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Un jardin l’hiver · Clara Grande

La pandémie de COVID-19, ça te rappelle quelque chose? Clara, jeune trentenaire, perd son job de serveuse, déménage et apprivoise sa vie de nouvelle célibataire. Elle devient aide de service dans un CHSLD montréalais, se frottant à la solitude de ces vieux humains. Seuls, ils semblent tous l’être. Les soins à donner, une oreille ou une main à tendre, des odeurs qu’on préfère ignorer, des souvenirs à empoigner avant qu’ils ne disparaissent… Une fois sortie des murs du CHSLD, Clara cherche à meubler sa solitude. Les applications de rencontres et les avances déplacées d’un collègue de travail marié ne réconfortent pas sa grande fatigue.

Les courts chapitres défilent, sans liens entre eux. De cette collection de vignettes émerge une éblouissante compassion devant ces humains vulnérables, isolés. La sensibilité de Clara Grande m’a émue et touchée.

J’aime la lenteur des vieilles personnes. Sans obligations, sans plus de hâte, elles prennent leur temps, même si celui-ci leur file entre les doigts. Il s’étire auprès d’elles, parfois parce qu’elles répètent les mêmes histoires, parfois parce que se doucher devient la mission de la journée. Prendre soin des vieux oblige à ralentir. J’aime ouvrir pour eux les contenants trop bien scellés, défaire l’enveloppe d’un fromage quand les doigts crochus ne s’arrêtent plus de trembler, crémer une peau sèche jusqu’à ce que la chaleur traverse l’épiderme devenu transparent, lire les instructions d’une colle à dentier pour ceux dont les yeux ne savent plus repérer les détails. J’aime que les bleus, les veines, les rides, les courbures et les cicatrices me racontent un passé. Mais mes journées m’essoufflent.

Les échanges entre la narratrice et les résidents du CHSLD m’ont tantôt fait sourire ou carrément rire, tantôt émue aux larmes. Tout en nuances, les mots de Clara Grande touchent au plus près une réalité dissimulée derrière les rideaux. Un premier roman nécessaire et infiniment précieux.

Un jardin l’hiver, Clara Grande, Cheval d’août, 2024, 168 p.

Rating: 4 out of 5.

© unsplash | Laura Fuhrman

4 comments

    1. Peut-être pas si rare que ça, mais passionnant d’un point de vue sociologique. Une porte grande ouverte sur un pan de notre réalité trop souvent remisé sous le tapis.

    1. Tu fais bien! La vie personnelle de la narratrice n’est pas particulièrement captivante. Mais l’univers (CHSLD) dans lequel elle gravite, lui, l’est.

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