Une fois terminé le Manuel à l’usage des femmes de ménage de Lucia Berlin, j’ai plongé dans Une femme en contre-jour de Gaëlle Josse. Lucia Berlin – Vivian Maier: deux femmes fascinantes au destin d’exception. Je me suis souvent et longtemps attardée devant les photos de Vivian Maier. Comme je l’ai fait devant celles de Diane Arbus et d’Helen Levitt. De Vivian Maier elle-même, je ne savais rien.
Ce que les apparences peuvent être trompeuses… Imaginons une vieille femme marchant dans les rues de Chicago, portant un manteau informe, coiffé d’un vieux chapeau de feutre. Qui irait imaginer que cette femme est une photographe exceptionnelle, qu’elle a pris des milliers de photos, qu’elle a énormément voyagé, seule – chose rare, à l’époque. De toute façon, qui prendrait le temps de poser le regard sur cette femme? Les apparences sont si trompeuses…
Un billet en mode citations, parce que mes mots sont fades.

Insoluble secret d’une existence, terrifiante solitude d’une femme dont le geste photographique, le geste seul donna un sens à la vie, la sauva peut-être du désespoir. Inconcevable pour nous aujourd’hui, en ces temps où nos fragiles et exigeants ego quêtent sans fin l’approbation, l’admiration, le regard. Être vu, reconnu, aimé. Passions, désirs, profits, plaisirs, notre insatiable cavalcade avant le néant.
Personne ne lui volera sa liberté. Elle a l’énergie de ceux qui n’attendent rien, qui n’ont rien reçu en héritage. De la vie, elle sait déjà tous les drames. Elle est libre, tragiquement libre. À elle d’en faire son histoire, avec de pauvres atouts. La carapace qu’elle commence à se forger est son seul rempart contre tout ce qui menace. Misère. Solitude. Égarements. La grande Amérique n’a pas de pitié pour ses pauvres. Malheur aux vaincus. C’est la chronique d’une Amérique sans gloire.
Chez Vivian Maier, il y a la crasse de la rue, la saleté des vêtements tachés, déchirés, il y a des chaussures trouées et des enfants qui jouent dans le caniveau. Des femmes épuisées et des hommes à terre. Et aucune tendre nostalgie à la Doisneau, avec ses gamins rêveurs sur les bancs d’école. Nous sommes dans un réel de face, de front, sans embellissements aucun.
Peut-être sommes-nous tous condamnés, dans le regard de l’autre, à être, selon le mot pirandellien, un, personne et cent mille.
Une femme en contre-jour, Gaëlle Josse, Éditions noir sur blanc, 2019, 160 p.
Je passe mon tour- surtout que j'avais déjà vu le billet d'Electra au sujet de ce livre – : je vais faire une opération PAL!
J'ai beaucoup aimé. Le style, l'histoire qui m'était totalement inconnue. Et découvrir le reportage et ses photos ensuite prolonge le plaisir. Par contre Electra aborde le petit truc qui gratte, elle n'a pas tord 😉
Ce sera ma prochaine lecture car elle vient dans une librairie près de chez moi d'ici quelques jours. Ton retour me rassure car j'ai lu beaucoup d'avis mitigés mais Vivian Maier est une inconnue pour ma part et je suis fan de la plume de Gaëlle Josse, on verra ;)En tous cas, il faut vraiment que tu lises Une longue impatience, une petite merveille qui m'a chamboulée!
oui j'aime bien gratter.. j'avais déjà lu un roman et j'aime son style, ici c'est le propos qui me dérange. Je reste donc sur l'artiste dont l'oeuvre est impressionnante !
C'est toujours une bonne idée, une opération PAL! Je viens justement d'en extraire 5!
Electra gratte souvent! Elle râlait avant même que je le lise. Il a fallu que je me vide l'esprit avant de plonger dedans. Au final, c'était une très bonne chose!
Dans ce cas, la sauce devrait bien prendre, comme elle a bien pris pour moi. C'est une belle découverte (surtout pour le personnage qu'elle met à jour).Merci pour le conseil: je illico note \ »Une longue impatience\ ».
Tes arguments pèsent lourds. Heureusement que j'ai pu en faire abstraction lors de ma lecture.Si j'avais vu le documentaire avant de lire le livre, je pense que mon avis aurait forcément été différent…
Un \ »personnage\ » bien énigmatique que cette Vivian Maier… qui mériterait qu'on fouille sa psyché de façon plus analytique, il me semble
Énigmatique, en effet. Mais je là à aller fouiller sa psyché… Parfois, il est préférable de maintenir le mystère. Je crois que c'est le cas ici. Son oeuvre, qui a de quoi nous satisfaire, suffit amplement.