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Les lois du ciel · Grégoire Courtois

J’ai rarement peur. En fait, ça m’en prend beaucoup pour frémir ou sursauter. Ça ne m’arrive pas souvent, mais j’avais envie d’avoir peur! J’ai pris Troupe 52, le roman d’horreur de Nick Cutter, mais j’ai plutôt souri une fois les premières pages lues. N’ayant cru ni à la prémisse du roman ni au fondement de l’intrigue, je l’ai abandonné en cours de route. J’ai mis la main sur Les lois du ciel de Grégoire Courtois, intriguée, curieuse. Une escapade en forêt avec des enfants? C’était de bon augure! Après la lecture du premier chapitre, je savais que mes nerfs seraient mis à rude épreuve.

Douze enfants de la classe de cp de l’école de Claincy dans l’Yonne partent deux jours en excursion. Pour veiller sur eux, il y a Frédéric, leur instituteur, Sandra et Nathalie, deux mères accompagnatrices. Bien assis dans l’autobus, les enfants disent au revoir à leurs parents.

À peine les gamins sont-ils descendus de l’autobus que l’atmosphère s’alourdit insidieusement: un enfant écrase un escargot, une mère a la gastro. Le cauchemar commence lorsqu’une des deux mères se perd dans la forêt. Il se poursuit quand les deux occupants d’une voiture se noient dans un étang. Mais il y a pire: un enfant fracasse le crâne de son enseignant à coups de pierre.

Cet enfant, c’est Enzo. «Enzo était le caïd, la terreur qu’il fallait éviter à tout prix et dont les seuls amis n’étaient en fait que des gamins aux personnalités effacées qui lui servaient d’esclaves et de souffre-douleur volontaires.»

Enzo est un volcan qui entre en éruption. Son père a passé sa vie à se défouler sur lui, avec «ses punitions stupides, ses éclats de voix incompréhensibles, ses gifles et ses coups de pied qui tombaient sans qu’on sache jamais pourquoi, ses insultes, ses humiliations, sa détestable habitude de toujours traiter son fils comme un imbécile, un faible, un bon à rien.» Pour Enzo, cette sortie de classe sera l’occasion de mettre un terme à toutes les vacheries qu’il a encaissées. Sa vengeance sera impitoyable. Personne n’en sortira vivant. Pas même lui.  

Le punch des Les lois du ciel est vendu dès les premières pages. Dès le premier chapitre, c’est écrit noir sur blanc: personne ne sortira vivant de cette histoire. L’intrigue fonctionne précisément grâce à ce choix narratif. Tout le suspense est contenu dans qui sera le prochain à mourir, et comment. Un auteur doit avoir une sacrée dose d’imagination pour faire mourir quinze personnages séparément. Tantôt noyé, tantôt assommé, tantôt manger par un sanglier, etc.

Avec une grande économie de mots, Grégoire Courtois a réussi à me faire ressentir le froid, la faim, l’obscurité, les bruits qui surgissent dans la nuit. À lui seul, l’avant-dernier chapitre a bien failli m’achever. Grégoire Courtois interpelle son lecteur au passage. Le message est clair, sans équivoque:

L’image odieuse d’une forêt, plongée dans la noirceur d’une nuit anodine, et de laquelle s’élèvent les appels au secours de ces enfants livrés à eux-mêmes, de ces enfants qui meurent, ou qui vont mourir, et pour le salut desquels vous ne pouvez rien. Voilà votre lot, et voilà le leur, des rôles tragiques qu’il conviendra à chacun de tenir du mieux qu’il pourra, jusqu’à la dernière page.

J’ai bien tenu mon rôle de lectrice haletante, et ce, jusqu’aux derniers mots. Inévitablement les ficelles m’ont parfois parues un peu grosses. Je n’ai pas pu m’empêcher de lever les yeux au ciel à quelques reprises devant la facilité de certaines morts. N’empêche, Les lois du ciel est un page turner d’une efficacité redoutable. Un roman impitoyable, sanguinolent, barbare. À situer entre La petite fille qui aimait Tom Gordon de Stephen King et Hansel et Gretel des frères Grimm. Côté terreur, j’en ai eu pour mon argent! Me voilà rassasiée pour un bout.

Grégoire Courtois n’en est pas à ses premières armes dans le monde littéraire. Ce Français, qui vit et travaille en Bourgogne, a déjà publié deux romans au Quartanier, en plus d’être le propriétaire de la librairie Obliques, à Auxerre.

Les lois du ciel, Grégoire Courtois, Le Quartanier, 2015, 208 p.

Rating: 3 out of 5.

© unsplash | Felicity Mikellides

14 comments

  1. ça me rappelle la lecture des Démoniaques – meurtre, inceste, pédophilie… et un très bon page-turner ! Là j'ai pensé à Agatha et ses 12 petits … paf paf paf 😉

  2. Zut, ma libraire me suggérait Troupe 52 mais j'avoue que ce livre est très intéressant. Un enfant qui écrase un escargot, tiens ça me rappelle le livre d'une auteure italienne que j'ai découvert sur ton blog hi hi.

  3. Tu as mis la main sur \ »Troupe 52\ »? Si oui, je suis curieuse de savoir ce que tu en auras pensé… Une auteure italienne??? Laquelle?!

  4. Non, je n'ai pas encore lu Troupe 52 mais il me tentait.Je parlais de Maria Paola Colombo, le livre Entre deux silences. Cica s'occupait d'un escargot dans les toilettes, il était un peu comme son seul ami dans le camp de vacances. Bon désolé, c'est un évènement anodin mais j'ai eu un flash quand tu as mentionné ça. Mémoire sélective lol.

  5. Oh oui, Maria Paola Colombo. J'espère tellement un nouveau roman… Je viens de relire mon billet et réalise à quel point ce roman, passé inaperçu, m'a marquée.Par ailleurs, entre \ »Troupe 52\ » et \ »Les lois du ciel\ »… Tu connais mon point de vue! N'empêche que les critiques pour \ »Troupe 52\ » sont assez positives. Moi, je suis passée complètement à côté!

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