Deux romans pour les ados (et les plus grands), un thème: le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Deux manières d’amener et de traiter le même sujet: la claque pour l’un, la douceur pour l’autre.

Avec La rage de vivre d’Emmanuel Lauzon, la table est mise avec la quatrième de couverture.
Qu’est-ce que ça fait dans la vie, un «déficitaire de l’attention»? Eh bien, ça conteste l’autorité, c’est irritable, ça s’impatiente rapidement, ça parle tout le temps, ça coupe la parole, ça argumente, c’est incapable de tenir en place plus de cinq minutes, ça dérange les professeurs et les autres élèves en classe, ça se fait du souci pour n’importe quoi et ça échoue souvent à l’école. Bref, ça fait chier tout le monde.
Vincent a été diagnostiqué à huit ans. Il a toujours eu l’estime de soi dans les talons. Tout ce qu’il sait faire, selon lui, c’est échouer et déranger ceux qui l’entourent. N’ayant pas le sens de l’effort très développé, il baisse rapidement les bras. Sans entrer dans le détail et les péripéties vécues par Vincent, disons que la réalité de cet ado, ses pensées et réflexions sonnent juste.
L’écriture d’Emmanuel Lauzon est crue, avec quelques pointes de vulgarité. Les personnages ont le juron facile… Mais ici, ça fait partie de la game! On aime ou pas. Le plus important n’est pas là. Tous les effets négatifs et les conséquences du TDAH y passent: impulsivité, manque de concentration, arrogance, agressivité, rage, dévalorisation. Prendre du Ritalin, cessé d’en prendre… Que le personnage principal soit un ado amènera les garçons à ouvrir le roman pour s’y reconnaître ou pour mieux comprendre ces étranges qui les entourent. Malgré quelques défauts et maladresses, La rage de vivre fait partie de ces romans nécessaires qui aident à mieux grandir.
Même si j’essaie de passer inaperçu le plus possible, ma réputation me suit comme une ombre. On m’a diagnostiqué un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité lorsque j’étais en troisième année. Depuis, je traîne les lettres TDAH comme un boulet attaché à ma cheville. Lors de chaque rentrée scolaire, je sens que mes nouveaux enseignants me surveillent, qu’ils m’accordent beaucoup plus d’attention qu’aux autres. C’est comme s’ils essayaient d’anticiper chacun de mes échecs et de mes attitudes arrogantes.
Ce docteur vient de prendre ma défense. Personne n’avait fait ça avant lui. Il a compris ce qu’aucun autre adulte n’avait encore compris: je suis malade. Aussi simple que ça! On ne chicane pas les gens parce qu’ils ont la grippe, alors pourquoi est-ce que je mériterais des punitions parce que j’ai le tédéachose, hein?!
La rage de vivre, Emmanuel Lauzon, Éditions de Mortagne, 2014, 264 p.
Assez souvent, il suffit de lire vingt lignes d’un livre pour savoir de quel bois il est fait. Dès la première page de Course, amour et raviolis, tout y est. Un personnage, une voix, un ton qui accroche, retient. La quatrième de couverture donne le ton.
Je m’appelle Mirabella Fabrini, j’habite Saint-Fabien-sur-Mer et je suis Italienne. Mes parents possèdent un restaurant, un hôtel, une poule… et cinq enfants! J’oubliais: je suis atteinte d’un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité. Je m’en sors quand même pas trop mal la plupart du temps, en allant courir au bord de la mer pour dépenser toute mon énergie. Mais lorsque c’est impossible ou que j’oublie, il m’arrive d’avoir de terribles colères, de casser des assiettes et de tirer les cheveux de mes quelques rares amis. J’aimerais parfois être normale et ne pas avoir en moi ce petit volcan qui menace constamment d’exploser, surtout à certains moments cruciaux, genre quand un garçon veut m’embrasser…

Les trois ingrédients de ce roman: Course, amour et raviolis. Course parce que pour dompter son TDAH,Mirabella court. Amour, parce qu’à l’adolescence, ça commence à être beaucoup dans l’air! Raviolis, parce que la famille Fabrini tient un restaurant italien à Saint-Fabien-sur-Mer. Mirabella a seize ans et un TDAH. Ses parents n’ont jamais voulu qu’elle prenne du Ritalin. Plutôt que de prendre des pilules, Mirabella court dans son petit village du Bas-du-Fleuve. Elle dépense son trop-plein d’énergie en courant. Ses talents de joggeuse l’ont rapprochée de William, le chef de l’équipe de course. Il aimerait bien qu’elle fasse partie de l’équipe de l’école. Mirabella succombe un temps au charme du jeune homme. Mais un autre garçon, un ami d’école, se révèle de plus en plus intéressant… Mirabella est hyperactive et impulsive. Mais elle trouve les moyens de canaliser son énergie. De beaux personnages gravitent autour d’elle: ses parents, ses frères et soeurs. Émanuel et son père sont particulièrement attachants. Parlons-en d’Émanuel! Je souhaite à chaque adolescente d’en rencontrer un dans sa vie.
Le roman ne traite par seulement du TDAH. Il y est aussi question de trisomie, de dépression, de vieillesse et de suicide. Le tout sans pathos, sans aucune lourdeur. D’ailleurs, plusieurs passages font sourire. Plusieurs points forts méritent le détour: l’intrigue se déroule en région, ce qui fait changement du cadre urbain et de ses banlieues; une héroïne positive, malgré les difficulté qu’elle vit; une histoire d’amour sans fleur bleue ni fil blanc. Oui, une belle et grande histoire d’amour entre ados comme j’en ai rarement lue; une première expérience sexuelle admirablement racontée. Certains romans manquent de visibilité. Course, amour et raviolis est de ceux-là. La couverture repoussante cache une pépite d’or à découvrir d’urgence.
Course, amour et raviolis, Sandra Dussault, Vent d’Ouest, 2012, 334 p.