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Les jours enfuis · Jay McInerney

C’est avec Trente ans et des poussières que j’ai fait la rencontre de Corinne et Russell Calloway. À l’époque, dans le New York des années 1980, ils avaient la jeune trentaine. Corinne était courtière à Wall Street et Russell dirigeait une maison d’édition. Je les ai ensuite retrouvés quatorze ans plus tard dans La belle vie, plus rangés. Ils étaient maintenant les parents de jumeaux et louaient un loft à Tribeca. Les attentats du 11 septembre 2001 sont venus ébranler leur routine mondaine.

Les jours enfuis se déroulent sept ans plus tard.Corinne et Russell s’approchent dangereusement de la cinquantaine. Leurs enfants ont grandi et sont sur le point d’entrer au collège. Les Calloway vivent toujours dans leur loft de Tribeca. Corinne voudrait bien déménager, avoir enfin deux salles de bains. Russell résiste. Le destin s’occupera de trancher.

Corinne a réorienté sa carrière. Ayant quitté Wall Street, elle travaille pour une association d’aide aux démunis. Elle recroise Luke, son ex-amant rencontré sur les décombres du World Trade Center. Il passe maintenant son temps entre l’Afrique du Sud et les États-Unis. Corinne succombera-t-elle à nouveau à son charme.

Russell est devenu copropriétaire d’une maison d’édition indépendante. Il vient de publier le premier recueil de nouvelles de Jack Carson, «un Raymond Carver moderne, un Hemingway malin comme un singe et sorti de ses collines» du Tennessee. Il veut maintenant élargir les horizons de la maison et marquer un grand coup en publiant les mémoires d’un ex-journaliste pris en otage en Afghanistan. Un futur best-seller? Russell joue gros sur ce coup et prend d’énormes risques financiers. Son flair paiera-t-il? 

Pendant qu’Hillary Clinton et Barack Obama font campagne, pendant que Lehman Brothers glisse dans le précipice, le couple Calloway vacille. Résistera-t-il à l’usure du temps, aux doutes et aux remises en question?   Jay McInerney est en très grande forme et la maturité lui va bien. Une fois de plus, il ausculte avec un regard mordant l’intimité du couple, ses mensonges, ses non-dits et ses faux-semblants. Le mariage passe un mauvais quart d’heure, traverse quelques tempêtes, et l’adultère semble incontournable. Dommage que les enfants Calloway soient si peu présents… Les dîners mondains et les galas de charité occupent plus d’espace que la vie familiale.

Le portrait social sonne juste et brûle d’actualité. Entre Trente ans et des poussières et Les jours enfuis, Manhattan s’est transformé, devenant de plus en plus uniforme. La classe moyenne est tranquillement chassée de l’île, les sans-abris aussi. La richesse s’étale.

Le style de McInerney est toujours aussi incisif, caustique. De tirades hilarantes en dialogues épiques, l’auteur n’a rien perdu de sa verve. Quel plaisir de retrouver Corinne et Russel! Ils ont changé, comme on change tous. Je les ai trouvés assagis. Nostalgiques, surtout. Les jours enfuis… Juste le titre transpire la nostalgie. Le milieu de l’édition occupe un bel espace entre ces pages et ça, ça me plaît bien. J’ai trouvé la fin, quoique belle, peut-être un peu trop racoleuse à mon goût. Faut dire que je ne suis pas une grande romantique…

Il y a quelques années, j’aurais eu un coup de coeur pour Les jours enfuis. Les temps changent, je vieillis et me lasse vite du jet set et des mondanités. Les bobos égocentriques m’agacent. En fait, je crois que les losers et les laissés-pour-compte me manquent…  

Reste que je serai au rendez-vous pour lire la suite des aventures de Corinne et Russell. De futurs grands-parents sous l’administration Trump?! Ça risque d’être intéressant…

Les jours enfuis, Jay McInerney, trad. Marc Amfreville, De l’Olivier, 2017, 496 p.

Rating: 3 out of 5.

© unsplash | Aaron Burson

16 comments

  1. Je me rends compte aussi que mes goûts changent. Par exemple, si le style ne me convient pas, j'arrive difficilement à entrer dans l'histoire…

  2. Un auteur que je n'ai jamais lu, je le jugeais (sans doute à tort) cynique et superficiel, et il ne me donnait pas du tout envie de lire ses livres!Mais entre Delphine et toi, je vais de ce pas m'intéresser à cet auteur 🙂

  3. Ah oui? un 4ème est prévu? Pour ma part, vous m'avez bien décidée, Delphine et toi, à découvrir Trente ans et des poussières! Peut-être serait-ce ma lecture de cet été?

  4. Je ne l'ai pas lu quoique je crois avoir tenté une fois, mais pas certaine donc s'il fallait le lire, je devrais remonter le temps ! je dois aussi retrouver Bascombe, et d'autres personnages donc Russell et Corinne attendront ! Les losers de Willy ??? 😉

  5. Après toutes ces années, ça demeure difficile de les quitter. Je serai là au prochain rendez-vous, histoire de bien boucler la boucle!

  6. Exactement! Moi aussi, je suis de plus en plus sensible au style. Soit j'accroche, soit je décroche. Je devient même (un peu trop) intransigeante. Toutefois, quand j'aime, J'AIME!

  7. Une touche de cynisme, certes. Et elle est la bienvenue. Mais loin de la superficialité. Car derrière la facade glamour, c'est d'une grande et profonde richesse. À découvrir, avec \ »Trente ans et des poussières\ ». Je sens que ça te plairait bien, d'ailleurs.

  8. Bien trouvé, comme lecture d'été. Un roman avec une légèreté profonde, c'est bien! J'ai lu quelque part qu'il cogitait sur la suite.

  9. Te connaissant, tu seras en meilleure compagnie avec Bascombe! Les losers de Willy, évidemment, mais ceux de Bruce et de tant d'autres aussi. Une affection dévorante!

  10. Je ne connaissais pas du tout cette série familiale mais j'aime beaucoup le titre, j'attends d'être un peu plus âgé pour le lire car je pense que je ne ressentirai rien ou très peu si je le lis maintenant.

  11. Alors, il te faut commencer par \ »Trente ans et des poussières\ ». À moins que tu sois encore plus jeune que ça?!J'ai la mi-quarantaine et j'avoue qu'avoir lu ces \ »Jours enfuis\ » il y a une vingtaine d'années, il m'aurait laissé assez indifférente. Chaque chose en son temps!

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