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En automne · Karl Ove Knausgaard

Je veux te montrer notre monde tel qu’il est aujourd’hui. […] Un jour viendra où tu verras le monde à ta façon, tu feras tes propres expériences et tu vivras ta vie, c’est donc bien sûr avant tout pour moi-même que je me lance dans une telle entreprise: te montrer le monde, ma puce, rend ma vie digne d’être vécue.

Karl Ove Knausgaard s’adresse à son futur enfant à naître, son quatrième. Pendant que le fœtus grandit dans le ventre de sa mère, son père entreprend de lui raconter le monde, son monde; comment il le perçoit, comment il le vit.

En automne est le premier tome d’une série de quatre livres, réunis sous le titre « Quatuor de saisons ». L’ouvrage est divisé en trois parties (septembre, octobre et novembre) entre lesquelles viennent s’insérer une lettre à sa future fille. Chaque court chapitre porte sur un objet, un phénomène, un état. Les textes sur les pommes et les dents sont passionnants. Ceux sur la solitude et le silence sont sublimes. Ceux sur le vomi et les lèvres vaginales sont étonnants. Dans une telle entreprise, plusieurs sujets tombent forcément à plat. C’est une question d’intérêt et de sensibilité.

À ces observations viennent se greffer des bouts de vie, des souvenirs, des anecdotes – Knausgaard ne peut pas écrire sans ses Juicy Fruit; il mange ses trognons de pommes; à ses yeux, Madame Bovary est le « meilleur roman au monde ». Au départ, il faut dire que je suis bon public; les anecdotes ne m’ennuient jamais. Elles donnent de la couleur à la vie et en révèlent long sur la personne qui les rapportent.

Si, après la lecture d’une dizaine de textes, j’ai pu m’interroger sur l’intérêt du projet, je me suis vite ravisé et ai trouvé ma réponse. J’ai appris quelques trucs au passage et je vais me coucher moins niaiseuse, mais surtout, les mots et les réflexions de Knausgaard m’amènent à retrouver une vigilance, une acuité du regard, un émerveillement dans le quotidien. Porter un regard frais sur ce que j’ai cessé, par habitude, de voir. En somme, rendre le monde à nouveau plein de magie. Je me suis prise d’une affection pour l’homme et son projet. Il y a des attirances inexpliquées et inexplicables.

Bons ou mauvais, chaleureux ou froids, sympathiques ou non, peu importe, ces liens [familiaux] sont essentiels, car c’est à travers ce prisme que tu verras le monde, ils façonneront ton regard sur presque tout ce qui t’entoure, directement ou indirectement, par opposition ou adhésion.

En automne, Karl Ove Knausgaard, trad. Loup Maëlle Besançon, Denoël, 2021, 272 p.

Rating: 3 out of 5.

14 comments

  1. ah je pensais à son autobiographie, j’ignorais cette autre projet saisonnier. Mais je vais rester sur les saisons d’Ali Smith. Je pense le lire un jour, mais pas tout de suite. Pour le regard aiguisé, j’adore regarder les oiseaux et les fleurs, et je me réjouis de ce printemps, même si le coeur est très gros en ce moment. Ravie que tu aies aimé ce livre !

    1. Je compte maintenant m’attaquer à son Combat, son autobiographie. Du moins, un premier tome.
      Quant au printemps, j’ai très hâte qu’il se pointe. Je me suis levée avec un nouveau 10 cm à pelleter. C’est bien beau, mais on commence à manquer d’espace et à étouffer

  2. Je ne suis pas sûre que ce genre de livre me séduise… C’est vrai ça qu’il y a des attirances inexplicables…

    1. C’est une lecture où l’on picore. Plus qu’une lecture immersive. J’ai parfois manqué d’élan. Je compte, en contrepartie, m’attaquer à son autobiographie. Du moins, le premier tome. Parce l’homme auteur m’intéresse.

  3. Je suis une fan de Knausgaard avec sa série Mon combat, mais je suis réticente à commencer cette nouvelle série des saisons. J’ai peur de ne pas trouver ça aussi bon. Je pense que je vais attendre les sorties en poche.

    1. Je te comprends parfaitement. Quant à moi, cela a eu pour effet de me donner envie de lire son autobiographie. Le premier tome de Mon combat m’attend.

  4. Je ne suis pas vraiment tentée. J’ai lu, un peu dans cette veine, «In Utero» de Julien Blanc-Gras, plaisant mais pas mémorable..

    1. Je te comprends. Même si j’ai beaucoup aimé mon expérience, je ne compte pas remettre ça avec les autres saisons. En revanche, je vais m’attaquer à son autobiographie.

  5. Rien à voir mais je viens d’entamer «Le chant de Célia», prévu en LC avec Electra pour avril. Je t’avoue que j’ai dû me faire violence pour passer les premiers chapitres, très particuliers. Je suis lancée maintenant..

  6. Il paraît très philosophique ce roman. Je ne suis pas certaine d’avoir envie de le lire maintenant, mais je le note. Cet auteur m’intrigue depuis longtemps et son écriture a l’air très poétique et touchante. J’espère le découvrir un jour.
    Côté philosophie j’ai entamé la lecture de Six philosophes dans mon salon, je ne comprends pas tout mais j’adore la façon dont l’auteure aborde le(s) sujets. A suivre.

    1. Il s’agit plus d’un récit à saveur autobiographique que d’un roman. Je n’irais pas jusqu’à dire qu’il est philosophique, mais il a pour but de faire réfléchir. Je compte m’attaquer sous peu au premier tome de son autobiographie. Notamment parce que son style me parle beaucoup.
      Je suis ravie que tu lises Six philosophes… Je n’ai pas tout compris, si ça peut te rassurer. Mais la fraîcheur du ton et les réflexions soulevées m’ont énormément enthousiasmée. J’espère que tu en parleras (en bien ou en mal!)…

  7. Jamais lu cet auteur, je viens de trouver ce livre en occasion. j’ai failli me laisser emporter à prendre aussi «Au printemps», puis j’ai résolu de voir d’abord si ça me parle (prudence).

    1. Tu fais bien d’être prudente et de prendre le pouls d’abord. Pour ma part, je suis conquise. Au point que j’ai entamé son « autobiographie ». Son regard simple et lucide sur le monde, sur sa vie et sur lui-même me captive.

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