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Tropique de la violence · Nathacha Appanah

C’est le premier roman de Nathacha Appanah que je lis. C’est la première fois que j’entends parler du côté sombre de Mayotte, cette petite île française située dans l’océan Indien. Si je m’attendais à ça…

Portée par une écriture à la fois écorchée et lumineuse, Nathacha Appanah dépeint une Mayotte gangrenée, l’envers de la carte postale idyllique, mettant en scène le drame d’un ado, d’un groupe, d’un lieu, d’une époque. Le roman aurait pu se réduire à une dénonciation crue et sans concession de la vie misérable d’une communauté. Heureusement, Nathacha Appanah va bien au-delà de la dénonciation.

Des voix se racontent en alternance, chacune faisant avancer l’intrigue selon ses propres mots. Les points de vue de Mo, de Bruce, de Marie, d’Olivier (un policier débordant d’humanité) et de Stéphane (un humanitaire) se complètent et se font écho. Certains passages dégagent une dureté indicible. Certaines scènes m’ont fendu le cœur, d’autres m’ont remplie d’indignation et de colère. Pas de pathos, ici. Pas grand espoir non plus. À la fois roman social et roman de formation, Tropique de la violence est ce genre de roman qui lève le voile sur une réalité difficile à regarder en face. Un roman bouleversant, essentiel.

Pourtant, il n’y a jamais rien qui change et j’ai parfois l’impression de vivre dans une dimension parallèle où ce qui se passe ici ne traverse jamais l’océan et n’atteint jamais personne. Nous sommes seuls. D’en haut et de loin, c’est vrai que ce n’est qu’une poussière ici mais cette poussière existe, elle est quelque chose. Quelque chose avec son envers et son endroit, son soleil et son ombre, sa vérité et son mensonge. Les vies sur cette terre valent autant que toutes les vies sur les autres terres, n’est-ce pas?

Tropique de la violence, Nathacha Appanah, Gallimard, 2017, 192 p.

Rating: 5 out of 5.

21 comments

  1. Pour l'anecdote, une de mes anciennes collègues a eu la possibilité de partir donner des cours de français à Mayotte. Elle est y restée quelques mois et est vite revenue. Je te laisse imaginer pourquoi. Et dire qu'on aurait pu le lire en lecture commune! 🙂 A voir quand est-ce que je me déciderai à l'ouvrir.

  2. 5 étoiles ? Comme je te l'avais dit sur IG, je connais assez bien la situation de Mayotte (m'étant occupé de détenus comoriens, venus de Mayotte) et ayant un collègue mahorais et le fils d'un autre prof là-bas .. De plus, pas mal de reportages ont été diffusés sur la situation de cette île. Je ne sais pas si le roman l'aborde, mais à la base il existait un archipel, colonie française, dans les années 70 les Comores ont choisi l'indépendance, Mayotte a choisi de rester française. Mais la pauvreté a eu vite fait de donner envie au comoriens de prendre un bateau et devenir s'installer sur l'île française et depuis les gendarmes tentent de lutter, mais impossible. Des milliers de Comoriens se sont installés dans des bidonvilles. Ils ne sont pas Français. La situation des Mahorais était déjà compliquée et cette île a obtenu le statut de département à part entière il y a deux ans.

  3. C'était un énorme coup de coeur pour moi aussi, un de ces livres dont on ne sort pas indemne…J'avais beaucoup aimé \»Le dernier frère\» aussi, un peu moins \»En attendant demain\»…

  4. Quelques mois seulement… je me doute des raisons. Ça doit être extrêmement difficile comme condition de vie.Donner des cours de français? Excuse mon ignorance, mais ils ne parlent pas français, là-bas?Dommage pour la lecture commune. On remet ça à une prochaine.

  5. Merci pour les deux autres suggestions. J'ai très envie de poursuivre l'exploration de son oeuvre…Je note d'abord \»Le dernier frère\».

  6. On en parle peu aussi ici – on a reparlé quand l'île a obtenu le statut de Département (le 101ème)- on en parle jamais comme d'une destination de vacances non plus. En tout cas, j'ai hâte que tu m'en dises plus sur ce roman !

  7. Si mais ils en ont quand même besoin ( tout comme nous en Belgique on a des cours de français) .Je lis Sauveur et Fils et puis je serai prête à affronter Mayotte !

  8. C'es un bon souvenir de lecture. Je connaissais la situation de l'île. Ma cousine y a travaillé pendant qq années au ministère, conditions très éprouvantes. Mais c'est vrai que Mayotte n'est pas tres évoquée dans les actualités en Métropole. Le livre m'a émue. Je compte bien lire d'autres roman de l'auteure.

  9. Ben oui! J'avais pas pensé à ça. Ici aussi, on a des cours de français!!!\»Sauveur et Fils\»… Je dois poursuivre, moi. Je n'en suis qu'au tome 2.

  10. Décidément, on dirait que plusieurs ont été travailler sur l'île. Toute une expérience de travail…Émouvant et révoltant, comme roman. Je compte également aller explorer le reste de son oeuvre.

  11. Ce livre a l'air passionnant, mais je crains qu'il soit un peu trop dur pour moi. L'envers du décors touristique est malheureusement rarement beau à voir… Mais heureusement que les écrivains et journalistes sont là pour nous les faire connaître.

  12. C'est certain que la réalité dépeinte est dure, voir révoltante; pire, la lueur d'espoir est inexistante. Comme tu le dis si bien, une chance que les journalistes et auteur(e)s sont là pour nous brasser la conscience sociale!Je classe le roman d'Appanah dans la même catégorie que ceux de Pascal Manoukian: les livres qui ouvrent les yeux de force, qu'on le veuille ou non.

  13. Ce roman fut une petite déception pour moi. J'ai l'impression que l'écriture de l'auteure, plutôt froide, n'est pas pour moi. Elle habite en Normandie, je l'ai rencontrée, elle est intéressante à écouter.

  14. Je déduis que pour toi, elle est plus intéressante à écouter qu'à lire?!! C'est vrai que son écriture n'est pas dénuée de froideur. Mais parlant de froideur, le pire que j'ai lu, c'est \»Règne animal\» de Jean Baptiste Del Amo. L'histoire m'intéressait énormément, mais le style désincarné et glacial m'a fait abandonner en cours de route.J'ai toujours un malaise à être déçue par les romans à caractère sociaux, qui mettent en scène d'horribles réalités, de ces romans qui prennent le pouls de l'histoire en marche. (Je pense aussi aux romans de Pascal Manoukian, par exemple) Comme si je ressentais une certaine culpabilité à ne pas aimer. Heureusement, ça ne m'est pas arrivée souvent.

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