, 480 p.
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Pas rigolo, tout ça ! Et oui, quand on se demande « Que se serait-il passé si… » ça peut faire froid dans le dos.
Grâce à ce roman, je me réconcilie avec Highsmith. Pas rigolo pour deux cennes, en effet, mais le tout, une fois la dernière page tournée, se révèle d’une effroyable efficacité. Je suis impressionnée!
Tu en parles parfaitement bien. Je l’ai lu il y a quelques années maintenant, mais je me souviens d’une emprise psychologique totale sur moi. Je pensais sans cesse à Edith les quelques jours qu’a duré ma lecture.
Pour toi, une belle réconciliation avec Highsmith. On peut dire qu’elle nous met dans tous nos états avec ce roman, un de ses meilleurs!
Il a eu le même effet sur moi. Edith et sa vie me trottaient constamment dans la tête. Arriver à créer un tel effet avec une intrigue aussi banale? C’est tout un exploit. Merci encore pour cette recommandation.