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Si c’est ça l’amour · Bronwen Wallace

Onze nouvelles composent Si c’est ça l’amour, le seul et unique  et d’autant plus précieux  recueil de l’Ontarienne Bronwen Wallace. Une immersion dans le quotidien de gens ordinaires, des filles et des femmes surtout. Elles sont mariées, divorcées, célibataires épanouies ou en quête perpétuelle. Elles sont souvent mères, parfois rongées par l’inquiétude, souvent au bout du rouleau.

Des nouvelles ancrées au ras des pâquerettes, comme j’aime. Comment ne pas se laisser submerger par des élans de compassion lors d’un souper avec ses ados au Chalet Suisse? À qui parler des mains baladeuses d’un dentiste? Comment ne pas devenir paranoïaque avec les allergies alimentaires de son enfant qui grandit? Ici, le présent ouvre une brèche sur le passé et ravive les souvenirs. De ces souvenirs jaillissent un brin de nostalgie, une pointe d’humour, une colère diffuse, un regret. Trois nouvelles m’ont marquée plus que les autres.

Dans «La belle vie», Marion fait le grand ménage saisonnier de sa cuisine, Patsy Cline en fond sonore. Les souvenirs affleurent. Au même moment, Tracey Harper est accroupie derrière une commode, terrorisée par la violence des coups de poing contre la porte. Deux portraits féminins, deux faces d’une même médaille. Dans l’émouvant «Plongeur au repos», une femme accompagne son amoureux vers la mort. L’homme qu’elle aime meurt à petit feu d’un cancer foudroyant. Six mois plus tard, sa colère et sa rage la poussent à déchirer toutes les photos qui lui rappellent cet homme.

Il disait que mourir ressemblait beaucoup à être sous l’eau – à dériver, et à regarder toutes choses dériver autour de soi. Il disait que c’était comme d’apprendre à respirer lors de sa première plongée, qu’il fallait faire confiance au matériel, et ne pas avoir peur d’être sous l’eau. Que c’était comme ça qu’on parvenait à prêter attention à tout ce qui nous entourait. Il disait que la sensation de flottement était la même, elle aussi, qu’il pouvait sentir des parties de lui le quitter, en quelque sorte, et il les laissait aller. Il disait qu’il fallait qu’il reste attentif, qu’il devait dire adieu à l’usage de ses jambes, de son estomac, de régions entières de son cerveau, de ses souvenirs. Il dressait continuellement des listes de trucs, comme ça, pour tenter de me faire comprendre. De me faire voir à quoi cela ressemblait.

Dans «Lillian derrière la porte», une femme se terre dans un cabinet de toilettes pour rédiger des lettres d’adieu à chacun de ses grands enfants et à son mari. Lillian va prendre son envol. Pour où? Nul besoin de le savoir. Ici, seul l’élan compte et se suffit à lui-même.

Bronwen Wallace dissèque ses personnages, s’engouffre dans leur intimité avec des phrases resserrées – très justement traduites par René-Daniel Dubois. Des destinés s’ébauchent, des existences se dessinent, révélatrices de la moelle du quotidien faite de petits riens qui lui donnent toute sa saveur  ou son amertume. J’ai retrouvé dans Si c’est ça l’amour une intelligence de coeur, une sensibilité à fleur de peau et un regard affûté. En fine portraitiste, Bronwen Wallace fait des incisions dans le quotidien, dissèque ces instants furtifs auxquels on accorde si peu d’attention, faute de temps ou d’intérêt. Et pourtant…

À présent, je pense qu’on ne parvient jamais à surmonter quoi que ce soit, on trouve simplement une façon de porter le fardeau avec soi dans le plus grand ménagement.

Si c’est ça l’amour, Bronwen Wallace, trad. René-Daniel Dubois, Les Allusifs, 2017, 259 p.

Rating: 3 out of 5.

© unsplash | Shane iHa

16 comments

  1. Bon, le coté \ »ras des pâquerettes\ » et \ »immersion dans le quotidien de gens ordinaires\ », je sens que ce n'est pas mon genre pour les nouvelles … Et pourtant, j'aime bien le résumé que tu fais des trois qui t'ont plu … Mais vue ma dernière incursion dans un recueil de nostalgie et de regrets, je me méfie !

  2. Tu tombes sur des pépites, en ce moment… Celui ci, vu ton billet me plait énormément. J'aperçois Débâcle sur le côté… Tu as commencé ?

  3. Ce sera ma dernière participation pour le mois. Je commence à saturer, là, et j'ai deux abandons à mon actif!Quel mois stimulant… sans parler de toutes ces tentations…

  4. Oui, mais là, ça se corde: deux recueils abandonnés. Je prends une pause de nouvelles, avec \ »Débâcle\ ».Après 150 pages lues, ça fonctionne pour moi. Intriguant, j'ai envie de savoir! C'est complètement addictif.

  5. Oui l'envie d'un roman plus long pointe le bout de son nez chez moi aussi !!!Quels sont donc les abondons ?C'est un pavé Débâcle, vaut mieux accrocher des le début…

  6. Dernière participation? \ »Le Jeu de la musique\ » ne sera pas à l'honneur? Quel beau mois en compagnie de toutes ces nouvelles! Je signe aussi ma dernière participation (jz t'ai envoyé le lien) avec la très chère Dorothy Parker!

  7. Je piétine un peu avec \ »Débâcle\ ». Ça tourne en rond et j'ai hâte que ça redécolle. J'en suis à la moitié et suis complètement piquée. Il me faut savoir de quoi il en retourne… Habile auteure qui tient son lecteur par le cou.Je réserve mon gros pavé, \ »Le jardin de sable\ », pour juillet.Pour les deux abandons… à suivre dans mon bilan!!!

  8. \ »Le Jeu de la musique\ »… si tu savais! J'en parlerai dans mon bilan!Ce fut un mois foisonnant et riche en découvertes. J'ai d'ailleurs commandé le Dorothy Parker!Je ne m'attendais tellement pas à une aussi grosse participation. Ça me réconforte de voir que les nouvelles ne sont, au final, pas si mal aimées!

  9. Une bien belle découverte. Le tragique de l'histoire, c'est qu'elle n'a écrit qu'un recueil. Raison de plus pour le découvrir et le savourer!

  10. C'est vrai que pour une première fois, c'est génial! Vivement l'année prochaine ! Oh non …je redoute de te lire sur Le jeu de la musique… Mais bon c'est comme ça, parfois ça ne passe pas.

  11. C'est génial, en effet. À voir, cependant, pour l'an prochain!Pour \ »Le jeu de la musique\ », je me suis rendue p. 124. Rien à faire! Pourtant, je m'étais mise dans une position mentale des plus propices et ouvertes! C'est avec les personnages que ça ne passe pas. J'en reparlerai dans mon bilan mensuel.

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