Ah non, pitié, pas un billet de plus sur On m’appelle Demon Copperhead?! Je ne te dirais pas de quoi il en retourne. Tu le sais sûrement déjà, même si tu n’as pas lu le roman. Je vais juste te raconter comment le roman de Barbara Kingsolver est arrivé jusqu’à moi et pour quelle raison il figure dans la liste des 50 romans inoubliables lus par Madame Couette.

Ma première rencontre avec Barbara Kingsolver n’a pas été réjouissante, loin sans faut. C’était en 2015, avec L’arbre aux haricots. J’avais trouvé qu’elle beurrait épais côté bons sentiments, un trop plein de sirupeux qu’il m’a été difficile de digérer. Depuis, je levais le nez chaque fois qu’un de ses romans croisait ma route. Jusqu’à ce que je m’enfarge dans On m’appelle Demon Copperhead.
Je trouve audacieuse et périlleuse l’idée de s’inspirer d’un classique pour le mettre à sa main et de le transposer dans le monde d’aujourd’hui. La proposition m’interpelle toujours et attise ma curiosité. Ayant les yeux plus gros que la pense, j’ai décidé de lire en parallèle David Copperfield et On m’appelle Demon Copperhead.
Je lisais 4-5 chapitres de David Copperfield. Je mettais la brique de côté pour enchaîner avec 4-5 chapitres de On m’appelle Demon Copperhead. J’étais captivée par le roman de Dickens, mais sur le bord de l’hyperventilation face aux 1000 pages à lire. D’interrompre ma lecture pour retourner auprès de Demon a été ma bouée de sauvetage.
Il faut être une auteure courageuse pour s’emparer d’un chef-d’oeuvre comme David Copperfield. Le roman de Kingsolver transplante habilement l’histoire de l’Angleterre victorienne dans son propre terrain de jeu, les Appalaches. Le roman de Dickens sert de tremplin pour examiner une communauté gangrenée par la crise des opioïdes.
Le roman n’est pas tant sombre que d’une extrême dureté. Si ce n’était de la voix et de l’humour de Demon – un mélange d’innocence et de cynisme-, le roman tournerait au mélodrame. Le Je de Demon interpelle l’empathie, plus que la froideur d’un Il. Authentique, mordante, mature, sa voix m’a marquée. Plus que les jambettes que la vie fait à Demon, je retiens l’espoir et les rencontres empreintes de bienveillance, de celles qui font dévier le parcours d’une vie pour le meilleur, et non le pire. Un roman électrisant, puissant, bouillonnant d’amour envers une population trop souvent stéréotypée ou ignorée. Un gros coup de cœur! Au point que les quelques maladresses d’une traduction très (trop) française sont éclipsées.
À vouloir cacher des choses aux enfants, on ne fait que planter des graines entre leurs deux oreilles, et dans ma petite tête elles n’ont fait que croître jusqu’à ce que j’imagine des morts plus atroces que tout ce que j’étais censé voir à la télé à cet âge.
Un gamin de dix ans qui se défonce aux cachetons. Pauvres mômes. On est censés dire, regardez-les, ils ont fait de mauvais choix qui les a conduits à une vie de misère. Mais des vies se vivent là, en cet instant précis, se glissant entre les brossez-vous-les-dents, les bonne-nuit-les-petits et les chariots de supermarché remplis à ras bord, où ces mots n’ont pas cours. Des enfants, des choix. Ils étaient déjà pourris, les matériaux avec lesquels on devait construire notre vie. Notre seul repère, c’était un garçon plus âgé qui n’avait lui-même jamais connu la stabilité et qui essayait de nous rassurer. On avait la lune à la fenêtre pour nous sourire un instant et nous dire que le monde nous appartenait. Parce que nos parents s’étaient tirés quelque part et avaient tout laissé entre nos mains.
Pareil pour le bouquin de Charles Dickens, un type hyper vieux, mort depuis un bail et étranger en plus de ça, mais putain, il les connaissait, les gamins et les orphelins qui se faisaient entuber et dont personne avait rien à branler. T’aurais cru qu’il était d’ici.
On m’appelle Demon Copperhead, Barbara Kingsolver, trad. Martine Aubert, Albin Michel, «Terres d’Amérique», 2024, 605 p.
© unsplash | Michele Orallo
J’ai tellement aimé ce roman ♥️♥️♥️♥️♥️♥️pas encore lu David Copperfield (pas encore dans ma bibliothèque) l’arbre aux haricots je l’ai lu peu de temps après sa sortie peut-être que maintenant il me plairait moins… vu mon grand âge…. Mais j’en garde un bon souvenir car c’était un cadeau, et le début de ma collection Rivages… j’avais découvert David Lodge , faudrait que je le relise lui aussi ☺️
Et moi, donc. Un grand coup de foudre pour Demon, de ceux qu’on n’oubliera pas.
Pour L’arbre aux haricots, j’étais sévère et très fine bouche. L’impression laissée ne m’avait pas donné envie de remettre la table. Mais là, ne pas avoir lu Demon aurait été un grand manque dans mon parcours de lectrice.
Le début de ta collection Rivages… Cette collection doit être impressionnante, aujourd’hui! David Lodge… Faudrait bien que je le relise, lui. Ses premiers romans dans le milieu universitaire m’avaient enchantée.
J’ai découvert l’Amérique avec Rivages et chaque fois que je tombe sur une nouveauté j’ai du mal à résister. Surtout en occasion. J’ai bientôt fini l’enregistrement de ma bibliothèque, ça m’évitera les doublons. David lodge faudrait aussi que je m’y remette ☺️
Toi et Rivages, moi et Terres d’Amérique chez Albin Michel! Dans tout les cas, c’est l’Amérique à fond de train et on se régale.
Sous quelle forme ou format enregistres-tu ta bibliothèque?
J’enregistre sur Babelio, car j’avais fait auparavant sur une autre application et elle s’est arrêtée et j’ai tout perdu, donc Babelio est plus sûr,
On peut lire l’un sans avoir lu l’autre, j’imagine… Ma première et unique expérience avec Barbara Kingsolver n’a pas été très concluante mais tu me donnes très envie de découvrir celui-ci… (dont je n’avais pas entendu parler, étant donné que je pensais ne plus lire cette auteure).
On peut lire l’un sans avoir lu l’autre, absolument.
Ce roman comprend tous les ingrédients qui me plaisent le plus en littérature: un milieu social bien développé dans lequel naviguent des personnages uniques et bien enrobés.
Le Demon de Barbara Kingsolver est à mes yeux un chef-d’oeuvre, rien de moins! Je n’ai pas pour autant envie d’explorer l’oeuvre de l’auteure. Je vais en rester là, avec mon coup de foudre!
J’avais lu un ou deux romans de cette autrice, sans trop d’enthousiasme, puis plus récemment Des vies à découvert que j’ai beaucoup aimé. Je lirai celui-ci dès que je pourrai mettre la main dessus ! 😉
Je n’avais pas entendu parler de Des vies à découvert. Intriguant…
Quand à Demon, il a tout pour te ravir. Le destin de ce personnage est terrible, mais oh combien édifiant. La diversité de personnages qui traversent sa route est là d’une effroyable méchanceté, là d’une extrême bienveillance. Un condensé d’humanité, riche comme la vie!
Je me le suis offert sans rien connaitre de cette autrice!
Tu t’es fait là un précieux cadeau! Prépare-toi à vivre toute une aventure. Derrière l’avalanche de malchances et de coups durs, les touches d’espoir pointent ici et là. Au final, j’ai trouvé le roman plus lumineux que sombre. Ce qui n’est pas rien, après tous ces malheurs!
Ahaha, j’adore cette expression : « elle beurrait épais côté bons sentiments ». Ça fait longtemps que je projette de lire cette autrice mais je n’ai toujours pas passé le cap. Je n’aurais pas pensé qu’elle beurrait épais côté bons sentiments^^. Je suis très tentée par son dernier en tout cas.
C’est l’impression que m’avait laissé L’arbre aux haricots. Mon cynisme était, à l’époque, dans le tapis!
Demon est l’un des meilleurs romans américains qu’il m’ait été donné de lire depuis très longtemps. Laisse-toi tenter!
Quelle bonne idée, cette lecture parallèle visiblement très enrichissante!
Très enrichissante, oui. C’était un pur régal de comparer les deux oeuvres et de voir l’ingéniosité de Kingsolver pour transposer dans la modernité, en Amérique, le Londres du XIXe siècle. On se dit, au final, que plus ça change plus c’est pareil!
Je débute tout juste la lecture de ce roman. Je sais que je vais persévérer jusqu’à la fin, car selon tous les témoignages positifs lus et/ou entendus, je suis portée à faire confiance, qu’il soit effectivement intéressant. Cependant, je déplore grandement la traduction française. Parfois, ça me fait grincer des dents !
Alors, tu en es où dans ta lecture? J’ai tardé à répondre, je te laissais du temps pour progresser!
Quelques accros dans la traduction m’ont aussi agacée. Mais la force de l’histoire a émoussé mon indulgence. Ce qui est plutôt rare. D’habitude, je tique plus que ça!
Jamais lu cette autrice mais très tentée par la découverte vu tout le bien que j’entends de ce roman.
Il est grandiose, époustouflant et formidable. Rien de moins! J’ajoute: inoubliable. Que dire de plus, sinon qu’il te faut le découvrir!