Ça faisait un bon bout de temps que je voulais découvrir l’œuvre du Canadien anglais Thomas King. Si l’auteur est peu connu au Québec (et en France), sa popularité dans le reste du Canada est incontestable. J’ai pris le taureau par les cornes et décidé de procéder chronologiquement. J’ai mis la main sur Medicine River, son premier roman, dès que je l’ai vu sur les tablettes de la librairie Hannenorak de Wendake.

À quarante ans, Will mène une petite vie pépère à Toronto. Il travaille dans un studio de photo et entretient une relation chaotique avec une femme mariée. Lorsqu’il reçoit un coup de téléphone de son frère James lui annonçant la mort de leur mère, Will rentre illico à Medicine River, une petite ville à deux pas d’une réserve Blackfoot, en Alberta.
De retour à Toronto après l’enterrement de sa mère, Will se retrouve au chômage. Il vivote quelques mois et réfléchit à l’idée d’Harlen Bigbear, une vieille connaissance, de revenir s’installer pour de bon à Medicine River afin d’ouvrir un studio de photo. Harlen a su le convaincre que les habitants de Medecine River avaient besoin d’un nouveau photographe, Indien de surcroît!
Will rentre au bercail. Il se fait à sa nouvelle vie et prend part au quotidien de la petite communauté tissée serrée. Il se retrouve, souvent bien malgré lui, embarqué dans de singulières aventures au côté d’Harlen. Malgré sa résistance, Will est une marionnette entre les mains de son ami, ce qui provoque de drôles de malentendus et quelques petites manipulations. Parce qu’Harlen, qui a le nez fourré partout, a le don d’emberlificoter son monde. D’une façon ou d’une autre, il est rare qu’il n’arrive pas à ses fins. Pour le meilleur et pour le pire – qui n’est pas si pire pantoute!
Chaque chapitre de Medicine River renferme une histoire qui raconte un pan de la vie passé et présente de Will. Aussi, pas de ligne directrice ici. Le roman se bâtit d’histoires en histoires, jusqu’à dresser un portrait d’ensemble de la vie de Will et des membres de sa communauté. Un savoureux patchwork. Thomas King est un redoutable conteur. Tout au long du roman, une critique sociale bien aiguisée est distillée en douce, revêtue d’humour. Il a une façon bien à lui d’aborder les liens complexes qu’entretiennent les Blancs et les Indiens. L’humour présent au fil des pages est tout simplement jouissif. Le ton est cinglant, mordant, hilarant. Les dialogues en sont imprégnés. Medicine River se révèle un roman rafraichissant, loin de ceux qui dressent un portrait sombre et misérabiliste des Indiens d’aujourd’hui. Pas de folklore ici, ni de nostalgie du retour aux sources.
Medicine River est habité par une fourmillante galerie de personnages, tous plus pittoresques les uns que les autres. Si Will est un personnage «mou», qui se laisse porter par la vie, Harlen Bigbear prend toute la place. Les femmes ne sont pas en reste. Louise, la mère monoparentale, est un beau modèle de femme indépendance. Toutes les femmes dans le roman se sont retroussées les manches à un moment ou l’autre de leur vie, évitant de pleurnicher sur leur sort. Cette première incursion dans l’univers de Thomas King s’est révélée être un pur régal. Un seul bémol: la traduction m’a agacée à quelques reprises.
Medicine River, Thomas King, trad. Hughes Leroy, Albin Michel, «Terres d’Amérique», 1997, 256 p.
© unsplash | Daniel Novykov
Je note !
voilà un roman pour moi. Par contre tu me refroidis un peu avec cette histoire de traduction. Serait-ce l'occasion de le lire en anglais ? 🙂
je l'ai et deux autres (chez toi pour le moment) dont un en anglais, je crois ? Je ne suis plus sûre – bon je le programme pour septembre donc j'ai lu cet article en diagonale 😉
Si tu as la chance de mettre la main dessus, n'hésite surtout pas.
Si je pouvais lire en anglais, je le relirais dans cette langue. Ce qui en dit long, non?!
Bien hâte d'avoir ton point de vue sur ce roman et sur cet auteur.
Traduire de l'anglais canadien en québécois, ça doit pas être facile quand même… Trouvez le bon terme, dois-je remplacer \ »fuck\ » par tabarnak ou par calisse ou par crisse ou par crisse de calisse ou hostie de crisse de calisse… Le québécois me parait si riche dans son vocabulaire…Tu vois, j'essaie d'apprendre ta langue mais certaines distinctions m'échappent encore 🙂
La difficulté, ici, vient du fait de traduire du canadien anglais en français de France (c'est publié chez Albin Michel). Facile de remplacer les \ »fuck\ » par \ »putain\ », mais ça devient rapidement redondant! Le québécois est, de fait, beaucoup plus riche à ce niveau!Et surtout, continue tes beaux efforts pour apprendre ma langue!
Ah oui, cela a l'air vraiment très très bien, je note, merci pour ton partage ! J'adore ce titre \ »L'indien malcommode\ », j'ai hâte d'avoir ton avis !
C'est définitivement un auteur à découvrir. Et j'ai très hâte de lire \ »L'indien malcommode\ », une histoire très irrévérencieuse des autochtones… Moi aussi, j'adore ce titre!