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Les fantômes voyageurs · Tom Drury

Après La fin du vandalisme, premier volet d’une trilogie amorcée il y a vingt ans aux États-Unis, Les fantômes voyageurs viennent prolonger l’atmosphère de chaleureux désoeuvrement distillé par Tom Drury.

Dans le comté de Grouse, un territoire fictif taillé à même la chair profonde des États-Unis, vit la famille Darling, une famille du Midwest (presque) comme les autres. Il y a Charles, l’ex-mauvais garçon devenu plombier. Il y a sa femme Joan, à la tête d’une association de défense des animaux. Il y a sa fille Lyris, abandonnée à la naissance, qui rentre au bercail à seize ans après que sa dernière famille d’accueil a été arrêtée pour fabrication de bombes. Et il y a Micah, sept ans, le petit dernier à l’imagination bouillonnante. Tous naviguent du mieux qu’ils le peuvent dans un flot de sentiments parfois obscurs, parfois contradictoires qui tantôt les réunit, tantôt menace de les séparer. Autour de la famille Darling gravite une constellation de voisins, un demi-frère, une belle-mère, un vagabond, un amant et un chœur de chasseurs de renards.

Quatre jours d’octobre, du vendredi au lundi, pendant lesquels le drame affleure, menace, sans trop remettre en question l’écoulement paisible de la vie. Des faits et gestes, la plupart insignifiants, quelques-uns bouleversants. Tout est presque drôle et, à la fois, inexplicablement triste.

Avec son regard empreint de finesse et d’humour, Tom Drury tisse une toile narrative pleine de détails, fait surgir l’extraordinaire du quotidien. La construction du roman procède par glissements d’un personnage à l’autre, permettant de prendre la mesure de toute la richesse de son univers. La puissance de l’écriture de Tom Drury tient en peu de choses: décrire le moins pour dire le plus, et le plus profond, sur l’âme américaine. Il plonge au cœur des pensées de ses personnages avec une lucidité naïve, rendant les adultes déraisonnables et les enfants étonnamment matures. Il suit ses personnages au pas, sans les bousculer. Les fantômes voyageurs est un roman d’une sagacité, d’une drôlerie et d’une intelligence qui confine au bonheur. Une parenthèse enchantée dans un univers agité. Une littérature au ralenti, qui prend son temps. Comme j’aime.

Les gens redoutent la grande dégringolade, dit Mona. Parce qu’ils ont peur de ne pas pouvoir se relever. Parce qu’ils pensent ne pas mériter de se relever à nouveau. Qu’ils sont atroces, et que désormais tout le monde le saura. Mais si on ne se casse pas la figure, on ne saura jamais si on mérite ou pas de se relever.

Les fantômes voyageurs, Tom Drury, trad. Nicolas Richard, Cambourakis, 2015. 222 p. 

Rating: 3 out of 5.

© unsplash | Micah Tindell

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