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Les Sources · Marie-Hélène Lafon

Un homme, une femme et leurs trois enfants vivent dans une maison collée sur une ferme prospère, dans un coin reculé, au cœur de la vallée de la Santoire, en Auvergne. 

Trois parties, trois voix, trois époques. La première partie, la plus longue, se déroule en 1967. La femme a trente ans. Mariée depuis huit ans, enchaînée depuis autant d’années. Elle est prise au piège d’une vie qu’elle n’a jamais voulue, une vie faite de craintes, de coups et de mots assassins. Son courage pour s’émanciper résonne comme un cri de liberté au milieu du silence étouffant de la campagne.

La deuxième partie se déroule en 1974, autour de l’homme. Marié dès son retour du Maroc, où il a fait son service militaire, l’homme est devenu un agriculteur florissant, un père distant et un mari violent. Sa femme partie, ses enfants seront les seuls qui pourront lui faire honneur. Son désir de perpétuer le passé contraste avec le besoin de déguerpir de ses enfants.

Les dernières pages se déroulent en 2021. L’éclairage est mis sur Claire, la cadette. Elle vient de Paris pour sceller la vente de la maison familiale. De retour sur le sol de son enfance, les souvenirs affluent.

Marie-Hélène Lafon décrit tout en retenu la détresse d’une femme prise dans un étau domestique. Le portrait modeste, tout en simplicité, d’une vie familiale qui implose sans trop faire de bruit est remarquable. L’écriture, d’une simplicité déconcertante, se révèle d’une puissance évocatrice saisissante. Chaque mot est soigneusement choisi, chaque phrase résonne avec une émotion brute. À travers ses descriptions minutieuses, elle parvient à capturer la beauté austère des paysages ruraux.

Il y avait longtemps que je n’avais pas lu un roman aussi fort porté par si peu de mots, des mots qui vont droit à l’essentiel, sans fioritures. Les Sources est bien plus qu’un simple roman, c’est une symphonie littéraire qui résonne longtemps après la dernière page tournée. Les mots de Marie-Hélène Lafon m’ont plongé dans les eaux profondes de l’âme humaine, où les émotions et les souvenirs affluent comme des torrents impétueux.

Elle sentira le regard de son père posé sur elle, mais son père est un doux, il ne peut rien pour elle, elle a fait sa vie comme ça; elle va avoir trente ans et sa vie est un saccage, elle le sait, elle est coincée, vissée, avec les trois enfants, il est le père des trois enfants, il les regarde à peine mais il est leur père, il est son mari et il a des droits.

Elle tourne et retourne les mots qui font autant de dégâts que les coups, peut-être même davantage parce qu’ils ne la lâchent pas et lui tombent dessus au moment où elle s’y attend le moins, quand elle pourrait être à peu près tranquille et penser à autre chose.

Les Sources, Marie-Hélène Lafon, Buchet Chastel, 2023, 118 p.

Rating: 4 out of 5.

© unsplash | Shane

12 comments

  1. Marie-Hélène Lafon pousse très loin l’écriture aussi épurée que forte ! Je n’ai pas encore lu ce roman, je devrais le trouver en bibliothèque.

      1. J’ai lu L’annonce dont je ne me souviens plus bien et L’histoire du fils qui m’a emballée.

        1. J’ai commandé L’histoire du fils, qui m’inspirait pas mal. Quant à l’annonce, il est aussi dans mon collimateur. Merci à toi pour ces suggestions.

  2. Je ne l’ai jamais lu mais ravie de voir que tu as aimé cette lecture, même si le sujet est plutôt triste.. décidément, on n’a pas choisi des lectures très gaies toi et moi

    1. C’était une première pour moi et j’ai été très impressionnée, malgré la gravité du sujet. Je compte explorer l’oeuvre de cette auteure. Je file chez toi.

  3. Je ne l’ai jamais lu, mais j’ai feuilleté quelques-uns de ses titres en librairie, et constaté son écriture ciselée, qui je pense me plairait. A retenir…

    1. Ah oui, je pense que ça te plairait. Moi aussi, j’ai souvent feuilleté ses romans sans jamais sauter le pas. Un rien me retenait. J’aurais dû succomber avant!

  4. J’ai découvert l’autrice avec Les sources, et comme toi, j’ai été admirative de l’écriture aussi simple en apparence, tout coule, que les émotions qui en sourdent … Depuis, j’ai lu L’histoire du fils, que j’ai bien aimé aussi ( mais moins que celui-ci, c’est peut-être aussi l’effet découverte du premier) Je compte bien poursuivre avec ces autres romans, tranquillou pour me garder du plaisir en réserve.

    1. Je compte aussi lire L’histoire du fils. Une écriture « simple en apparence ». Je sens le travail d’orfèvre derrière, sans qu’il n’y paraisse. Chaque mot bien poli. C’est d’une simplicité désarmante et d’une efficacité redoutable. À suivre…

    1. Après cette première rencontre concluante, je n’ai qu’une envie: m’y remettre. Comme toi, Histoire du fils m’attend.

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