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Parler seul · Andrés Neuman

Silhouette of a truck on road at sunset.Semi truck trailer silhouette with setting sun.Delivery truck on asphalt road highway at sunset.Truck passing by a railing. Underexposed pic.

Mario et son fils Lito partent sur les routes de l’Argentine à bord du gros Peterbilt de l’oncle Juanjo. C’est la première fois, et la dernière, que père et fils voyagent ensemble. Car Mario est malade. Ses jours sont comptés. De sa maladie, Lito ignore tout. Il voit bien que son père n’est pas dans son assiette, mais il ne s’en inquiète pas outre mesure. Ce voyage n’a qu’un but: fabriquer des souvenirs au jeune Lito, des souvenirs qu’il pourra se rappeler lorsque son père ne sera plus. Pendant que Mario et Lito sillonnent les routes, Elena reste à la maison. Elle tient un journal, et elle lit. Beaucoup. John Banville, Cynthia Ozick, Margaret Atwood, Helen Garner, Mario Levrero, Richard Ford, Sylvia Plath,Virginia Woolf, Flannery O’Connor, Roberto Bolano, Maria Matute, Lorrie Moore, Irène Némirovsky, César Aria. La littérature devient sa bouée de sauvetage. Elle cherche dans les mots des autres des pistes d’apaisement, une certaine compréhension de son présent. Pour se sentir vivante, elle succombe aux avances d’Ezequiel, le médecin de son mari. Quand Mario et Lito sont de retour, Elena délaisse son rôle de maîtresse et reprend ceux de mère, épouse et aidante naturelle. Jusqu’à la toute fin, elle prend soin de son mari, tout en ménageant son fils. La fin est prévisible. L’après, moins…  

Tsé, quand t’as l’impression de tomber en amour avec un auteur? Ça m’a fait ça avec Kent Haruf, Willy Vlautin et Bruce Machart. Et ça vient tout juste de me le faire avec Andrés Neuman. Pas un Américain, cette fois. Un Argentin! C’est par le plus grand des hasards que j’ai mis la main sur Parler seul d’Andrés Neuman, un auteur argentin que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam. J’en suis encore toute chamboulée. Andrés Neuman livre un roman remarquable (je pèse mes mots) sur la perte, la maladie, le deuil, le désir et la culpabilité. Une lecture qui ébranle et serre le cœur. C’est bouleversant de vérité, raconté avec une rare sensibilité. Les voix de Lito, de Mario et d’Elena se font entendre en alternance. Chacun y va de son soliloque: Lito rêvasse et s’émerveille. Mario s’enregistre: il dicte ses pensées et ses angoisses sur un dictaphone. Ses mots sont tantôt destinés à son fils, tantôt à sa femme. Elena écrit. Son journal révèle par petites touches le côté sombre du rôle d’épouse déboussolée, de maîtresse coupable et de mère inquièteL’adultère sert de prétexte pour apaiser l’angoisse. Chacun de ces monologues révèle l’histoire couche par couche. À la fois roman d’apprentissage et roman des derniers instants, Parler seul aborde avec une lucidité bouleversante la maladie, la façon qu’elle chamboule une vie. Ce n’est ni un roman larmoyant, ni un feel good book. C’est un roman de vie, touchant et pénétrant. Qu’Andrés Neuman soit parvenu à exprimer de façon si juste trois voix à ce point différentes relève de l’exploit. Tout est dans la façon de raconter, et il raconte admirablement bien.

Parler seul, Andrés Neuman, trad. Alexandra Carrasco, Buchet Chastel, 2014, 168 p.

Rating: 5 out of 5.

27 comments

  1. Une magnifique découverte on dirait. J'adore moi aussi tomber sur des auteurs inconnus qui me régalent de manière inattendue. Malheureusement ça m'arrive de moins en moins souvent…

  2. Parlant de coup de foudre pour un.e auteur.e, ça m'est arrivé il y a quelques années avec Audur Ava Olafsdottir. Depuis, je relis, offre et rachète L'embellie, mon préféré. La plupart des gens me disent plutôt préférer Rosa Candida. Je n'ai pas trouvé ses livres sur ton blog. J'ai peut-être mal cherché? Marie-Claude (Anonyme car je ne sais pas gérer les autres choix pour publier…)

  3. amusant ! enfin étrange, car j'ai noté son nom – tu sais ma copine américaine, prof de littérature hispanique – je n'ai juste pas pris le temps de le lire, donc là forcément, tu me rappelles mon erreur ! je vais m'empresser de le trouver (ah Bruce, Kent …. tomber en amour!)

  4. Tsé, j'le note de suite parce que l'Argentine c'est aussi mon carnet de route. La pampa ou Bariloche, j'aime y traîner mes sabots. Oublier que je suis un bison pour être juste un taureau libre en Argentine…

  5. Ah oui, magnifique. Et moi aussi, ça m'arrive de moins en moins souvent. C'est d'autant plus fort et remarquable lorsque ça arrive. Ici, c'est le cas!

  6. Je n'ai jamais lu Audur Ava Olafsdottir. Pourtant, ce n'est pas l'envie qui manque, mais le temps (toujours lui).Et j'adore les couvertures de Zulma, ce qui est non négligeable!

  7. Ah, quel drôle de hasard.Une belle, très belle découverte. Je vais lire bientôt son nouveau roman. J'espère que l'enthousiasme sera encore au rendez-vous.

  8. Alors là, il a tout pour te plaire. J'ai une petite réserve pour l'adultère de la femme, mais au final, ça explique bien des choses…

  9. Je ne suis pas sûre d'aimer… :/ Tout le côté littéraire me parlerait bien, mais le contexte, pas certaine… Par contre ça me rappelle un livre. J'ai la couverture en tête, mais je ne retrouve pas le titre ni l'auteur. Je remettrai bien la main dessus un jour!

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